En 2000, Bernard Prolongeau, président de l'AFT-Iftim, a pu afficher une année record d'activité pour la formation continue : « plus de 100 000 personnes ont suivi une action de formation ou de perfectionnement en transport à l'AFT-Iftim, ce qui représente une hausse de 23% par rapport à 1999. » Mais ces résultats sont en partie biaisés par l'effet FCOS (Formation Complémentaire Obligatoire de Sécurité). En effet, sur les quelques 87 000 conducteurs qui ont suivi une formation AFT, plus de 56 000 sont venus pour la seule FCOS. Et en 2000, tous organismes de formation confondus, ce sont plus de 100 000 chauffeurs qui ont suivi une FCOS. Au ministère des Transports, la Direction des Transports Terrestres note également la forte montée en puissance d'actions de perfectionnement liées à la conduite de véhicules transportant des matières dangereuses (hausse de 43% de ces formations entre 1997 et 1999). L'effet de ces formations sur la sécurité est indéniable (76 % des conducteurs interrogés à l'issue de leur FCOS considèrent que cela aura un impact positif sur la sécurité), prouvant au passage leur pertinence.
Le problème est qu'en 2001, le ballon s'est dégonflé et que les chiffres globaux de formation continue vont être désastreux par rapport à 2000 (un peu plus de 15 000 FCOS seulement sont prévues en 2001). D'abord, les prochains contingents de FCOS ne reviendront que vers 2003 et 2004. Ensuite, les FCOS compte propre tardent à venir, compte tenu de la lenteur du ministère des Transports à publier le décret qui boucle définitivement le dispositif. Enfin, le projet de directive européenne sur la formation des conducteurs (initiale et continue) pourrait venir perturber le dispositif français, dans la mesure où il faudra l'harmoniser avec ce nouveau texte communautaire (pour l'instant, celui-ci prévoit une formation sur cinq jours).
Par ailleurs, le dispositif de montée en puissance de la FCOS présente un risque potentiel, celui d'appauvrir la politique de formation continue, car beaucoup d'entreprises de transport ont été contraintes de mobiliser des moyens importants pour faire face à la FCOS (au delà des coûts directs de formation, il faut y ajouter les indirects liés à la nécessité de remplacer le chauffeur absent).
Mais fort heureusement, en l'état actuel des besoins en compétences dans le transport, la position est différente et la formation revêt de plus en plus un caractère stratégique. « Elle est au service de la stratégie définie par l'entreprise », insiste Claude Samson, directeur des ressources humaines de Hays Logistique. La plupart des entreprises souhaitent donc aller largement au delà des obligations légales, qu'il s'agisse de la FCOS, du CACES ou du 1,5% formation. « Au sein de notre groupe, nous avons au moins huit métiers qui sont liés à la production, rappelle Marie-Christine Lombard, Pdg de TNT. La part des chauffeurs routiers dans notre effectif n'est que de 12%, alors que les trieurs constituent la majeure partie du personnel, environ 25%. Or il nous faut valoriser l'ensemble des métiers du groupe. Les besoins de formation que nous avons à satisfaire nous amènent à y investir chaque année plus de 5 millions d'euros, ce qui représente 2% de notre CA . Tout cela est accompagné de bilans de compétence, d'outils de gestion de carrière. Nous pouvons ainsi nous permettre d'avoir 98% de nos cadres qui viennent de l'interne. »
Et les données générales sur l'évolution de la formation hors FCOS et FIMO confirment cette volonté. En 1999, les perfectionnements professionnels en ventes, achat ou techniques d'exploitation ont concerné près de 2400 personnes (en baisse par rapport à 1998, mais les tendances 2000 et 2001 sont à la hausse). La formation continue de la maîtrise et des cadres a touché plus de 6300 personnes, en très forte hausse par rapport à 1998 (+17%). L'AFT-Iftim s'est efforcée de répondre à cette évolution en créant au début de 2000 la marque « Aft-Iftim Managers », en continuité de l'ancien catalogue de formation cadre, le « Cestral-Certel ». « Nous proposons avant tout des prestations de formation destinées aux responsables d'entreprises de transport ou d'entreprises industrielles et commerciales, rappelle Bernard Prolongeau. En 2000, près de 5000 cadres et dirigeants ont participé à des actions de formation sous cette marque, ce qui a représenté une hausse de 15% par rapport à l'année précédente. »
Mais cette nouvelle dynamique creuse le fossé entre les groupes et les PME. Si l'on s'en tient au critère de l'effort de participation financière des entreprises aux actions de formations, l'écart de comportement est énorme : il est d'environ 1,5% pour les celles dont le nombre de salariés est compris entre 10 et 19 (soit le minimum légal). Il atteint 2,67% pour les entreprises de 500 à 2000 salariés. Le taux d'accès à la formation continue (c'est à dire le nombre de stagiaires pour 100 salariés) est de seulement 3,3 pour les premières et de 70 pour les secondes.
Cet écart s'explique en partie par l'absence de motivation dans les PME et sur la difficulté à appréhender la formation comme un investissement. Il vient également en grande partie du coût et de la lourdeur des procédures de déroulement des formations. Car le modèle éducatif français est largement bâti sur une tradition ancestrale, celle du cours magistral où un enseignant vient professer la bonne parole à des élèves ou étudiants. L'arrivée de l'informatique a permis l'émergence de nouveaux supports pédagogiques, comme la video-transmission ou le cédérom.
Concernant ce dernier, plusieurs tentatives de formation ont vu le jour dans le monde du transport et de la logistique. En 1998, plusieurs organisations professionnelles (Fédération du Commerce et de la Distribution, Association Nationale des Industriels de l'Agro-alimentaire, Fédération Nationale des Transports Routiers, Fédération des entreprises de Transport et Logistique de France, etc.) décidaient d'élaborer, en partenariat avec l'AFT-Iftim, un guide des bonnes pratiques logistiques. « Ce document, explique Philippe Cousseau, directeur logistique de Fleury Michon, a été conçu avec une forte vocation pédagogique. Il peut être utilisé en auto-formation ou, mieux, en outil d'aide à la formation. » Comprenant une banque de données juridiques et une découverte des schémas logistiques, il n'a pas obtenu un véritable succès d'édition.
L'AFT-Iftim, de son côté, s'est attelée à une tâche tout aussi lourde, consistant à développer un produit d'enseignement à distance pour préparer à l'examen d'attestation de capacité. Le cédérom s'inspire largement du principe de l'auto-formation, mais renvoie à des petits examens ou Questionnaires à Choix Multiples (QCM) qui permettent un suivi pédagogique de l'apprenant. La base peut également être enrichie et complétée par le formateur. Enfin, plusieurs établissements ont décidé d'éditer des études de cas sur cédérom, à l'image de ce qui a été fait au sein de l'Esidec à Metz par Yves Le Denn. Avec l'appui de l'Aslog et de l'Institut Supérieur de la Logistique Industrielle de Bordeaux, une véritable étude de cas complète (Meubles de cuisines Cuisilor) a pu être mis à la disposition des enseignants en logistique.
Il n'en reste pas moins que ces projets, aussi pertinents soient-ils, pêchent tous par l'absence d'une réelle interactivité entre le tuteur et l'élève ainsi que par la difficulté d'actualisation. Ce dernier point explique en grande partie que le guide des bonnes pratiques édité sous format cédérom est aujourd'hui grandement périmé, compte tenu des évolutions réglementaires enregistrées depuis.
C'est pour pallier ces contraintes que Thierry Allemand a décidé de lancer au début du mois de septembre une offre de formation en ligne sur son site logistique.com. « Certaines entreprises souhaitent disposer de formations à la carte qui permettent à leurs salariés de se perfectionner sans pour autant générer une logistique de formation lourde et coûteuse, explique Thierry Allemand, un ancien de l'Iftim et de Logic Line. Les demandes portent principalement sur des formations courtes et pointues. Mais le fait que ce type de formation est exigible au titre d'une loi de 1971 qui impose d'investir 1% de la masse salariale en formation devrait la rendre plus attractive. » Le principe de fonctionnement repose sur la définition d'un cadre précis entre l'entreprise et le formateur. Puis ce dernier définit le rythme de diffusion des cours et des exercices. L'internet permet une interactivité naturelle et surtout une adaptation du rythme de chaque élève. Il reste cependant à mesurer si ce type de formation peut se dispenser totalement de périodes de regroupement où le formateur et les stagiaires se rencontrent visuellement. Pour l'instant, une formation est disponible sur les techniques d'entreposage. Mais deux autres devraient voir le jour sur l'achat transport, sur le management des équipes logistiques et sur les standards de temps en manutention.
Les formations continues à l'attestation de capacité ont repris de la vigueur en 1999 et 2000, conséquence directe de l'arrêté de 1999 sur ses conditions d'obtention et de la mise en place du justificatif de capacité pour les exploitants de véhicules de moins de 3,5t. Ce dernier vise expressément le suivi d'un stage « d'au moins dix jours portant sur la réglementation spécifique du transport routier et la gestion et l'exploitation d'une entreprise de transport ».
L'attestation de capacité n'est pas en soi un diplôme, l'arrêté insistant sur le fait qu'il s'agit d'une réussite à un examen. Mais l'arrêté prévoit de multiples solutions permettant d'en obtenir l'équivalence. Parmi celles-ci figurent expressément deux voies pour la formation continue. La première concerne les titulaires d'un bac pro ou d'un bac +2 en économie et gestion qui doivent suivre des stages de 10 jours pour les premiers et de 20 jours pour les autres. La seconde concerne le « Certificat de compétence délivré conjointement par l'AFT et le CNAM, Conservatoire National des Arts et Métiers ». Enseigné par la voie de la formation continue (300 h de cours répartis tout au long de l'année les vendredi et samedi), ce certificat donne une équivalence de plein droit. Une première promotion d'une dizaine d'élèves est sortie fin novembre. Deux autres promotions vont ouvrir au début de 2002 à Paris et à Nantes.
Enfin, la faiblesse des résultats à l'examen incite de nombreux candidats à suivre des stages de préparation. A l'AFT-Iftim, ces derniers s'étalent sur 175 heures de cours. L'ensemble de ces besoins a conduit à une explosion de l'offre « attestation de capacité » en 2000 et 2001. Pour la seule AFT-Iftim, les stages de préparation ont accueilli 2730 personnes en 2000, soit une hausse de 70% par rapport à 1999.