Une année 2016 de bonne tenue mais qui devrait être légèrement moins dynamique que 2015. Tel est le constat général des acteurs du marché des véhicules industriels d’occasion (VO), constructeurs de poids lourds et professionnels de l’achat/revente. Le marché français a même démarré l’année en fanfare en enregistrant une hausse des volumes au premier semestre. « À fin juin, les volumes de vente globale ont progressé de 6 % par rapport à 2015. Avec 17 000 immatriculations, les ventes de tracteurs d’occasion ont même crû de 10 % par rapport à l’an dernier », indique Éric Bonnard, responsable marketing VO chez Renault Trucks France. Mieux, Daf Trucks France a vendu « le même nombre de poids lourds d’occasion à fin septembre 2016 que sur l’ensemble de l’année 2015 », selon Frédéric Brialy, directeur du centre national de VO du constructeur. « Les sociétés de transport, souvent des PME, ont réalisé des bilans plutôt positifs, notamment liés à la baisse du prix du gazole. Du coup, elles ont pu investir davantage dans le renouvellement d’une partie de leur flotte, notamment par l’achat de véhicules d’occasion », explique Kamal Iznasni, coordinateur des VO chez Scania. La croissance des ventes de poids lourds neufs, qui s’est poursuivie cette année, a également tiré le marché de l’occasion en favorisant les reprises des constructeurs, notamment auprès des grands comptes. « Les clients, qui ont retenu leurs achats pendant les années de crise, renouvellent leur flotte depuis un à deux ans. Du coup, au premier semestre 2016, le marché a été dans la lignée de celui de 2015, avec une offre qui correspond à la demande », observe Jacques Rouquette, responsable du réseau TruckStore de vente de VO de Mercedes France. Ainsi, les stocks de PL d’occasion des constructeurs s’écoulent bien, se maintenant à des niveaux standards. « Nous n’avons pas d’inflation ni de problématique de stocks », confirme Sébastien Soulié, directeur commercial VO chez Volvo Trucks France. Par conséquent, les prix restent relativement stables. « Les prix des tracteurs sont cependant légèrement plus élevés qu’en 2015. Ils oscillent entre 25 000 € pour des véhicules de 2011 et 40 000 à 45 000 € pour des occasions de 2013 », remarque Frédéric Brialy. « La hausse des prix est mécanique. Elle est due au passage progressif d’un flux de véhicules Euro 4 à celui de véhicules Euro 5 plus chers », glisse Alexandre Milan, directeur VO chez MAN. Le constructeur ouvrira notamment, en janvier 2017 à Roissy, un centre « qui concentrera des véhicules de 3 à 5 ans et d’un kilométrage de 350 000 km pour ceux immatriculés en 2013 ».
Dans un marché français où les transporteurs sont très exigeants sur la qualité des matériels roulants d’occasion, les constructeurs misent sur la revente des camions les plus récents, notamment des véhicules buy-back. Ces véhicules, essentiellement des tracteurs neufs vendus souvent en location longue durée, font l’objet d’un rachat contractuel des constructeurs au bout de trois à quatre ans d’utilisation. « Les transporteurs tricolores sont en demande de tels véhicules de 3 à 5 ans d’âge maximum et de moins de 500 000 km, avec des budgets compris entre 30 000 et 50 000 € l’unité », résume Kamal Iznasni. Du coup, même si les reprises de véhicules plus anciens (6 ans ou plus) constituent le gros du marché, le segment des buy-back porte la croissance des ventes avec une offre de tracteurs Euro 5, propres et de technologie récente. « La revente des buy-back s’adresse en général à des PME régionales de transport pourvues d’une flotte de 100 à 400 unités, que l’achat de VO récents permet d’assurer un complément d’activités », souligne Éric Bonnard. « Les tracteurs buy-back sont une vraie alternative à moindre coût à leurs homologues neufs », ajoute Alexandre Milan. Comme MAN, qui en revend 1 200 unités par an sur un total de 1 800 camions d’occasion, tous les constructeurs appuient leur vente de tracteurs buy-back, par une offre de garantie et de services associés similaires à ceux qu’ils proposent pour leurs véhicules neufs. « Tous nos services associés pour les véhicules neufs sont proposés pour les buy-back. Extension de garantie, contrat d’entretien pour la maintenance de la chaîne cinématique, dépannage, remorquage… tout est pris en compte sauf la carrosserie », résume Alexandre Milan. De même, Iveco propose les mêmes avantages que ceux qui accompagnent ses ventes de véhicules neufs : garantie d’un an de la chaîne cinématique, contrat d’entretien, révision du véhicule… hormis la carrosserie. Les acheteurs bénéficient ainsi en général d’une garantie de 12 mois sur la chaîne cinématique et d’une révision préalable des véhicules se traduisant par plusieurs centaines de points de contrôle technique. Mais ces offres varient d’un constructeur à l’autre. Chez Renault Trucks France, les meilleurs véhicules (de moins de 350 000 km) qui passent sous son label Sélection sont garantis 24 mois ou sur 240 000 km. « Nous proposons la garantie la plus longue du marché qui couvre la chaîne cinématique, un contrat d’entretien et une assistance 24 h/24 et 7 jours/7 pour assurer les frais de remorquage », déclare Éric Bonnard. Et pour être labellisé Selection, l’ensemble du véhicule subit 220 points de contrôle « y compris la carrosserie ». Daf Trucks France propose de son côté une garantie First Choice de 6 mois sur la chaîne cinématique et un contrat d’entretien de 2 ans associé, voué à la maintenance des pièces mécaniques et à la vidange. Chez Scania, la garantie de 12 mois ou sur 180 000 km porte sur des véhicules labellisés Scania Approved, de moins de 72mois et de moins de 840 000 km. Le constructeur propose depuis peu un contrat de maintenance et de réparation. Ce que n’offre pas encore le réseau TruckStore de Mercedes France. Et ce que s’apprête à lancer Volvo Trucks France qui souhaite proposer les mêmes services que pour ses tracteurs neufs. « Nous allons lancer, début 2017, une offre complète de services de maintenance », révèle Sébastien Soulié, son directeur commercial VO. En attendant, le constructeur garantit sur 12 mois la chaîne cinématique, la dépollution et le système électronique de ses véhicules d’occasion de moins de 6 ans.
Le tableau du marché de l’occasion n’est cependant pas si idyllique. Si le segment des tracteurs se porte plutôt bien, ce n’est pas le cas des porteurs. « On observe une véritable pénurie de porteurs sur le marché français. Nos distributeurs locaux n’ont plus grand-chose en stock », confie Éric Bonnard. Même constat de Miguel Gonzalez, directeur des ventes VO d’Iveco qui n’a également plus de porteurs en stock. « Cette pénurie peut s’expliquer par une exploitation plus longue des porteurs dans les entreprises sur une durée de 6 à 7 ans liée à leur cycle de vie plus long que celui des tracteurs de l’ordre de 3 à 4 ans », estime-t-il. Et donc un renouvellement des flottes qui se fait attendre… Autre source d’inquiétude : le marché difficile des remorques et semi-remorques ainsi que des bennes et autres plateaux d’occasion pour les travaux publics. « Après un bon premier semestre, la tendance au second semestre est à la baisse en raison du ralentissement du renouvellement des flottes neuves », regrette Philippe Veuillot, co-gérant de MSRA, professionnel de l’achat/vente de remorques, semi-remorques, bennes et plateaux d’occasion. « Nous sommes très inquiets sur les ventes de semi-remorques, remorques, bennes et plateaux au second semestre de l’année. Nos stocks ne sont pas remplis et la demande est calme car le secteur des travaux publics souffre beaucoup », confirme Patrick Grattarola, P-dg de Savim, spécialiste de la revente de véhicules d’occasion. Confrontées aux contraintes actuelles géopolitiques des pays destinataires, les ventes à l’export de vieux poids lourds de plus de 6 ans (et de plus de 450 000 km) qui constituent environ le tiers du marché, piétinent aussi. « La Russie s’est fermée et en Pologne la baisse du zloty a entraîné une diminution de la demande », avance Alexandre Milan. « La demande en Ukraine a chuté en raison du conflit entre l’État et les rebelles pro-russes et les ventes au Moyen-Orient restent compliquées en raison de la chute du cours du pétrole. Mais le Maroc a maintenu son dynamisme et de nouveaux marchés se développent comme l’Amérique du Sud et l’Iran », ajoute Kamal Iznasni. Le ralentissement du marché français commence aussi à poindre. « Avec le déficit d’achats de porteurs lié à une offre faible, on peut s’attendre à un ralentissement global du marché de l’occasion en fin d’année », analyse Éric Bonnard de Renault Trucks. D’autant que le marché tricolore ne sera pas favorisé par l’échéance des prochaines élections présidentielles vis-à-vis desquelles la plupart des établissements et institutions publiques retiennent le renouvellement de leur flotte.
B. M.
Moins de trois ans après l’entrée en vigueur en janvier 2014 de la dernière la norme européenne de motorisation des camions, commencent apparaître sur le marché les premiers véhicules Euro 6 d’occasion. Le constructeur MAN en a même vendu une dizaine en 2015 et en compte une centaine cette année dans son stock de VO. « On rentre un bon nombre de véhicules Euro 6 et on constate une forte demande de tracteurs de ce type sur les six derniers mois », indique Jacques Rouquette, responsable du réseau TruckStore de vente de VO de Mercedes France. « Nous en avons vendu un peu plus d’une centaine âgés de 24 mois depuis mi-2015 », ajoute Sébastien Soulié, directeur commercial VO chez Volvo Trucks France. « Il y a une forte attente des transporteurs sur les nouveaux Euro 6 d’occasion. Ces modèles très récents constituent une belle alternative à moindre coût aux véhicules neufs », expose Éric Bonnard, responsable marketing VO chez Renault Trucks France. Le constructeur en a revendu « entre 70 et 100 à fin septembre 2016 ». Daf Trucks France en a également récupéré une centaine cette année. « Ils repartent aussitôt sur le marché », illustre Frédéric Brialy, son directeur du centre national VO. Reste que ces occasions dernier cri sont plus chères que leurs prédécesseurs Euro 5. « Il faut compter débourser plus de 10 % que le prix d’un Euro 5 », remarque Éric Bonnard. Pour Sébastien Soulié, « la différence de prix est de 12 % ». « Leur prix facial est de 67 000 € », révèle Alexandre Milan, directeur VO chez MAN. Chez Daf Trucks France, on les vend « à 60 000 € ». Mais certains constructeurs n’ont pas encore cette chance. Scania n’en a revendu que de façon exceptionnelle à la faveur de la faillite ou d’un redressement judiciaire de clients. Et Iveco n’en a eu qu’une dizaine à vendre, principalement des véhicules de démonstration.
B. M.
À l’initiative, avec trois autres PME de transport (Magnin, Prabel et Sotradel), du projet Equilibre qui promeut la transition énergétique du transport routier vers le GNV, les Transports Mégevand Frères se sont dotés il y a un an et demi, de trois camions au GNV dont deux à bicarburation (gazole/GNL). « Nous avons pris un risque sur le surcoût de 30 000 à 40 000 € à l’achat de ce type de camions écologique par rapport à un véhicule gazole traditionnel. Mais nous pensons que la valeur résiduelle de ces véhicules GNV va croître au fil du temps, avec la tendance du marché vers des véhicules écologiques et en admettant que l’infrastructure de recharge suive », estime Frédéric Mégevand, co-gérant de la société éponyme. L’entreprise est partie sur une durée d’exploitation de ses véhicules GNV de 6 à 7 ans. Mais il est encore trop tôt pour connaître leur valeur d’occasion à cette échéance. Pourtant, Artegy, la filiale de location longue durée de véhicules industriels de BNP Paribas aurait réalisé une étude prospective qui donne déjà une idée de la valeur résiduelle de tels véhicules au bout d’un contrat long. « L’hypothèse du loueur fixe entre 10 000 € et 15 000 €, le prix des véhicules GNV vieux de 7 ans », annonce Frédéric Mégevand. Pour ce dernier, les véhicules GNV commencent même à passer d’un marché de niche à un marché de volume. Certains constructeurs en ont déjà vendu plusieurs centaines d’unités, souligne-t-il. « Si on peut en tirer un bon prix au final, ce sera d’autant mieux. Mais il faut que les transporteurs arrêtent de raisonner sur la valeur résiduelle de leurs véhicules. C’est l’utilisation qu’ils en font qui doit valoriser le moyen de transport », conclut Pascal Mégevand, co-gérant de l’entreprise éponyme.
B. M.