Des spécialistes du général

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Banal, voire basique, peu rentable, le transport de lot a su s'adapter à tous les nouveaux défis réglementaires, techniques ou industriels qui se sont présentés depuis une vingtaine d'années. Cette évolution a favorisé le développement d'un marché plutôt hétéroclite où chaque entreprise reflète un peu de l'histoire de cette profession.

L'activité «lot» est a priori la plus aisément définissable et la plus basique de toutes les spécialités du transport routier. Il s'agit de déplacer d'un point A à un point B des marchandises générales conditionnées constituant un lot partiel ou complet, selon que celui-ci remplit ou non le véhicule. La nature des produits traités et des trafics n'exigent a priori ni matériel, ni manipulation, ni organisation spécifiques. Pour réaliser la prestation, un tracteur, une semi bâchée et un conducteur suffisent. Conséquence : cette activité peu créatrice de valeur ajoutée reste celle où le chiffre d'affaires par salarié est le moins élevé. Pour dégager quelque rentabilité, les professionnels du lot ont pourtant su faire évoluer leur métier et leur marché au cours des deux dernières décennies. Dans les années quatre-vingt, ce créneau restait l'affaire de petites structures dépendant plus ou moins d'affréteurs qui leur permettaient d'atteindre leur objectif numéro un : optimiser le remplissage des véhicules. En autorisant le développement des flottes et la concurrence, la libéralisation du transport routier de marchandises a favorisé, à partir de la fin des années quatre-vingt, à la fois une certaine concentration et l'apparition d'opérateurs de taille intermédiaire. Si le marché compte toujours de nombreux petits tractionnaires sous-traitants et des affréteurs, il s'appuie désormais essentiellement sur de grandes et de moyennes entreprises qui travaillent directement avec les chargeurs. C'est cette évolution qui a permis au secteur d'amorcer le virage de la logistique au milieu des années quatre-vingt-dix. Les opérateurs étaient alors en mesure de répondre aux demandes d'externalisation de la gestion des flux exprimées par leurs clients. Les groupes ont été les premiers à étendre leurs activités en amont et/ou en aval de leur prestation transport vers des services à forte valeur ajoutée. Mais les PME leur ont rapidement emboîté le pas.

Les professionnels du lot ne se sont pas contentés de se diversifier sur des créneaux plus rentables, ils ont également trouvé les moyens d'améliorer la productivité de leur métier de base. Profitant de l'abolition des frontières européennes et des progrès techniques, ils sont, pour certains, allés plus loin. Pour cela, ils ont industrialisé leur exploitation et se sont dotés d'outils (tels que le GPS) pour gérer leur flotte à distance. Les plus grands ont pu mettre en place des systèmes de relais qui allongent leur rayon d'action et limitent les retours à vide. Afin de profiter de cet effet de taille, des PME se sont associées au sein de groupements d'entreprises indépendantes. Lesquels favorisent l'échange de fret mais permettent aussi de répondre aux grands industriels en quête de prestataires à leurs mesures, ou encore de négocier des achats groupés.

Adaptation toujours

Parallèlement, sont venues se greffer sur l'activité traditionnelle de transport de lot de marchandises générales des spécialités nées de l'évolution des expéditions. C'est ainsi que s'est développée ces dernières années l'activité de groupage/distribution. De plus en plus fractionnés, certains envois sont devenus trop petits pour constituer un lot mais trop gros pour entrer dans le circuit de la messagerie. Ils sont alors palettisés (regroupés sur une palette) en fonction de leur destination. Leur traitement suppose une plate-forme avec quais de collecte et d'éclatement, aires de stockage... Cette organisation apparente donc le groupage/distribution à la messagerie. Ce qui explique que s'y retrouvent tant des spécialistes du lot que des messagers.

Protection de l'environnement et optimisation des coûts de transport, limitation des emballages et apparition de nouveaux produits plus légers: les marchandises transportées tendent à devenir moins pesantes et plus volumineuses. C'est ce qui a incité certains opérateurs à se doter de matériels adaptés offrant plus de mètres cubes pour une poids total autorisé en charge équivalent et fait de la niche qu'était le « grand volume », une spécialité à part entière. Amélioration du taux de rechargement oblige, celle-ci tend cependant à se rapprocher, par les matériels qu'elle utilise, du «lot complet standard». Les porteurs-remorqueurs légers et peu puissants sont de plus en plus souvent remplacés par des ensembles de 40 tonnes de PTC.

Un marché « historique »

Cette évolution, comme l'ensemble des mutations qu'a connu le secteur se retrouve dans la physionomie actuelle du marché du lot. Celui-ci est dominé par cinq « milliardaires en francs » parmi lesquels figurent un affréteur (la CAT) et quatre grands spécialistes disposant de leur propres flottes : Giraud, Norbert Dentressangle, Geodis BM et Transalliance. Tous les quatre sont très actifs à l'international (Norbert Dentressangle et Giraud y réalisent plus de la moitié de leur CA, Geodis BM et Transalliance plus du quart). Les deux premiers sont également très présents sur le créneau de la logistique. Si les deux autres le sont moins, c'est en raison de leur affiliation à des ensembles dotés d'une branche spécifiquement dédiée à cette activité. Débarrassée de sa parenté avec le prestataire logistique Stockalliance (depuis sa sortie de l'orbite du CDR début 2000), Transalliance affiche désormais son ambition de réaliser dès 2002 un tiers de son CA en logistique. Cette entreprise est en phase de restructuration comme le sont ou l'ont été les trois autres grands leaders français du lot. Pour Geodis BM, divisé en cinq branches spécialisées en 1999, l'issue reste incertaine. L'entreprise sera-t-elle vendue ou intégrée aux pôles régionaux multi-activités que projette de créer le groupe Geodis (filiale de la SNCF) ? La question reste posée.

Les choix de Norbert Dentressangle et de Giraud semblent plus tranchés. Après avoir réduit leur activité transport au rang de « prestation logistique parmi d'autres », les deux opérateurs semblent s'être réconciliés avec leur métier d'origine. Norbert Dentressangle a ainsi marqué son regain d'intérêt pour le transport en rachetant United Savam, spécialiste du grand volume (cf. encadré). Giraud a, de son côté, choisi de scinder début 2001 ses activités en deux pôles : Giraud Logistique et Giraud International. Dédié au transport, ce dernier se consacre désormais au seuls lots de marchandises générales. Le groupe s'étant séparé en 2000 de sa branche pulvérulent (cédée au Néerlandais Vos) ainsi que de ses activités grand volume vendues à Sebban. Depuis, ces dernières ont été reprises par Aubry. Un groupe contrôlé et dirigé depuis février 2001 par Jean Simon qui ambitionne de porter son CA à 61 M€dès 2002. Aubry viendrait ainsi rejoindre les Bréger, Bils Deroo, Darfeuille, FM Logistics, Vialle (dont l'avenir demeure cependant incertain). Ces grands régionaux se placent derrière les grands leaders du marché et qui comme eux ont fait des choix significatifs de l'évolution de cette profession. Bréger joue ainsi les cartes du grand volume et de l'international, Bils Deroo celles de la logistique et du grand volume. FM Logistics inscrit ses prestations transport dans une approche logistique globale. Darfeuille se présente comme un spécialiste du groupage industriel. C'est parmi ces « challengers » que pourraient figurer les forces des groupements Astre, France Lots (Flo) et Evolutrans dont les membres se classent individuellement plus bas dans le classement : Legendre (Astre), Gelin, Jeantet (FLO). GST Plateforme Européenne était adhérent de ce dernier réseau jusqu'à son rachat fin 2001 par le groupe luxembourgeois Thiel. D'autres entreprises à capitaux étrangers figurent en bonne place sur le marché français : Darfeuille, repris fin 2001 par le Britannique Christian Salvesen, et Mendy, contrôlé par le Néerlandais TPG. Comme Hays Logistique France (filiale du Britannique Hays) et Willi Betz France (filiale de l'Allemand Willi Betz), ces sociétés ont d'abord vocation à servir de base française dans le cadre de la stratégie européenne développée leur maison-mère.

L'envol du volume

C'est sur le créneau du grand volume que semblent se jouer actuellement des parties décisives. Norbert Dentressangle a frappé un grand coup en rachetant en janvier 2001 United Savam (61 M€ CA). Ainsi à la tête d'une flotte de quelque 1 000 ensembles grands volume, il distance le deuxième opérateur de cette spécialité : Bréger (640 ensembles). Cette acquisition a, en outre, perturbé l'avènement d'un nouvel acteur, REV (Réseau Europe Volume), un groupement d'intérêt économique qui était supposé réunir United Savam et des PME du secteur. Le projet a finalement débouché avec la naissance en septembre 2001 d'Euro Volume qui compte déjà 7 adhérents : Braun Transport (67), Doumen (24), Gorron Fret (53), Grimonprez (59), Lamy (39), Transports Rapides du Maine (53) et Cordier (71). Des entreprises qui cumulent un chiffre d'affaires annuel de 91,5 millions d'euros et un parc de 900 moteurs. De quoi se hisser dans le trio de tête du grand volume. La renaissance annoncée du groupe Aubry qui réalise 80 % de son activité sur ce marché et qui table sur un chiffre d'affaires de 61 M€ en 2002 pourrait encore perturber la donne.

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