Les salaires d'embauche dans le transport ne sont pas encore tout à fait les mêmes que ceux des autres secteurs. Ainsi, en 1999, un agent de maîtrise dans le transport percevait en moyenne 11 910 francs bruts par mois contre 12 340 pour le secteur tertiaire. Un cadre du transport touchait 15 900 F bruts par mois contre 18 650 F pour son homologue du tertiaire. Pas facile dans ces conditions d'attirer des cadres ou agents de maîtrise de haut vol. Difficile également dans d'attirer des jeunes motivés, surtout lorsqu'on apprend au détour d'une fiche descriptive métier que « les journées de travail d'un responsable d'exploitation dans le transport routier de marchandises sont souvent supérieures à 10 heures par jour, s'échelonnant entre 8 et 21 heures ». Le plus déroutant pour un jeune qui entre dans le métier est de constater la faiblesse du différentiel de rémunération qui le sépare d'un conducteur routier. Un étudiant à la formation OTMI (Organisateur de transport multimodal international) de l'AFPA de Cholet porte un regard un peu amer sur la formation supérieure en transport : « on fait des études pour avoir des postes à responsabilité ; nos journées de travail sont aussi longues que celles d'un chauffeur ; et au final, on gagne la même chose ». Pas tout à fait disent cependant les chiffres. Le salaire moyen mensuel des ouvriers dans le transport (principalement les conducteurs) est de l'ordre de 9 200 francs bruts, soit 22 % de moins que ceux d'un agent de maîtrise.
Cette impression d'ensemble d'un secteur transport un peu à la traîne a été confirmée par plusieurs enquêtes récentes sur le devenir des diplômés. La plus significative d'entre elles a été réalisée cette année par l'assemblée des chefs de département Gestion Logistique et Transport, sous la houlette de trois enseignants : Michel Le Nir (Lyon), Christophe Beckerich (Reims) et Pierre Guillemard (Mulhouse). Cette étude a analysé le devenir des étudiants en IUT GLT entre 1989 et 1998. Le premier constat dressé est rassurant. L'insertion professionnelle est particulièrement rapide, davantage que pour d'autres secteurs d'activités. Près de 65% des diplômés désirant s'insérer professionnellement à la sortie immédiate de l'IUT ont trouvé un emploi en moins de trois mois. Et plus de 80% y parviennent en moins de six mois. Pour les bac +2, la durée moyenne de recherche du premier emploi est légèrement inférieure à 3 mois. Pour les diplômés bac +3, bac +4 ou bac +5, la recherche du premier emploi est encore plus rapide, puisque le délai pour trouver un est inférieur à deux mois. Autre constat rassurant : les jeunes diplômés connaissent rarement le chômage. Moins du tiers des titulaires d'un DUT ont connu une période de chômage au cours de leur carrière. Cette inactivité touche davantage les hommes que les femmes.
Restent plusieurs ombres au tableau. « La précarité s'est accentuée au cours de la décennie précédente, déplore Michel le Nir, qui a été jusqu'au mois de novembre dernier, président de l'assemblée des chefs de département IUT Gestion Logistique et Transport. Pour les promotions de 1989 et 1990, 70% des diplômés se voyaient proposer un contrat à durée indéterminée contre seulement 32% pour les promotions 1997-1998. Cette évolution s'est principalement faite au profit des contrats à durée déterminée qui sont passées de 25 à 50% des situations ». Autre indicateur significatif : la montée en puissance de l'intérim. Le nombre de diplômés intérimaires était quasiment nul au début de la décennie 1990. Pour les promotions les plus récentes, celles sorties après 1995, il concerne quasiment un diplômé sur cinq. La situation des diplômés de niveau supérieur est, quant à elle, plus enviable. Un peu plus de la moitié seulement des bac +3 et bac +4 est embauchée sous un contrat à durée indéterminée. Le taux n'atteint que les 60 % pour les bac +5, la proportion des CDD et des contrats d'intérim restant encore importante (respectivement 30 et 10%).
Cette précarité s'accompagne bien souvent d'un statut qui n'est pas à la hauteur. En tout état de cause, un bac +2 a vocation à devenir agent de maîtrise ou technicien quand un bac +4 ou un bac +2 aspire à être cadre. La réalité pour les diplômés du transport est tout autre. D'une part, les trois quart des bac +2 se voient proposés des postes d'employés. Seule une minorité accède immédiatement à un poste d'agent de maîtrise (10%) ou de technicien (un peu plus de 15%). D'autre part, alors qu'au début des années 90, aucun bac +2 ne se voyait proposer un poste d'ouvrier, ils sont aujourd'hui près de 5% dans cette situation.
Pour Michel le Nir, « plus que jamais, le premier emploi constitue donc une période d'essai transitoire vers un poste et un contrat de moindre précarité. D'ailleurs une très grande majorité de diplômés bac +2, environ 83%, se déclare en contrat à durée déterminée quelques années plus tard. De même, si lors du premier emploi, la très grande majorité des diplômés possèdent un statut d'employé, l'éloignement de la sortie de leur diplôme est favorable à une amélioration de ce statut. » On constate en effet qu'après 10 ans d'expérience professionnelle, un tiers des bac +2 a obtenu un poste d'agent de maîtrise. Plus de 20 % sont devenus cadres moyens et environ 5 % cadres supérieurs.
Il n'en reste pas moins vrai que cette forte précarité à l'embauche à un impact particulièrement négatif sur la rémunération de départ. Pour Michel Le Nir, « les salaires de premier emploi sont globalement faibles, confirmant le statut particulier de la première embauche. »
Et la situation, qui partait déjà d'un niveau assez bas en 1990, ne s'est guère améliorée tout au long de la décennie. En 1990, le salaire net mensuel moyen d'embauche d'un diplômé bac +2 était d'environ 6 700 F. Il était au même niveau en 1998, après avoir connu un recul léger et continu entre 1991 et 1996. Le mouvement tend cependant à s'inverser depuis 1997 et le rattrapage se fait progressivement. « Mais si l'on raisonne en francs constants, le phénomène s'est aggravé, expliquent Michel le Nir, Christophe Beckerich et Pierre Guillemard. Le salaire net moyen est ainsi passé de 8100 F en 1989 à 6700 F en 1998, soit une baisse de 20%. Les primes et éventuels treizièmes mois dont bénéficient certains diplômés ne permettent pas de compenser la baisse enregistrée. » Plus inquiétant. L'étude menée par les chefs de département d'IUT GLT note même qu'un quart des jeunes diplômés touche moins de 6 000 francs nets par mois, soit le niveau du SMIC.
Pour les bac +3 et les bac +4, la situation est tout aussi mauvaise, avec des salaires nets mensuels moyens qui se situent entre 7 500 et 8 000 francs. Seuls les bac +5 échappent à l'atonie avec des rémunérations à l'embauche qui approchent les 16 500 francs nets par mois.
Fort heureusement, ces niveaux de rémunération évoluent assez rapidement à la hausse au cours des mois qui suivent l'embauche. Au bout d'un an ou deux, la hausse est relativement faible, puisqu'elle atteint environ 7,5 %. Il faut en fait attendre un peu plus de deux ans, pour voir la situation s'améliorer sensiblement. Deux ans après son embauche, un jeune bac +2 voit son salaire progresser de 25 %. Au bout d'une dizaine d'années, la hausse des salaires est d'environ 60 %, permettant de miser sur un net d'environ 11 000 francs par mois. « Ces augmentations de salaires vont de pair avec les évolutions constatées en terme de nature de contrat de travail et de statut », précise les auteurs de l'étude.
Conscients de ses faiblesses, les chefs d'entreprise insistent donc sur le caractère rapidement évolutif des salaires. Comme le rappelait récemment Gilles Collyer, Pdg des Routiers Bretons : « il est vrai que les salaires à l'embauche d'un jeune diplômé ne dépassent pas les 100 KF bruts par an ; mais en fonction de la motivation et des compétences, l'évolution peut être rapide, avec même des hausses significatives au bout de six mois. » Il n'en reste pas moins vrai que le niveau de salaire à l'embauche démontre la capacité d'un secteur à attirer les jeunes en grand nombre, et de préférence les meilleurs. Le transport à ce niveau là, n'est guère motivant, comme le résume crûment ce jeune étudiant venu participer à un forum emploi-étudiant, et découvrant les niveaux de rémunération : « si j'avais su, j'aurai choisi une autre voie. »
Peut-être est-ce la conséquence directe de la faiblesse des salaires et de la montée de la précarité de la première embauche. Toujours est-il qu'actuellement la plupart des jeunes diplômés préfèrent poursuivre leurs études que de chercher directement un travail.
Alors que les BTS et les DUT ont pour vocation de former des jeunes directement opérationnels sur le marché du travail, on constate aujourd'hui que la plupart des jeunes diplômés issus de ces filières préfère poursuivre des études. Ils sont près de 40% dans cette situation. Le chiffre a légèrement baissé au cours des trois dernières années en raison de la reprise économique (et de la très légère hausse des salaires à l'embauche). Mais par rapport aux années soixante dix, le changement est radical, puisqu'à cette époque là, moins de 20% des diplômés bac +2 poursuivaient des études. Le recul économique actuel, la montée en puissance des licences professionnelles et la disparition du service national pourraient bien aggraver cette tendance. Il est tout de même intéressant de constater que la plupart des jeunes restent dans la filière transport. Une bonne partie de ceux qui poursuivent des études rejoignent des écoles spécialisées (École Européenne des Transports, École de la Direction du transport et de la Logistique, École Supérieure du Transport, etc.). Une autre bonne partie rejoint l'université pour suivre également des formations spécialisées (type Institut Universitaire Spécialisé, licence ou maîtrise avec option transport).
Parallèlement à cette tendance à la poursuite des études, il est également un autre constat inquiétant pour le secteur du transport : les jeunes se détournent sensiblement du secteur transport à la sortie de leur diplôme, pour rejoindre d'autres activités. « En effet, explique Michel le Nir, si en 1989, les entreprises de transport employaient la moitié des DUT, cette proportion n'est plus que de 40% en 1998. » Les entreprises industrielles attirent de plus en plus (un quart des diplômés), ainsi que les prestataires logistiques. Et le temps ne joue pas en faveur du transport, puisqu'au fil des années, la part des jeunes diplômés embauchée par les transporteurs diminue encore, au profit des entreprises industrielles et de la distribution. Le constat est identique pour les titulaires d'un BEP ou d'un Bac Professionnel en transport. Selon une enquête sur le devenir professionnel des jeunes ayant présenté un diplôme de l'enseignement secondaire en transport en juin 2000, 40% des titulaires d'un bac professionnel exploitation des transports ne travaillent pas chez un transporteur ou un prestataire logistique. La proportion est de seulement 25% pour les BEP conduite et services dans le transport routier.