« 20 millions d’euros pour le chantier de la numérisation »

Article réservé aux abonnés

Un peu plus d’un an que Jean-Thomas Schmitt a pris les rênes du groupe Heppner. Comment le jeune dirigeant (32 ans) est-il entré dans ses nouveaux habits de numéro 1 du premier groupe français indépendant de messagerie ? Quels chantiers a-t-il ouvert ? La digitalisation et la poursuite de l’internationalisation de l’entreprise figurent en bonne place dans ses projets de croissance. Outre la réorganisation de son activité de messagerie, Jean-Thomas Schmitt a également réduit la voilure dans la logistique pour ne se concentrer que sur des marchés cibles.
L’Officiel des Transporteurs : Cela fait un peu plus d’un an que vous avez pris la succession de votre père, Jean Schmitt, à la barre du groupe Heppner. Comment avez-vous vécu cette première année ?

JEAN-THOMAS SCHMITT : Succéder à Jean Schmitt qui a, durant près de 40 ans, été un président-directeur général d’envergure — il me laisse une entreprise avec un ratio d’endettement extrêmement faible (moins de 14 % sur fonds propres) — n’est pas quelque chose que l’on accomplit comme une formalité. Je dois, toutefois, souligner que la transition s’est remarquablement bien déroulée. Pour plusieurs raisons : tout d’abord parce que Jean Schmitt m’a fait construire une personnalité professionnelle, par le biais d’un parcours au sein de toutes les fonctions de la société, qui m’a permis d’arriver bien armé au siège et à la direction générale. J’y suis parvenu avec une solide connaissance du groupe, de quoi me sentir pertinent sur l’ensemble des sujets sans être pour autant un expert. Et puis, le très bon manager qu’est Jean Schmitt a su mettre en avant mes qualités et faire taire mes défauts.

Mon père est aujourd’hui, président du conseil d’administration et je suis le directeur général de plein exercice du groupe.

Y a-t-il eu, dans le même temps que le passage de témoin entre votre père et vous, d’autres changements dans l’organisation générale d’Heppner ?

J.-TH. S. : Il y a eu la constitution d’une équipe qui est devenue la mienne, dans le cadre d’un renouvellement naturel. Mon « Comex » (comité exécutif, Ndlr) est aujourd’hui stabilisé et complet. Il est composé de personnalités reconnues dans le monde du TRM. Je citerais notamment Christophe Thiebaud-Girard, directeur général opérationnel en charge de la messagerie France et de ce qui reste de la logistique. Nous avons également dans l’équipe un directeur Overseas, Christian Raucoules ; un directeur international terrestre, Cédric Frachet (pur produit du groupe, il a succédé à François Decaudin) ; Philippe Salzenstein à la DAF ; Valérie Mazzoni-Colin à la direction du marketing et de la stratégie digitale ; Raphaël Jatteau (un ancien du célèbre cabinet Oliver Wyman) qui pilote les projets importants du groupe notamment les développements en croissance externe qui pourraient avoir lieu dans les prochaines années ou les prochains mois.

Quelle autre lecture faites-vous de cette première année d’exercice ?

J.-TH. S. : Le développement du groupe s’opère sur des bases de croissance élevées (3,9 % en global) malgré une activité de logistique qui tire nos performances vers le bas et un secteur de la messagerie France structurellement en décroissance. La rentabilité évolue sur des bases en nette amélioration depuis 3 ans ; l’exercice 2016 s’inscrit dans cette tendance au même titre que les budgets 2017 partent sur des bases relativement élevées.

Nous nous trouvons dans une phase qui correspond à ce que j’avais envisagé, après une première étape qui avait pour objectif d’améliorer les résultats afin de se dégager des marges de manœuvre et accroître la vitesse de déploiement sur le métier cible de notre stratégie qu’est la commission de transport, internationale de préférence.

Quelle est la stratégie Heppner sur le marché de la messagerie France, que vous qualifiez de « structurellement déficitaire » ? Et quid de la logistique ?

J.-TH. S. : Notre engagement en matière de logistique n’a jamais été basé que sur les opportunités pour le compte de clients qui nous remettaient d’autres flux, amont ou aval et qui avaient des besoins en matière de stockage. Nous nous sommes aperçus que nos plus gros clients de logistique remettaient très peu de transport et que nos grands clients du TRM nous remettaient quelques palettes à stocker. Nous nous sommes donc déployés sur un métier qui s’est, entre-temps, hyperspécialisé, avec une scission entre les vrais spécialistes du transport et du freight forwarding, et les vrais spécialistes de la logistique. Nous nous sommes aperçus que nous jouions, en logistique, dans une cour qui ne nous correspondait plus, avec des écarts de compétitivité importants dans l’immobilier, les salaires (de par notre implantation dans des bassins d’emplois relevés) et une taille critique qui n’est pas atteinte, d’où un socle de coûts trop élevé par rapport au chiffre d’affaires généré. En outre, par le jeu des concentrations ou des délocalisations, nous avons perdu des clients. En l’espace de 5 ans, nous avons dégagé des pertes de 20 M€, à l’origine du PSE (124 salariés ; 4 entrepôts) qui doit nous conduire à l’équilibre dans ce métier dès 2018.

Sur le marché de la messagerie, nous avons pu profiter, ces dernières années, de l’effondrement de certains de nos confrères et donc de la remise de flux (que nous avons sélectionnés en matière de prix) sur le marché. Cela nous a permis de ne pas réduire la voilure. Nous poursuivons notre déploiement, tout en réoptimisant notre réseau. Nous avons ainsi fermé totalement les expéditions de l’agence de La Courneuve et rapatrié la distribution de Garges-Les-Gonesse (fermée) sur cette même agence pour en faire uniquement une agence de distribution pour le nord de l’Île-de-France. Nous avons également fermé les expéditions de Nancy et le site de La Rochelle afin de le rapatrier sur Niort, et stoppé l’activité du site d’Agen.

Quel a été le bénéfice de cette réorganisation ?

J.-TH. S. : Elle nous a permis d’obtenir des résultats à l’équilibre en messagerie France. Et même à fin août 2016, nous étions à l’équilibre « plus ». Nous avons retiré également les bénéfices de l’assainissement de notre portefeuille. La commercialisation de notre produit Star (délais garantis), à forte valeur ajoutée, a également contribué à l’amélioration de nos résultats. Star doit peser à terme 3 % de nos envois (29 000/jour).

En clair, en fin d’année, la messagerie France devrait être à l’équilibre. Le chiffre d’affaires s’inscrit à la hausse, malgré la réorganisation, à + 6 % à périmètre comparable.

Quel regard portez-vous sur la montée en puissance du e-commerce ?

J.-TH. S. : Nous ne souhaitons pas investir plus que cela le secteur du e-commerce B2C qui représente 4 % des envois de notre groupe. En revanche, sur le e-commerce B2B, nous possédons une politique volontariste. Elle fait l’objet de l’un des chantiers clés de notre transformation digitale. Des tests sont prévus l’année prochaine avec des clients qui souhaitent se lancer sur ce marché.

La numérisation de votre entreprise constitue l’une de vos principales préoccupations. Pouvez-vous nous en indiquer les grands axes ?

J.-TH. S. : Nous avons mis en place un groupe de travail avec des administrateurs et des experts extérieurs afin de mener une réflexion de fond sur la digitalisation de l’entreprise. Nous avons identifié plusieurs chantiers. Il y a celui de l’adaptation technique et informatique du groupe à l’évolution des flux (liés à la montée en puissance du B2B, B2C qui favorise l’apparition de centres logistiques de plus petites tailles et plus proches des centres villes). Par ailleurs, l’émergence d’une volonté profonde d’un certain nombre d’acteurs de la GMS de vouloir prendre en main l’exécution des transports des flux amont dans le but de maîtriser l’ensemble de la supply chain nous a également conduits à de nouvelles réflexions, notamment sur le plan informatique pour la bonne gestion des stocks en amont.

Et puis, il existe une volonté de contrer l’ubérisation possible du transport, notamment de la commission de transport. Il existe des éléments qui me font dire que ces nouveaux acteurs ne sont pas en mesure de parvenir à s’imposer à court terme mais je reste, toutefois, préoccupé par ce développement et par la question de savoir comment des acteurs traditionnels pourraient s’allier à ces nouveaux opérateurs dans le but d’être plus performants. Je pense que cela ne peut se traduire que par l’alliance de professionnels du TRM et de ces start-up qui apportent de nouvelles technologies. Nous réfléchissons nous-mêmes pour contrer ce risque-là. Notre propre plateforme ? C’est prématuré d’en parler. Nous avançons actuellement sur des pistes prometteuses. Notre ambition repose sur une volonté de faire évoluer notre système sans pour autant casser notre propre organisation.

Quels sont les autres axes de cette numérisation ?

J.-TH. S. : Ils portent sur l’amélioration de nos TMS Route et Overseas, ainsi que sur les outils collaboratifs (plate-formes de discussion interne, Ipad, Iphone, benchmark, visioconférence…). Nous travaillons également sur les outils de « prédictabilité », la data liée à l’optimisation des tournées, des chargements, la business intelligence… Nous allons mobiliser un capital de près de 20 M€ sur le chantier de la numérisation pour les 5 prochaines années.

Et à l’international, quels sont vos chantiers ?

J.-TH. S. : Il est clair que nous devons suivre nos clients dans leurs démarches. L’Allemagne demeure un sujet fort pour nous ; c’est notre premier axe de développement sur l’international terrestre. Nous avons ouvert cette année un nouveau bureau (le 7e en Allemagne) à Mannheim. D’autres ouvertures sont dans les tiroirs. Au Benelux, nous visons les flux de nos clients provenant ou en direction des ports. L’Espagne représente une zone cible pour nous. Nous misons, par ailleurs, sur un développement plus fort de notre international terrestre en Afrique du Nord (Tunisie et Maroc surtout). Nous nourrissons aussi des ambitions sur l’Afrique subsaharienne (à fort taux de croissance) à la demande d’ailleurs de notre partenaire Hellmann qui ne couvre pas cette zone en propre.

La stratégie Heppner en matière de moyens roulants sous-traités est-elle susceptible d’évoluer avec vous à la barre ?

J.-TH. S. : Non, pas de moyens propres, pas de recrutement de nouveaux chauffeurs (420 quand même, Ndlr) surtout sur la partie distribution…

Quelles sont vos ambitions en matière de croissance externe ?

J.-TH. S. : Nous avons mis sur pied une équipe qui travaille sur ce sujet. Nous regardons les dossiers de freight forwarding et de l’affrètement à l’international, voire en France. Je souhaite accélérer nos projets dans ce domaine.

Actualités

Interview

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15