« 2 330 faits ont été commis en 2015 »

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Le colonel Bernard Thibaud expose le bilan chiffré des vols de fret officiellement enregistrés par l’OCLDI en 2015. À ses yeux, l’emprise des réseaux criminels organisés roumains et lituaniens ne faiblit pas. La coopération policière est satisfaisante avec un grand nombre d’États membres (Allemagne, Pays-Bas, Espagne, Lituanie, Roumanie). L’OCLDI privilégie la prévention et l’échange d’informations. La commission sûreté & sécurité du fret de TLF joue un rôle clé dans l’échange de bonnes pratiques.
L’O.T. : Quelles sont les tendances lourdes de la délinquance itinérante ?

Cel B. T. : 4 millions de faits sont commis chaque année en France (source : police et gendarmerie). C’est une constante sur les dix dernières années. Entre 70 et 75 % sont des atteintes aux biens. Un tiers des faits sont commis par des malfaiteurs de proximité ; un autre tiers concerne les gens du voyage, le dernier tiers est le fait de malfaiteurs appartenant à des groupes criminels transnationaux, lesquels ont des approches et des modes opératoires différents. Ces groupes criminels sont plus ou moins bien implantés sur le territoire. Il s’agit des Roumains, des Moldaves, des Albanais, des Lituaniens et des ex-Yougoslaves.

Comment collectez-vous l’information ?

Cel B. T. : L’OCLDI travaille en lien étroit avec le Service central de renseignement criminel de la gendarmerie nationale (SCRC) basé à Pontoise (95). Nous recensons uniquement les plaintes déposées par les entreprises. Sur l’année 2015, nous enregistrons une baisse de 14 % des faits recensés (2330) par rapport aux faits commis en 2014 (2698). Toutefois, nous ne sommes pas en mesure d’estimer la valeur totale des marchandises dérobées.

Quelles sont les premières tendances pour l’année 2016 ?

Cel B. T. : Sur les neufs premiers mois de l’année, nous enregistrons une progression des vols de + 14 %. Nous observons deux typologies différentes. D’une part, les faits commis par les gens du voyage ou issus des cités se caractérisent par des actes de violence (armes, masses) voire des séquestrations de conducteurs. D’autre part, les bandes organisées en provenance d’Europe de l’Est adoptent un modus operandi plus « soft » avec le découpage de bâches. D’ailleurs, le jugement du tribunal correctionnel de Besançon le 6 octobre dernier illustre cette typologie. Le responsable roumain de ce réseau a été condamné à quatre ans de prison ferme et à 15 000 euros d’amende. Dans cette affaire, il est à regretter que sur l’ensemble des entreprises victimes, un seul transporteur se soit constitué partie civile.

Les vols d’ensembles frigorifiques sont-ils toujours l’apanage de la mafia lituanienne ?

Cel B. T. : Les groupes lituaniens sont hyperactifs dans ce domaine car il s’agit de vols à la commande. Ils sont organisés et ciblent aussi bien la France, l’Allemagne, les Pays-Bas que la Belgique. Le mode opératoire est classique avec quatre protagonistes : voleurs, transporteurs, donneurs d’ordre, receleurs. Fait marquant, les ensembles routiers ne sont pas destinés à la Lituanie. Il ne faut pas oublier que les Lituaniens parlent, outre leur langue maternelle, le russe et le polonais. Ils utilisent des faux documents et commencent à maîtriser la téléphonie et la contre-détection. Sur la partie recel, les véhicules sont destinés à l’exportation hors de l’UE, notamment sur les marchés russe et ukrainien voire en Asie centrale. Les groupes criminels sont liés à d’autres réseaux qui ne font pas uniquement des atteintes aux biens. Leur « business » concerne les stupéfiants, la fausse monnaie ou les passeurs pour les migrants.

Quel est l’état des lieux de la coopération policière avec la Lituanie ?

Cel B. T. : La coopération policière avec la Lituanie a débuté en 2011. Il fallait se connaître, se parler, se voir. Il faut bien voir que dans ces dossiers, nous adossons de la coopération policière à une coopération judiciaire. Aujourd’hui, nous avons d’excellents échanges avec nos homologues lituaniens. Plus généralement, la coopération policière est satisfaisante avec les Allemands, les Espagnols, les Hollandais, les Belges. C’est plus compliqué avec les Italiens et les Anglais.

De nouvelles filières sont-elles en train d’émerger ?

Cel B. T. : En Asie centrale, nous voyons émerger des filières turco-irako-kurdes qui remontent en direction des Pays-Bas et de la Belgique. Elles s’adonnent à des vols d’engins de travaux publics (Caterpillar à 300 000 € pièce, Ndlr) et de matériel agricole. Le donneur d’ordre est souvent implanté hors de France et possède une équipe propre. Les engins sont ensuite acheminés sur des zones aéroportuaires à Anvers et Barcelone pour être expédiés par containers en Afrique et en Amérique Latine.

La prévention des risques reste le nerf de la guerre. Quelle est votre politique à l’égard des transporteurs et logisticiens ?

Cel B. T. : Nous recevons les dirigeants des sociétés de transport. La capitaine Armelle Lamouroux, responsable du département criminel à l’OCLDI, les reçoit également de son côté. En fonction de la problématique fret qui touche les entreprises, nous échangeons des informations avec les dirigeants et les directeurs de la sûreté et sécurité.

Qu’en est-il de la commission sûreté & sécurité fret de TLF ?

Cel B. T. : Elle se réunit deux fois par an. L’OCLDI en est membre aux côtés de l’Office central de lutte conte le crime organisé (OCLCO). C’est un lieu d’échange d’information car les responsables sûreté & sécurité des transporteurs sont présents. Le président de cette commission Abdelghani Hamitouche, est le directeur de la sûreté de Relais Colis. La dernière réunion a eu lieu le 7 octobre.

L’état d’urgence a-t-il eu un impact sur la délinquance itinérante ?

Cel B. T. : Il faut revenir aux statistiques annuelles liées aux atteintes aux biens. Tout ne vient pas de l’étranger même si l’activité des groupes criminels itinérants est toujours importante. Parfois, les groupes criminels qui opèrent sur le fret sont les mêmes qui interviennent dans des actes terroristes. À l’évidence, un bon groupe criminel organisé fonctionne comme une entreprise et possède un certain nombre de parts de marché. Ceux qui vont faire du vol avec effraction, ceux qui vont faire du stupéfiant, ceux qui sont spécialisés dans le vol et le transport d’armes. La même structure criminelle peut être spécialisée sur la filière de vol et transport mais pas sur la partie recel.

L’OCLDI se décentralise en région

Installé à Arcueil (94), l’OCLDI compte aujourd’hui 57 gendarmes et 2 policiers. À compter du 1er janvier 2017, l’Office doublera son effectif. « Le ministre de l’Intérieur et le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) ont en effet permis que l’Office crée quatre détachements à Nancy, Toulouse, Sathonay-Camp (69) et Rennes, se félicite le colonel Bernard Thibaud. À raison de quinze enquêteurs par détachement (douze gendarmes, 3 policiers). Cela veut dire par exemple que le détachement de Toulouse pourra être notre poste d’observation pour la frontière espagnole et gérer en direct les dossiers stupéfiants et vols de fret. » Les recrutements sont en cours pour ces quatre antennes régionales.

L. G.

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