« Un vrai programme de fiabilisation »

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Sécuriser les barrages et écluses du bassin de la Seine, afin de redonner confiance aux chargeurs : tel est le but du grand programme d’investissement de Voies navigables de France (VNF), soutenu par le plan de relance. Précisions avec Stéphanie Peigney-Couderc, directrice territoriale adjointe du bassin de la Seine de VNF. NPI : Les projets de rénovation de barrages et d’écluses se multiplient sur le bassin de la Seine : quel est l’objectif visé par ce grand plan d’investissement ? Stéphanie Peigney-Couderc : Cela fait plusieurs dizaines d’années que les investissements dans les infrastructures fluviales étaient insuffisants. Aujourd’hui, d’importants moyens sont disponibles. Grâce au travail du conseil d’orientation des infrastructures (COI), à la loi d’orientation des mobilités (LOM) et au plan de relance, nous sommes doté d’un budget supplémentaire. Ces moyens hautement nécessaires, atteignant un niveau jamais vu, nous font sortir du sous-investissement chronique.  Le but est évidemment de développer le transport fluvial, car on peut multiplier par 4 ou 5 le nombre de bateaux sur la Seine, mais à condition de sécuriser les infrastructures. Il s’agit de donner confiance aux donneurs d’ordre : c’est la condition pour que les chargeurs utilisent le fluvial, car il n’y a pas d’itinéraire « bis » sur la Seine. Il y a parfois des écluses doubles, mais souvent, si un seul équipement lâche, on met par terre toute la chaîne logistique. Cette sécurisation des infrastructures, VNF la faisait déjà en mettant ses moyens là où c’était le plus urgent.  Aujourd’hui, nous sortons de cette gestion de l’urgence, avec un vrai programme de fiabilisation que nous pouvons mettre en œuvre grâce à l’engagement très fort de l’État et aussi d’autres partenaires financiers, au premier rangs desquels se trouvent l’Union européenne et les collectivités locales.

NPI : Quelle est la part de budget supplémentaire apportée par le plan de relance pour cette rénovation des ouvrages du bassin de la Seine ?

S. P-C. : Pour les années 2021 et 2022, le plan de relance apporte 25,5 M€ supplémentaires pour les travaux à réaliser par la direction territoriale du bassin de la Seine. Il faut aussi rappeler qu’en 2020, avant le plan de relance, nos moyens avaient déjà augmenté pour atteindre 69 M€ d’autorisations d’engagement et 76 M€ de crédits de paiement. Pour 2021, le budget initial prévoit 81,6 M€ d’autorisations d’engagement (dont 19 M€ liés au plan de relance) et 94 M€ de crédits de paiement (dont 13,5 M€ liés au plan de relance). Il s’agit donc d’un beau budget, où ce sont surtout les autorisations d’engagement qui augmentent cette année car nous lançons les projets. 

De plus, il arrive souvent en cours d’année que le budget initial augmente. Une direction territoriale peut, par exemple, bénéficier d’un redéploiement de budget depuis une autre direction, qui aurait pris du retard sur un projet. En 2020, nous avons ainsi récupéré 19 M€ d’autorisation d’engagement en cours d’année, car nous avions des opérations prêtes à être lancées. Un projet de reconstruction de barrage ou d’écluse peut prendre une dizaine d’année. Pour pouvoir passer à l’action aussi rapidement que nous le faisons, il faut avoir anticipé pour que les études soient prêtes. C’est le cas pour les ouvrages de la Seine, sur lesquels nos équipes ont déjà bien travaillé.

NPI : Le développement des trafics fluviaux justifie-t-il de tels investissements ?

S. P-C. : Depuis 2018, il n’y a plus une stagnation ou une augmentation faible des trafics, il y a une véritable rupture de tendance. En 2019, les trafics ont augmenté de 10 %. En 2020, sous l’effet de la crise, on est revenus au trafic de 2018, qui était déjà une année exceptionnelle. Sans l’interruption de trois mois des grands travaux au printemps pour cause de crise sanitaire lié au Covid-19, on aurait dépassé les chiffres de 2019. 

Le plan de relance intervient sur trois grandes missions de VNF : le développement du transport fluvial, l’aménagement du territoire, et la gestion hydraulique. Mais sur le bassin de la Seine, c’est surtout la première de ces trois missions qui est soutenue par le plan de relance. Cela tient compte de la réalité des trafics, très importants sur ce bassin qui est, en outre, concerné par deux grands projets : Mageo et Bray-Nogent. Tous les deux agrandissent l’infrastructure au profit des plus grands bateaux, d’où l’intérêt de fiabiliser sur l’ensemble du bassin de la Seine le réseau existant, qui sera davantage utilisé.

NPI : L’idée, pour Mageo (mise au grand gabarit européen de l’Oise), est d’être au rendez-vous de Seine-Nord Europe : ce sera le cas ?

S. P-C. : Oui, tous les voyants sont au vert. La mise en service de Mageo est prévue pour 2028, en même temps que Seine-Nord Europe. Sur les études comme sur l’enquête publique, on est sur le bon timing. 

Nous avons un partenariat très étroit avec la Société du canal Seine-Nord Europe comme avec nos partenaires belges, le service public de Wallonie et De Vlaamse Waterweg. Chaque mois, nous nous réunissons pour échanger sur l’avancement du projet Seine-Escaut et sur le financement dans le cadre du Mécanisme pour l’interconnexion en Europe. Nous coordonnons les études et la communication, et travaillons sur un futur schéma de service aux usagers sur l’ensemble de la liaison Seine-Escaut. 

Avec Seine-Nord Europe, nous aurons une nouvelle infrastructure, très innovante et économe en eau. La maintenance de tout le canal sera faite depuis Péronne, ville située dans le périmètre de la direction territoriale du bassin de la Seine. C’est aussi notre direction qui téléconduira depuis Compiègne la première écluse du nouveau canal, située à Montmacq. À terme, toutes les écluses de l’Oise ainsi que celle de Montmacq seront téléconduites depuis Andrésy, un poste centralisé de commande qui permettra, dès 2025, de téléconduire toutes les écluses de grand gabarit du bassin de la Seine la nuit, entre 22 h et 6 h. L’ensemble de ces écluses pourra donc fonctionner 24 h sur 24, ce qui n’est le cas aujourd’hui que des écluses de la Seine aval.

NPI : Pourquoi la mise à grand gabarit de la Seine amont, entre Bray et Nogent, est-elle aussi liée au projet Seine-Escaut ?

S. P-C. : Bray-Nogent et Mageo sont deux projets mastodontes, qui dépassent 300 M€ de budget chacun. Pour Bray-Nogent, l’objectif est d’avoir du fluvial massifié le plus en amont possible, notamment pour le transport des céréales à destination de Rouen et des matériaux de construction vers Paris. Bray-Nogent est surtout lié à l’axe Seine, mais il y aura certainement aussi, pour les céréales en particulier, des transports utilisant Seine-Nord Europe, offrant de nouveaux débouchés aux céréales au Benelux et en Allemagne. La loi d’orientation des mobilités prévoit de faire Mageo en premier, en lien avec Seine-Nord Europe. 

Mais Bray-Nogent est très soutenu par les collectivités, qui y voient du report modal pour les activités existantes, et le développement de nouveaux échanges, via Seine-Nord Europe, avec l’Europe du Nord. Ces collectivités poussent donc à anticiper le projet, proposant de verser plus tôt l’intégralité de leur part du financement afin que le projet avance. Cependant, tous les financements européens à partir de 2023 ne sont pas acquis, puisqu’ils seront attribués dans le cadre du deuxième Mécanisme pour l’interconnexion en Europe, pour la période 2023-2030. Nous préparons donc une nouvelle demande de financement à l’Union européenne qui, parmi ses critères, retient celui de la maturité des projets. 

Pour Seine-Escaut, y compris Mageo, nous n’avons donc pas d’inquiétude sur la participation européenne. Pour Bray-Nogent, c’est moins sûr. Nous nous apprêtons à déposer à Bruxelles un projet global.

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