« Haropa est une bonne idée si… »

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La gouvernance du futur établissement unique Haropa a fait l’objet d’une conférence de presse conjointe des présidents des régions Normandie et Ile-de-France avec les représentants des communautés portuaires le 23 avril 2021. L’occasion aussi d’entendre parler de Bray-Nogent, de l’importance du fluvial sur l’axe Seine entre les trois ports, de la création d’un corridor hydrogène. Les présidents des deux régions, Hervé Morin, pour la Normandie, et Valérie Pécresse, pour l’Ile-de-France, avec les représentants des communautés portuaires réunis dans Seine Port Union et du monde économique des différentes places, ont fait part de leur désaccord sur la gouvernance du futur établissement unique Haropa telle qu’elle se présente actuellement, lors d’une conférence de presse le 23 avril 2021 à Rouen. L’ensemble de ces acteurs demande deux sièges (et non pas un) pour chacune des régions, un siège pour les acteurs économiques du port et un siège pour ceux qui font vivre le port au sein du conseil de surveillance du futur établissement unique. Plusieurs raisons ont été données pour expliquer cette demande. Pour Hervé Morin : « Nous sommes les partenaires indispensables : pour chaque investissement sur l’axe Seine, dans les ports, il y a des financements des régions », citant en exemple l’implication de la région dans le financement de l’accès fluvial direct à Port 2000 ou dans le terminal ferroviaire du port de Cherbourg. Pour Valérie Pécresse : « Dès qu’il y a un investissement à faire sur l’axe Seine, ce sont les régions qu’on vient solliciter et dont le rôle est ainsi crucial. L’Etat se tourne toujours vers nous pour le concret, c’est frustrant de se retrouver avec un strapontin ». Pour les deux responsables, l’attribution d’un siège à chacune des agglomérations du Havre, de Rouen et de Paris, soit le même chiffre qu’aux régions, n’est pas acceptable car cela ne tient pas compte du poids prépondérant des régions dans les investissements pour les ports et les infrastructures de l’axe Seine. Selon Hervé Morin « le rapport est de 1 à 15 pour les investissements entre les régions et les agglomérations. Il faut rappeler aussi que nous sommes sur des compétences régionales ». Pour les deux présidents de région, « il ne peut pas y avoir de bonne gouvernance sans la présence des acteurs économiques ». Le secteur privé investit à la même hauteur que le secteur public, a rappelé Christian Boulocher, président de Seine Port Union : « Participer au plus haut niveau de gouvernance est une évidence ». Pour Michel Segain, « l’Etat est obtus et va à l’encontre du développement économique des ports et du pays. Je ne comprends pas cette opposition ». Par la voix d’Hervé Morin, les deux présidents de région ont assuré que la demande ne remettait en cause la construction de l’établissement unique Haropa : « Nous sommes favorables à Haropa, au développement d’une structure qui rassemble l’ensemble des acteurs de l’axe Seine. Nous sommes conscients de la nécessité de l’émergence d’un ensemble qui pèse à l’échelle nationale et mondiale. Nous ne remettons pas en cause la construction de Haropa en tant que telle. Ce qui nous rassemble aujourd’hui, ce sont les conditions de l’émergence de Haropa. Haropa est une bonne idée si on crée les conditions pour que le système fonctionne avec la présence autour de la table de tous les bons acteurs et de tous ceux qui participent à son développement ».

Et si l’Etat ne donne pas suite à la demande ?

A une question de la part d’un journaliste concernant « l’étape d’après » si l’Etat ne donnait pas suite à la demande exprimée, les réponses ont plutôt botté en touche.

« On veut faire entendre raison à l’Etat. S’il ne réagit pas, il y a des moyens. Aujourd’hui, nous écrivons une première page », a dit Hervé Morin qui a ajouté un peu plus tard : « La concertation et le dialogue sur Haropa ont été inexistants. Cela a été un simulacre concernant la stratégie de développement et totalement absent sur la gouvernance ». Pour lui : « Ce n’est pas une question propre à la Normandie et à l’Ile-de-France. Il pourrait y avoir un sujet pour Régions de France » (dont il a été président de 2017 à 2019 puis Renaud Muselier lui a succédé).

Pour Erwan Le Meur, président de la communauté portuaire Seine aval : « Cela fait deux ans que nous disons ce que nous voulons et nous n’avons toujours pas eu de concertation avec l’Etat. Nous attendons une concertation avant le 1 juin 2021 ».

Pour Michel Segain, président de l’UMPF (Union maritime et portuaire de France) : « Si nous ne sommes pas au conseil de surveillance là où se prenne les décisions, à quoi bon siéger dans les autres conseils là où tout est seulement consultatif ? (…) Pourquoi ne pas bâtir une task force portuaire et maritime avec Régions de France et d’autres pour faire contrepoids à l’Etat ? ». Il a aussi rappelé le rôle du Conseil d’Etat dans le projet d’intégration des trois ports de l’axe Seine.

Pour Valérie Pécresse : « Il y a deux visions de la France qui s’oppose. Pour nous, l’échelon pertinent, c’est celui de la région et non pas le niveau jacobin ».

La balle est donc dans le camp de l’Etat.

Bray-Nogent, « projet crucial pour l’Ile-de-France »

Les prises de paroles lors de cette conférence de presse, intitulée « axe Seine 2021-2025, une ambition partagée », ont aussi évoqué le fluvial et son importance entre les ports de Paris, Rouen et Le Havre.

Hervé Morin a plusieurs fois cité le projet d’accès fluvial direct à Port 2000 pour lequel l’implication de la région, sous l’impulsion des acteurs économiques, s’est traduite de manière sonnante et trébuchante, a convaincu le port du Havre de se mobiliser, avec aussi un financement de l’Union européenne et une participation de l’Etat.

Pour Valérie Pécresse : « Pour relier Paris, Rouen et Le Havre, il y a un axe historique, un axe de transport avec la Seine. Le nouvel ensemble Haropa devrait renforcer cette évidence en étant, d’une part, la porte d’entrée de la mer du Nord, d’autre part, la porte d’entrée de la première région économique d’Europe de la vallée de Seine jusqu’à Paris et rapprocher l’Ile-de-France de sa façade maritime. (…).

Pour relier Paris au Havre, on fait tout de même difficilement mieux que la Seine alors que les routes sont congestionnées et polluantes, que le ferroviaire est ultra-saturé et n’arrive déjà pas à transporter les voyageurs dans de bonnes conditions. Et à l’heure où nous voulons des transports décarbonés. Nous avons une infrastructure fluviale présente et qui pourrait accueillir bien plus de trafic.

La région va d’ailleurs s’engager dans un soutien au projet, contesté par certains, de mise au grand gabarit entre Bray et Nogent car la Seine relie aussi l’Ile-de-France au Grand Est. Nous en avons besoin, ce projet est crucial pour l’Ile-de-France, un passage obligé pour lutter contre la pollution des transports. Nous savons aujourd’hui réaliser de grands aménagements qui transforme le paysage pour le meilleur ».

Pour Valérie Pécresse, il faut « garder un maillage fin de ports locaux pour leur faire jouer pleinement leur rôle en soutien à la politique régionale pour la logistique du dernier kilomètre qui est cruciale en Ile-de-France. On ne rentabilisera le fluvial que si on arrive à avoir une logistique du dernier kilomètre décarbonée, efficace, coordonnée ». Pour elle, il faut préserver les ports urbains pour décharger les marchandises amenées par le fleuve au plus près du cœur des villes.

Expérimenter l’hydrogène avec des unités fluviales

« Nous voulons bâtir un corridor hydrogène sur l’axe Seine, a détaillé Hervé Morin. Dans les deux régions, une série d’initiatives est menée par les industriels du secteur. De notre côté, nous avons engagé des discussions avec les consommateurs potentiels d’hydrogène pour faire émerger les relations entre producteurs et consommateurs, en fait, pour dépasser la période de l’œuf et de la poule. L’idée est que les deux régions deviennent sur l’axe Seine la référence européenne en matière d’hydrogène. Faire que l’hydrogène devienne une spécification économique de l’axe Seine ». Selon lui, sur cet axe, les énergies décarbonées (EMR et nucléaire) sont présentes pour permettre la fabrication d’un hydrogène lui-même décarboné.

Pour Hervé Morin, « La Seine s’y prête bien car elle peut être le premier lieu d’expérimentation à travers les mobilités fluviales. Elle peut être le lieu où chacun des consommateurs potentiels peut se retrouver pour bâtir une architecture commune ».

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