« C’est un moment fort pour nous. C’est un changement d’échelle dans notre ambition de décarbonation du transport maritime », a indiqué Guillaume Le Grand, président et co-fondateur de TOWT lors d’une conférence de presse le 12 janvier 2022. Celle-ci a été organisée pour annoncer le choix du chantier naval Piriou pour la construction du premier voilier-cargo moderne de TOWT dont la livraison est programmée pour le troisième trimestre 2023.
Ce premier cargo à propulsion principale à la voile de TOWT a une longueur hors-tout de 81 mètres, un tirant d’air de 64 m, un tirant d’eau de 6 m. Il a deux mâts, une dérive et non pas une quille. La surface des voiles est de 2 500 m2 répartis sur deux grandes voiles, deux focs et un génois. La coque est en acier, la superstructure en alu. Il sera construit dans un chantier roumain contrôlé à 100 % par Piriou, la pose des gréements se fera à Concarneau.
Des moteurs diesel « de faible puissance » seront installés pour servir principalement lors des manœuvres dans les ports. Le navire fonctionnera à 95 % du temps à la voile et le solde de manière hybride. La priorité de TOWT étant de proposer une logistique maritime sobre en carbone.
La réduction des émissions de CO2 est comprise entre 90 % et presque 100 %, en fonction des routes empruntées où les vents sont différents. Vers l’Afrique de l’Ouest, la réduction est de 90 % des émissions carbone, en transatlantique vers New-York ou l’Amérique du Sud (Colombie/Mexique), c’est une quasi-absence d’émissions.
Autrement dit, l’économie est de 20 g de CO2 par tonne transportée et par kilomètre. Le voilier-cargo économisera environ 3000 tonnes de CO2 par an.
Les autres pollutions (air/Sox/Nox, eau et bruit) induites aujourd’hui par le transport maritime sont également diminuées.
Le temps de trajet aller est de 13 jours pour New-York, 15 jours pour la Colombie, 55 jours pour Shanghai.
Objectif : 20 000 t par an avec ce premier voilier-cargo
La capacité d’emport du premier voilier-cargo de TOWT est comprise entre 1000 et 1100 t de fret en vrac palettes et 135 barriques de 225 l de vins et spiritueux.
Depuis 2011, TOWT affrète des navires à voile existants dont la capacité d’emport varie de 35 à 40 t et le total transporté atteint 2000 t en 10 ans. Le premier voilier-cargo de l’entreprise pourra donc prendre en charge en un seul voyage la quasi-totalité de ce qui a été transportée en 10 ans.
« Nous avons comme objectif de transporter 20 000 t par an avec ce voilier, a indiqué Guillaume Le Grand. C’est une solution viable en termes de réduction des émissions et avec l’engagement des chargeurs qui sont à nos côtés depuis le début. Le coût est intéressant pour eux dans le cadre de contrat de 8 à 10 ans. Ils bénéficient aussi du label Anemos, de l’absence de consommation de carburant, d’un bilan carbone global très favorable et d’une image positive pour leur marque. Nous allons pouvoir transporter davantage de marchandises en massifiant les volumes, ce qui peut attirer de nouveaux chargeurs ».
Parmi les chargeurs « historiques », Cémoi, premier chocolatier français, Belco, premier « sourceur » français de cafés de spécialité, EthicDrinks, spécialisé dans l’export de vins bio et Martell Mumm Perrier-Jouët, filiale de prestige du groupe Pernod-Ricard. Les flux sont entre l’Europe et les Etats-Unis, l’Amérique, l’Afrique ou l’Asie.
Le voilier-cargo accueillera aussi jusqu’à 12 passagers à bord dans 5 cabines, « ce qui constitue un revenu complémentaire ». Des scientifiques et outils de mesure pourront aussi être présents à bord.
Les mêmes normes que pour tout navire de commerce
Le chargement-déchargement des palettes se fait en 6 heures avec deux grues et deux monte-charge. « C’est le même système que pour un cargo classique », a souligné Stéphane Burgaud de Piriou. Pour les barriques, « le travail se fera à l’ancienne, à la drisse ». La manutention est prévue dans les ports concernés comme pour tout navire de marchandises.
D’un point de vue plus général, pour le responsable de Piriou, « même si c’est un cargo à propulsion principale vélique, il respectera toutes les normes réglementaires d’un navire de commerce à propulsion thermique, en matière de sécurité, sûreté, manutention, etc. ». La construction va être suivi par Bureau Veritas auquel TOWT fera également appel pour la classification du navire. Le voilier-cargo sera immatriculé au RIF à Marseille.
Il est prévu 7 à 8 marins à bord, un nombre réduit rendu possible par l’installation de « systèmes intelligents » (hydraulique, etc.).
La durée de vie du voilier-cargo « peut-être longue, le gréement ne le rend pas plus vulnérable. Nous partons sur une exploitation pour 25 ans avec un entretien régulier des voiles qui seront changées tous les 2 ans, des mâts et haubans et de tous les autres équipements en fonction des expertises », a indiqué le président et co-fondateur de TOWT.
Cette entreprise ne souhaite pas communiquer sur le montant total de l’investissement pour la construction de ce premier navire. Si TOWT a obtenu des financements publics lors de la phase de réflexion et des études, l’investissement « est privé » pour la construction. L’amortissement est annoncé sur une durée de 8 ans.
Il s’agit d’un premier voilier-cargo pour TOWT, a confirmé Guillaume Le Grand : « Notre objectif est bien de construire une flotte d’au moins 4 navires au total d’ici 2026. Des options ont été prises auprès de Piriou pour les trois suivants ».
Par ailleurs, Wind Ship, association française regroupant les pionniers (dont fait partie TOWT) de la propulsion des navires par le vent, a publié le 11 janvier 2022 avec le soutien de l’Ademe, de Nantes Métropole, de la Carene et de la région Bretagne, un premier « Livre blanc » présentant « aux usagers et aux décideurs cette proposition crédible et performante pour une mobilité propre ». Le document est disponible en ligne.
Aperçu du « Livre Blanc » de Wind Ship
Au-delà des atouts de la propulsion vélique dans le contexte de la décarbonation du transport maritime et des principes techniques ou technologiques, la synthèse du Livre blanc de l’association Wind Ship, répond par l’affirmative à deux questions : est-ce une solution sérieuse, est-elle reconnue par les instances étatiques et professionnelles du transport maritime ? Voici les réponses à ces deux interrogations. -Pourquoi la propulsion par le vent est-elle une solution sérieuse ? L’énergie du vent propulse un navire de taille moyenne avec suffisamment de puissance pour constituer son moteur principal sur des routes adaptées, comme les transatlantiques. Selon les tailles et types de navires, elle est une source de puissance complémentaire permettant d’abord une stabilité du coût du transport pour la partie assurée grâce à l’énergie du vent. Ensuite, la propulsion par le vent offre des éels gains économiques en exploitation par les économies en carburant, de 5 % à 20 % sur des navires existants, et de plus de 30 % sur des nouveaux navires et jusqu’à 80 % dans le cas d’une propulsion principale par le vent sur une ligne favorable pour des navires de taille moyenne et transportant des cargaisons de faible densité. Ces nouveaux systèmes propulsifs s’adaptent à presque tous les types de navires, en construction neuve et en rétrofit, avec peu d’impacts. -La propulsion par le vent est-elle reconnue par les instances étatiques et professionnelles du transport maritime ? La propulsion par le vent répond aux textes réglementaires en vigueur, d'autant mieux que l’OMI met à jour ses guides afin de mieux la prendre en compte comme dans les indices d’efficacité énergétique qui caractérisent les navires. Des outils et services d'aides à la décision se développent rapidement pour faciliter les choix des armateurs et l'intégration des technologies sur un navire existant ou à construire. Les grandes sociétés de classification ont publié ou mis à jour leur référentiel traitant des navires propulsés par le vent. Les résultats concrets des premières expériences font l’objet de publications et de vérifications par une tierce-partie, renforçant petit à petit la crédibilité des solutions. Les assureurs devraient bientôt proposer des polices spécifiques voire des primes incitatives pour la propulsion par le vent.