Il fallait oser sortir de l’oubli une telle marque. La Compagnie fluviale du Midi a longtemps été le nom de la plus importante société de transport fluvial du canal du Midi. Mais ce choix apparait être moins une stratégie qu’un hommage.
Nicolas Perié a installé son projet à Montauban. Insatiable créatif, il a été pris par la cause du fluvial et depuis travaille à s’y faire une place. En deux ans, il a développé un panel d’offres originales et accessibles de croisières et de balades à multiples options. A côté de ses deux bateaux, il construit déjà le troisième. Et sans relâche, il travaille et réfléchit à répondre au besoin des territoires jusqu’à penser la réminiscence du transport fluvial sur le canal de Garonne.
À 41 ans, Nicolas Périé est toujours à l’écoute d’un frémissement. Sans vergogne, en clin d’oeil d’amuseur, il aimer arborer la casquette de capitaine et la marinière mais son costume est surtout la marque de son engagement total au fluvial. Car Nicolas Périé ne fait rien à moitié, bien au contraire, il redouble d’effort à chaque difficulté et chaque projet est suivi d’un nouveau. Le fluvial s’est glissé dans sa vie par passion qu’il cultive en touche à tout et sans relâche. Tout semble réussir à la nouvelle CFM qui renouvelle et enrichit différents concepts de croisières sur l’eau avec Gaïa et Olympe.
Créer un réseau
Dès son plus jeune âge, les bateaux sont présents dans la vie de Nicolas. Il s’est laissé prendre dans les voiles marines. Pendant son enfance, la famille s’installe à Cannes et s’aventure un an sur les mers. Après des années d’école de voile, il accumule une expérience de mousse sur des bateaux sportifs. Plus tard, il finit ses deux ans de droit à Toulouse, et « monte » à Paris. Après un passage dans une école de photo, il crée, à 23 ans, une entreprise de communication. Il intègre ensuite une grosse entreprise pour un poste de recherche et de développement. Résolument éclectique, il se voit comme un curieux insatiable : « Peu de sujets ne m’intéressent pas ».
Le jeune homme se marie. En 2014, le couple cherche à habiter sur l’eau. Ils vont chercher leur premier bateau en Hollande, une vedette de 17 mètres. Armé de son permis côtier, il passe le permis plaisance pour la descendre par la mer jusqu’à la Marne. Installés à Nogent-sur-Marne, Nicolas observe pousseurs et trente-huit mètres. En 2018, cap à l’Ouest, c’est le retour vers les bastions familiaux. Les projets germent. En 2019, la petite vedette est vendue, la famille descend un luxmotor hollandais, direction Montauban. En bon communiquant, il relaie son voyage sur les réseaux sociaux : « Cela a été un bon moyen de rencontrer du monde ».
En arrivant sur le Midi, la communauté des bateliers accueille l’équipage. « Pour moi c’est l’occasion de créer un réseau mais c’est surtout la grande découverte de la navigation », se souvient-il. A cette époque, il imagine simplement des gîtes dans un bateau. Mais il réalise qu’à Montauban, l’offre locale est limitée et luxueuse. Il veut adapter son projet à une autre clientèle. C’est le début des travaux au chantier de Castelsarrasin.
Première croisière à l’été 2020
Une demande d’aide, un prêt solidaire France-Active il veut transformer le luxmotor en péniche électro-solaire et bâtir trois cabines avec neuf couchages.
C’est début 2020 et la pandémie démarre. Les banques reculent. Pas Nicolas, il réduit la voilure et conserve son moteur thermique. Le bateau doit être opérationnel pour l’été. « C’est difficile, je participe à toutes les étapes. J’apprends la chaudronnerie avec un papy du coin. C’est passionnant ».
Il prend petit à petit la mesure de toute la technique requise et des conditions d’un chantier naval. « Tu sais quand tu rentres mais tu ne sais pas quand t’en sors ». Dans le froid et l’humidité, ils détruisent le pont, modifient les terrasses. « Au bout d’un moment, tout a rouillé, tu demandes si tu n’es pas allé trop loin ». Nicolas est pris par de gros doutes.
Il faut que le bateau travaille l’été. Le 15 juillet 2020, les premiers clients arrivent à bord, le chantier est fini depuis une heure ! Une amie de Nicolas sera l’hôtesse et le matelot, lui devient capitaine. Les hôtes dans les gîtes sont autonomes. Nicolas leur propose les bons plans de la région. Il se prend au jeu.
La première croisière de Gaïa relie Castelsarrasin à Castets-en-Dorthe. Pour le capitaine, c’est un accomplissement : « Avec ce premier voyage, j’ai achevé tout le linéaire du canal des Deux Mers et j’ai pu ainsi repenser mes objectifs de voyage ». Arrivé à l’embouchure du canal, la famille le rejoint et ensemble ils poussent Gaïa jusqu’à Bordeaux. Une nouvelle expérience les attend. « J’ai eu la sensation d’un fleuve abandonné. Ce n’est pas un cours d’eau facile, faut être hyper concentré car tu as vite fait de te prendre un bain de sable. On peut aussi bien imaginer le trajet des anciens, Toulouse-Bordeaux… Et quelle émotion en passant le pont de pierre ! »
Tout un écosystème à repenser
Ce jeune capitaine apprend les familles de bateliers, l’histoire, le fret fluvial au coeur de la batellerie, il en mesure les enjeux rapidement. « Mon approche du tourisme est de proposer une expérience de navigation. Je me considère comme un acteur du canal et non pas comme un simple acteur touristique. Selon moi, les voies d’eau du Midi pourraient faire coexister le tourisme fluvestre, le vélo, le transport. Il faut rappeler la vocation du canal ».
Son engagement est surtout écologique comme l’évoque Gaïa, le nom qu’il donne à son bateau. Il opte pour du GTL qui réduit les émissions de soufre, d’azote, de particules fines et aussi les fumées, améliorant le confort.
Pendant la pandémie, la Compagnie du Lot qui proposait des balades sur le Tarn s’arrête. Il prend le relais, « je me retrouve sur un secteur où il n’y a plus rien ». Début août, il prend le relais avec des balades de deux heures. Mais avec uniquement douze passagers, elles ne sont pas rentables. Il rachète un bateau-bus des années 60, le ramène sur la route depuis le lac du Bourget et rempile un chantier.
Dans la foulée il fait des heures de navigation sur le Tourmente et passe son permis capacitaire. Il monte un équipage avec Michel Portes, un pilote anthropologue. Il enchaîne une autre saison avec un stagiaire et une matelote.
Dans l’intervalle, en 2021, la ville de Moissac le contacte : le bateau-restaurant vient de s’arrêter, ils ont besoin de le remplacer. Il développe son offre et propose des départs de Moissac avec des repas-croisières et toujours les balades commentées et multiples options. Entre deux saisons, CFM propose une multitude d’offres différentes.
Aujourd’hui, un nouveau projet est mené avec un étudiant ingénieur. Ressort du chapeau le rêve du bateau solaire électrique. Pour 50 000 euros hors-taxe, un bateau sera entièrement reconstruit (sauf la coque) sur le chantier spécialisé dans les bateaux solaires d'Alizé-Electronic à Gréoux-les-Bains (04).
« J’ai toujours eu l’esprit d’entreprise et j’ai conscience de faire des choses qui ont du sens ». Chez Nicolas, une vision politique de l’entreprise préexiste. Il discute avec les élus de l’ouverture d’un bief sur le Tarn afin de créer cette boucle entre canal de Garonne et le Tarn, entre Moissac et Montauban. Avec Olympe (en hommage à Olympe de Gouges, née dans cette dernière ville) son « petit » bateau déplaçable, il peut aller tester la possibilité d’implanter des activités sur certaines portions du Tarn. « Cela peut motiver VNF et les politiques ».
Il est aussi convaincu que la liaison Toulouse-Bordeaux présente de nombreux atouts, alors pourquoi pas poursuivre l’innovation sur du fret. « Sur cette portion, sans classement Unesco, les possibles sont nombreux. Mais il faut repenser aussi la formation des mariniers. J’aspire à entretenir des bateaux mais je vois que c’est tout un écosystème qui mérite d’être revigoré. La formation, les petites messageries… J’ai la sensation que tout ce que j’ai pu faire jusqu’à présent m’a conduit ici et je me sens utile ».
Sans prétention, Nicolas Périé a envie de s’impliquer, reste attentif à être utile pour la batellerie. On lui espère un territoire à l’écoute et réactif.