Le myriophylle hétérophylle est une espèce exotique envahissante qui prolifère dans différentes voies d’eaux en France et autres pays européens, menaçant par son peuplement très dense les organismes aquatiques (poissons, invertébrés) mais aussi les plantes autochtones. Il forme à la surface un tapis très épais qui étouffe les écosystèmes.
Il constitue une gêne importante pour la navigation fluviale en s’accrochant aux hélices des bateaux ainsi que pour les activités de loisirs (pêches…).
Il n’a cessé de se disséminer dans de nombreux canaux du pays après sa découverte en 2011 dans un premier étang en France. Il est également présent dans d’autres Etats européens : Belgique, Allemagne, Pays-Bas, Autriche… A l’origine, il était utilisé en aquariophilie et comme ornement végétal de pièces d’eau puis a essaimé dans la nature.
Le seul moyen de lutte a longtemps été la coupe ou le faucardage en hiver mais sans permettre d’enrayer son essor à long terme. D’autres solutions ont été récemment élaborées mais leur efficacité doit encore être prouvée sur le terrain. Tel est le cas à Saint-Jean-de-Losne, considéré comme le premier port fluvial touristique de France, situé en Côte d’Or au point de jonction des canaux de Bourgogne, du Rhône et du Rhin.
Quel est le contexte à Saint-Jean-de-Losne ?
L’envahissement par le myriophylle hétérophylle du port de Saint-Jean-de-Losne a atteint son apogée en 2017, rappelle la direction Rhône-Saône de Voies navigables de France (VNF).
En 2019, la situation critique pour les activités fluviales et nautiques de ce port, a provoqué une mobilisation de plusieurs acteurs (professionnels et collectivités) qui se sont associés à Voies navigables de France afin lancer une démarche partenariale pour trouver des solutions autres que le faucardage.
En 2020, une étude a été réalisée pour dresser un état des lieux et, depuis début 2022, une expérimentation de plusieurs autres solutions que le faucardage a été lancée par VNF pour un an.
Quatre techniques ont été combinées et mises en œuvre en mars 2022 après un faucardage profond en février « pour optimiser les traitements » :
- un biotraitement,
- un dispositif de rideaux de bulles,
- des systèmes d’aération et de brassage d’eau,
- un inhibiteur de photosynthèse.
Quels sont les résultats après un an d’expérimentation ?
« Après une année on constate que le myriophylle hétérophylle est beaucoup moins présent au sein du port de plaisance, indique VNF. Le suivi scientifique réalisé par l’université de Lorraine confirme une évolution du milieu et une diminution de 75 % de la biomasse de la plante dans la gare d’eau ».
L’expérimentation a permis de tirer « plusieurs enseignements sur les techniques testées » :
- Le biotraitement produit des effets sur la quantité de nutriments disponibles pour la plante. Cependant, l’impact direct du biotraitement sur le milieu est impossible à établir avec certitude car les sources et les quantités d’apport en nutriments sont extrêmement variables, comme les rejets des bateaux stationnaires par exemple.
- L’inhibiteur de photosynthèse, qui donne à l’eau sa couleur bleue foncée, laisse passer assez de lumière pour que la plante produise de la matière. Les analyses ont permis de constater que malgré le blocage de 40 % des rayons du soleil, elle mobilise d’autres pigments photosynthétiques pour assurer sa croissance. Les conditions météorologiques de 2022, année très ensoleillée, ont également pu avoir une influence sur les résultats de l’expérimentation.
- Les rideaux de bulles, installés pour isoler le port de la rivière et du canal, ont évité la dispersion des boutures de la plante.
- Les systèmes de brassage du milieu ont une efficacité qui reste à déterminer ; le système d’aération fines bulles est apparu inefficace sur la repousse de la plante et a donc été rapidement arrêté courant 2022.
Pourquoi poursuivre l’expérimentation ?
Pour les différents partenaires, « si les enseignements sont nombreux et les résultats prometteurs, il est cependant encore trop tôt pour tirer des conclusions formelles quant à l’efficacité des actions combinées des techniques testées ».
Il a donc été décidé de prolonger l’expérimentation en 2023 avec un double objectif :
- acquérir de nouvelles données sur la biologie de la plante, sur sa capacité d’adaptation et d’effectuer des comparaisons avec les résultats de la première année.
- poursuivre et adapter « encore plus finement » les techniques testées. Cela signifie « l’ajout de nouveaux micro-organismes bénéfiques au biotraitement et le déplacement du système de brassage et d’aération par grosses bulles sous des pontons flottants avec des zones de sauvegardes oxygénées mises en place pour les poissons ».
Le suivi de l’expérimentation évolue également avec :
- un contrôle vidéo subaquatique mensuel,
- une surveillance renforcée du taux d’oxygène dans l’eau pour garantir la protection de la faune aquatique et adapter les micro-organismes,
- une mesure d’un nouveau paramètre physico-chimique pour quantifier l’activité bactérienne dans l’eau et la disponibilité de matière organique pour une meilleure compréhension des résultats.
Pour pouvoir encore mieux comparer l’efficacité, un suivi scientifique du port d’Auxonne, lui aussi envahi par le myriophylle hétérophylle, est déployé « afin de constater les différences de pousse entre un site sous expérimentation et un autre sans protocole particulier ».