Le Rhin et le transport fluvial sont d'une importance critique pour l'approvisionnement en matières premières du site de Ludwigshafen du groupe allemand BASF, l’un des leaders mondiaux de la chimie.
Pour BASF, les barges représentent 52 % des flux entrants, le rail 25 %, les oléoducs et gazoducs avec 13 % tandis que les poids lourds sont minoritaires avec 10 %, selon des données régulièrement rappelées, encore dernièrement lors d’une conférence de Platina 3 le 10 février 2022 (voir article de NPI). Pour les flux sortants, la répartition n’est pas tout à fait la même : les poids lourds atteignent une part de 47 %, les barges 29 %, le rail 24 %.
L’électro-choc des basses eaux du Rhin de 2018
Ces niveaux d’utilisation du transport fluvial sur le Rhin expliquent à quel point les basses eaux « records » de l’année 2018 ont constitué un électro-choc pour le groupe.
En 2018, l’étiage du Rhin avait duré deux mois et, pendant 6 jours, les barges n’avaient pas du tout pu livrer le site, l'un des plus importants centres de production pour la chimie du groupe allemand. BASF avait alors évalué ses pertes à 100 millions d’euros sur l’année 2018 en lien avec cette longue période de basses eaux.
D’autre part, il se trouve que le groupe mise encore plus sur le fleuve à l’avenir pour réaliser ses objectifs de neutralité climatique à l’horizon 2030. Il ne s’agit donc pas d’aller vers une solution logistique augmentant le recours à la route ni les émissions.
Un plan de crise
Le groupe a su très vite transformer l’électro-choc en « plan de crise » pour ne pas se retrouver dans la même situation à l’avenir :
- en mettant au point une réorientation de sa logistique vers le ferroviaire au cas où des étiages similaires se reproduiraient,
- en poussant à la mise en place d’un système de prévisions des variations du niveau de l’eau sur le fleuve plus fines et sur le long terme (six semaines et lieu de quelques jours) afin de pouvoir anticiper et éviter toute rupture d’approvisionnement,
- en signant des contrats avec différents armateurs fluviaux pour être certain d’avoir davantage de cale disponible, en cas de besoin.
- en lançant la conception et la construction d’un tout nouveau bateau pouvant naviguer sur le Rhin même avec un étiage extrêmement bas.
Quelles sont les caractéristiques du bateau ?
C’est ce projet de tout nouveau bateau qui est désormais concrétisé avec le Stolt Ludwigshafen entré en service à la fin avril 2023 et dont le baptême a eu lieu le 26 mai 2023. Il a fallu trois ans de travail entre l’idée en 2020 à l’entrée en opération du bateau.
BASF a conduit le projet en partenariat avec l’armateur Stolt Tankers qui va exploiter le bateau pour le groupe allemand.
Les caractéristiques du Stolt Ludwigshafen sont :
- Si la longueur est habituelle avec 135 mètres, la longueur de17,5 mètres « est considérablement plus grande que les unités à cale citerne conventionnelle sur le Rhin ». La largeur est en général de 11,50 mètres pour les bateaux à cale citerne sur ce fleuve européen.
- « Pour optimiser davantage la capacité de chargement, la coque présente une construction légère spéciale tout en assurant une stabilité structurelle élevée ».
- « La coque a été optimisée sur le plan hydrodynamique ».
- « Le système de propulsion a aussi été adapté pour permettre un fonctionnement sûr même dans des conditions de basses eaux extrêmes ».
Au final, le Stolt Ludwigshafen peut :
- Passer le point critique du Rhin près de Kaub avec une charge utile de 800 tonnes même avec un niveau de 30 centimètres (correspondant à une profondeur d'eau de 1,6 mètre).
- « Avoir une capacité de chargement d'environ 2300 tonnes, soit le double de celle des bateaux de navigation intérieure conventionnels, à des niveaux d'eau modérément bas (par exemple 100 centimètres à Kaub) ».
Dans des conditions normales de navigation, la capacité du bateau est de 5100 tonnes.
Sans oublier la transition énergétique
La transition énergétique des bateaux n’a pas été oubliée non plus. Le Stolt Ludwigshafen est propulsé par trois moteurs électriques, alimentés par « la dernière génération de générateurs diesel conforme à la norme EMNR Stage V avec post-traitement des gaz d'échappement ».
Ces équipements permettent une réduction des émissions de dioxyde de carbone d'environ 30 % et des émissions d'oxyde d'azote comprises entre 70 à 80 %, selon BASF.
La nouvelle unité a aussi été conçue de manière modulaire c’est-à-dire pouvant être transformée pour utiliser d’autres carburants ou énergies « propres ». Le méthanol est mentionné tout comme les piles à combustibles à hydrogène. Il ne reste plus qu’à attendre que « ces technologies atteignent leur maturité commerciale ».
En attendant, le Stolt Ludwigshafen « apporte une contribution cruciale à la sécurisation de l'approvisionnement en matières premières et à la compétitivité du site BASF de Ludwigshafen » conclut le groupe allemand.