Le « Livre Blanc sur la recherche portuaire » vient d’être publié, a confirmé une conférence de presse organisée par le CNRS le 8 février 2022. Ce document totalise 37 pages, compte une introduction, un résumé exécutif, puis 6 chapitres suivis d’une conclusion et de recommandations ainsi que des annexes, figures et tableaux.
C’est un élément concret du rapprochement des mondes de la recherche et des ports prévu par la stratégie nationale portuaire.
Ce Livre Blanc constitue « une premier étape, selon Nicolas Trift, sous-directeur des ports et du transport fluvial à la DGITM, ministère de la transition écologique. « Nous avons l’ambition partagée entre le ministère et le CNRS de poursuivre par la rédaction d’une feuille de route détaillant les différentes thématiques à aborder par la communauté de recherche pour le monde portuaire ».
La publication du Livre Blanc est l’aboutissement de deux ans de travaux et d’échanges, a rappelé Alain Schuhl, directeur général délégué à la science du CNRS. « Le portuaire est pluridisciplinaire, il mêle le géopolitique, le développement des espaces et des territoires économiques, l’économie, le droit international, l’écologie, les sciences de l’environnement, l’ingénierie, le patrimoine, le numérique, etc. Seul un grand organisme de recherche comme le CNRS peut fédérer et animer une telle communauté interdisciplinaire. Une feuille de route est un élément essentiel à venir ».
« La recherche peut apporter des solutions aux enjeux portuaires »
Pour Antoine Frémont, directeur de recherche en géographie à l’université Gustave Eiffel et l’un des auteurs du Livre Blanc, « la recherche peut apporter des solutions aux enjeux portuaires » que sont la mondialisation, l’optimisation du passage portuaire avec une intégration dans les chaines logistiques. Il y a aussi les transitions environnementale, énergétique, numérique « qui s’imposent en haut de l’agenda des ports, constituent un levier de compétitivité pour eux à l’échelle d’une façade. Les plus vertueux sur le plan environnemental dégageront certainement un avantage comparatif par rapport à leurs concurrents ».
La « médiation » est un autre enjeu et signifie que les ports ouverts du fait de la mondialisation doivent aussi l’être par rapport à la société et à la population. « Les chercheurs, universitaires, scientifiques peuvent servir cette médiation ».
Arnaud Serry, maître de conférences en géographie à l’Université Le Havre Normandie, laboratoire Idees et autre auteur du Livre Blanc, a détaillé la cartographie qui avait déjà été largement détaillée en novembre 20201 dans un article de NPI.
Ce maître de conférence a également donné un exemple de recherche sur l’intermodalité « au centre des préoccupations actuelles en lien avec le développement des capacités de transport massifiés » et élément central pour reprendre des parts de marché sur les ports du Benelux qui ont un temps d’avance par rapport à leurs concurrents français.
Pour Arnaud Serry : « Nos ports ne sont pas reconnus comme offrant de grandes solutions intermodales massifiées de desserte de leur arrière-pays et, avoir, par la recherche, des approches concrètes, spatialisées, territorialisées à cette question est pertinent ».
Une comparaison a été menée sur les coûts des transports fluvial et routier pour des conteneurs entre Le Havre et la région parisienne. Les résultats montrent « un vrai problème de compétitivité du transport fluvial sur la Seine, c’est un constat concret et un vrai handicap pour les ports de cet axe alors qu’ils sont là pour desservir leur arrière-pays, un territoire. L’efficacité d’un port réside dans ses terminaux mais aussi dans ses connexions avec son territoire », a résumé Arnaud Serry.
Cinq recommandations
Pour Antoine Frémont : « La recherche portuaire peut être une source de valeur ajoutée pour les ports français. Mais nos recherches portuaires doivent être le fruit d’un dialogue avec les milieux socio-économiques et institutionnels. Les questions doivent être co-construites et les résultats partagés collectivement. La recherche permet une approche systémique, les chercheurs n’ayant pas d’intérêt particulier à la différence des autres acteurs. La pluralité des regards favorise également une telle approche systémique. Nous avons la prétention d’apporter des méthodes innovantes, de nouvelles connaissances ».
Ce chercheur a présenté les recommandations qui figurent dans le Livre Blanc. La première d’entre elles est « la nécessaire structuration de la communauté de recherche portuaire » avec la création d’un groupe de travail « ports maritimes » dans le groupement de recherche (GDR) « océans et mers » (OMER), sous l’égide du CNRS. Cette structuration passe aussi par l’organisation d’événements ou de rencontres entre les représentants des deux communautés des ports et de la recherche pour favoriser le dialogue, et dans un délai rapide.
La deuxième recommandation propose de faire participer le monde académique aux instances consultatives du secteur portuaire. La troisième, déjà concrétisée, est de consacrer au moins une session des Assises du Port du futur à la recherche portuaire. Une quatrième recommandation invite à transformer le colloque Devport, qui a lieu au Havre, en un événement plus large sur un plan géographique en le délocalisant et à le pérenniser de manière régulière.
Enfin la dernière recommandation concerne le financement, comme toujours et partout le nerf de la guerre, pour la structuration de la communauté.
« Il y a un besoin de budget fléché vers la recherche portuaire », ont souligné de manière unanime les chercheurs, lors de la conférence de presse.
Les moyens financiers doivent notamment permettre le travail d’un ingénieur de recherche pour accompagner la structuration de la communauté et permettre de poursuivre la dynamique enclenchée, la tenue de réunions et séminaires, l’engagement de projets de recherches « exploratoires pour répondre ensuite à des appels à projets de plus forte ambition ».
Le Livre Blanc précise également que tous les ports sont concernés par la recherche et la science, pas seulement les « grands » mais aussi les ports « petits ou moyens, qui desservent des arrière-pays moins étendus, ainsi que les ports ultra-marins, qui jouent un rôle central dans les espaces insulaires ». Quelle que soit leur taille, certains des enjeux sont communs à tous les ports, et, selon le document, « les « petits » représentent des terrains privilégiés d’investigation » en étant plus accessibles, avec une gouvernance plus souple.
Enfin, il a été rappelé que du côté des ports d’Anvers et de Rotterdam, les mondes de la recherche et des ports travaillent de longue date main dans la main… Un des éléments, entre autres, de leur performance et de leur compétitivité.