Parmi les solutions de « décarbonation » des activités portuaires et logistiques présentées lors d’un atelier de Norlink, en partenariat avec l’un de ses adhérents (Engie), l’e-carburant a été mis en avant avec l’électricité et l’hydrogène, les temporalités de mise à disposition étant différentes entre ces énergies.
Norlink, en partenariat avec l'un de ses adhérents, Engie, a organisé un atelier sur la « décarbonation des activités portuaires et logistiques » le 6 septembre 2022 à Lille.« C’est une thématique que Norlink n’avait pas encore aborder dans le cadre des travaux menés autour de la transition énergétique. Cet atelier constitue ainsi le lancement d’une démarche, a indiqué Fabien Becquelin, directeur opérationnel. Comme pour l’engagement de Norlink sur les carburants alternatifs, l’approche se veut globale et concertée en rassemblant le plus nombre de parties prenantes concernées pour aboutir à la mise en place d’un système favorable. La remotorisation des bateaux ne constitue pas le seul enjeu de la « décarbonation », un ensemble de services et d’infrastructures sont aussi nécessaires pour répondre aux besoins et demandes ». Une table ronde a permis de présenter les travaux de l’Union maritime et commerciale de Dunkerque pour la « décarbonation » des services portuaires et de la manutention, par Dominique Pair, qui a été directeur du site d’Arcelor Mittal Dunkerque de 1985 à fin 2020.En janvier 2019, le collectif « CO2 et industries » a vu le jour, à l’initiative d’Arcelor-Mittal, d’Aluminium Dunkerque, d’Eqiom, d’Eramet, de Ferroglobe, de Comilog avec l’appui de Dunkerque Port, de la CCI et de CUD. « On a ressenti une urgence pour la survie de nos industries. Nous ne sommes engagés vers la neutralité carbone pour 2050 avec un objectif en 2030 de -33 % de CO2 en militant pour une concurrence équitable et un fléchage des subventions. Nous avons établi une feuille de route avec plusieurs projets à déployer. En 2019, on nous regardait comme des fadas puis la pandémie a changé les mentalités. On peut retenir qu’il faut une poignée de gens qui croient et font avancer leurs rêves avant tout le monde. L’ambition est de constituer un projet à l’échelle des Hauts-de-France où Dunkerque joue un rôle leader, compte tenu de la présence de nombreux industriels, avec des relais dans les autres territoires pour de vastes synergies », précise Dominique Pair.
Diminuer de 33% les émissions de CO2 en 2030
Les services portuaires et de la manutention à Dunkerque, c’est chaque année 5 millions de litres de fuel consommés, soit 18 000 tonnes de C02 émis. Pour diminuer ce volume de 33 % en 2030 puis atteindre la neutralité en 2050, le collectif a opté pour un projet reposant sur la plus large gamme possible de solutions : efficacité/sobriété, utilisation/valorisation, circularité, captage, stockage, transport.Pour Dominique Pair, seule la mixité des solutions permet de parvenir à une « décarbonation » des activités dans les délais impartis, sachant que la sécurité des services constitue une priorité.Pour les matériels, trois orientations énergétiques ont été retenus : électricité, bio-carburant/e-carburant, hydrogène. Il s’agit d’utiliser l’électricité pour la mobilité des véhicules légers et utilitaires et des portiques, ce qui signifie la mise en place d’une infrastructure de bornes de chargement/rechargement alimentées, si possible, par des fermes solaires implantées sur la zone portuaire.Les bio- et e-carburants sont destinés aux pilotines, vedettes, remorqueurs, engins de manutention. Selon Dominique Pair, bio- et e-carburants sont les solutions de transition « pour les 10 ans à venir, après viendra le temps de l’hydrogène ». Celui-ci étant « une option à suivre pour les engins de manutention, hors portiques, en fonction de l’évolution des technologies des prochaines années ». Le collectif suit de près les travaux et démonstrateurs autour de l’hydrogène du port d’Anvers-Bruges.Concrètement, les industriels du collectif mènent plusieurs projets, soit seul soit à plusieurs, avec des calendriers de réalisation qui s’étalent jusqu’à la fin de la décennie actuelle.Par exemple, dans le cadre d’un hub d’économie circulaire, le projet ReuZe (Engie) veut produire de l’e-carburant à partir de C02 (en captant notamment les molécules émises par Arcelor Mittal) et d’hydrogène fabriqué par un électrolyseur (de 400MW). La volonté étant de produire un hydrogène « vert » ou « renouvelable ». Ce serait 300 000 t de C02 qui serait ainsi valorisé pour produire environ 100 000 t d’e-carburant. Celui-ci peut répondre à des besoins des transports maritimes et aériens, correspond aux ambitions européennes de « Fit for 55 ». L’investissement nécessaire atteint 500 millions d’euros pour lequel des demandes de financement auprès de l’Union européenne sont en cours. Le projet s’étale de 2022 à 2028.
Un hydrogène « vert » ou « renouvelable »
Pour la métropole européenne de Lille (MEL), Engie conduit « Hyleos », un projet autour de l’hydrogène qui pourrait alimenter, à terme (2025), des bennes à ordures à ménagères et des bus mais aussi des bateaux fluviaux naviguant sur la Deûle, par exemple, sans oublier le potentiel qu’apportera la mise en service du canal Seine-Nord Europe à la fin de la décennie. Encore faut-il aussi que les véhicules et bateaux soient adaptés à cette énergie.Là aussi, il s’agit de produire un hydrogène « vert » ou « renouvelable », selon le vocabulaire d’Engie, c’est-à-dire fabriqué par électrolyseur et une électricité issue des énergies renouvelables (déchets/CVE de Lille, éolien, solaire..) à distinguer de l’hydrogène « bas carbone » produit à partir d’électricité nucléaire.Olivier Arthaud, directeur des activités hydrogènes d’Engie Solutions a rappelé que « la filière hydrogène est encore à son étape de démarrage. Pour viabiliser les projets, la multiplicité des usages compensant les assez faibles consommations de chaque client est un point clé tout comme la localisation et l’implantation de l’avitaillement ».Parmi les autres aspects essentiels, des projets « multi-énergies » associant GNV/bio-gaz, électricité et hydrogène, qui répondent eux aussi à plusieurs usages et aux besoins de différents utilisateurs, sont les plus pertinents. Au début, l’alimentation en hydrogène de ce genre de « stations multi-énergies » peut se faire d’abord par camion.Il reste la question de fournir de l’hydrogène à un prix compétitif, le responsable d’Engie a évoqué un montant inférieur à 11 euros le kilo. L’Ademe indique de son côté une cible à 9 euros.Dans les projets autour de l’hydrogène pour les mobilités, le rôle des collectivités apparaît majeur pour anticiper dès aujourd’hui les besoins futurs ainsi que les efforts financiers. Et elles ont besoin de l’engagement des industriels et autres parties prenantes, l’enjeu étant non seulement de mettre à disposition l’infrastructure mais aussi de disposer des véhicules pouvant fonctionner avec cette énergie.