Les vélos-cargo « Cyclofret » vont assurer la livraison du dernier kilomètre à partir des quais. Ce sont des vélos à assistance électrique d’un poids de 120 à 130 kg et dotés d’un système de levage embarqué. Ils sont assemblés par Manitou, leader de la manutention tout-terrain.
Ces vélos peuvent charger, poser, transporter et déposer une Euro-palette dont la charge utile maximale atteint 250 kg et un volume d’emport de 1,7 mètres cube. « Nous avons fait le choix du vélo car c’est un outil performant, intermodal, respectueux de l’environnement en ville. Ces vélos n’ont pas besoin d’aller vite, 12 km/h maximum, mais la vitesse est régulière et constante pour répondre au respect de l’organisation des tournées ». Celle-ci constitue la troisième « brique » de la solution Fludis, sur le modèle logistique de la tournée du laitier (Milk Run en anglais) qui suppose un respect des heures de livraison, en se fondant sur des boucles de livraison courtes et à hautes fréquences avec plusieurs points de déchargement et de chargement.
« La quatrième brique est le choix social que nous avons fait, a précisé Gilles Manuelle, de recruter en CDI les 30 employés dont nous avons besoin, et non d’externaliser. Nous souhaitons un personnel stable et dont l’exposition aux risques est le plus réduit possible ».
Haropa et VNF pour la mise à disposition des quais
L’articulation entre le bateau-entrepôt, les vélos-cargo et l’organisation optimisée, soit une articulation multimodale fleuve/terre, permet une livraison de colis en centre-ville décarbonée et innovante par rapport aux autres solutions de messagerie.
Le bateau-entrepôt achemine depuis le port de Gennevilliers à quatre quais parisiens les flux de colis puis permet la dissémination des colis à l’aide des vélos-cargo selon une organisation optimisée. Il permet d’assurer les préparations de tournées, d’accueillir les équipes logistiques, la dépose des véhicules au plus près des lieux de livraison. Il peut traiter jusqu’à 3 000 colis par jour ou 120 Euro-palettes.
Chaque jour, le bateau-entrepôt fera des escales à quatre quais parisiens : Javel Bas (15è arrondissement), Champs-Elysées (8è), Grands Augustins (6è), Henri IV (4è). « Fludis est la concrétisation d’une logistique du dernier kilomètre, a souligné Catherine Rivoallon, présidente de Haropa-Ports de Paris-Seine-Normandie. C’est une offre de service par un faiseur local d’emplois, de logistique tout en améliorant la qualité de la vie en ville. Elle permet d’apporter une garantie sur le délai de livraison dans un environnement urbain où la circulation est de plus en plus contrainte et se restreint. Les équipes d’Haropa ont apporté un soutien au projet en participant à la réflexion tout au long des 5 ans d’étude. Nous mettons à disposition les quais de Javel Bas, Grands Augustins et Henri IV dans le cadre d’une convention particulière et innovante avec une tarification spécifique. Cela permet à Fludis de tester sa solution. Après, en fonction du résultat de l’expérimentation, de la fréquence nécessaire, il y aura une révision ».
C’est VNF qui met à disposition le quai des Champs Elysées, « dans des conditions économiques avantageuses, très expérimentales », a indiqué Thierry Guimbaud, directeur général de l’établissement, dont les équipes ont aussi été largement mobilisés autour du projet Fludis. VNF a soutenu ce projet dans le cadre du PAMI à hauteur de 247 000 euros, co-financés à 50 % par la région Ile-de-France, soit 10 % de l’investissement pour la construction du bateau-entrepôt et 30 % pour l’acquisition d’un équipement de chargement/déchargement au port de Gennevilliers.
Au total, le coût du bateau-entrepôt Fludis s’élève à 2,5 millions d’euros, a indiqué Gilles Manuelle, dont 500 000 euros pour l’hybridation avec 200 000 euros pour les batteries. « La levée de fond totale a atteint 3,4 millions d’euros ».
Les chargeurs : Lyreco, Ikea, Paprec
Si la solution Fludis est devenue réalité, c’est aussi parce qu’elle a convaincu des chargeurs de se lancer dans l’aventure pour une expérimentation de 6 mois et plus si le test apparaît concluant. Les chargeurs sont au nombre de trois : Lyreco, Ikea, Paprec. « Les contrats signés avec les chargeurs ont pérennisé la solution par rapport aux investisseurs », a reconnu Gilles Manuelle.
« L’aspect innovant de Fludis nous a intéressé pour deux raisons, a expliqué Daniel Dendievel, directeur logistique de Lyreco, leader européen pour la distribution de produits et services pour les entreprises. La première est notre démarche environnementale où la transition énergétique constitue une priorité. La deuxième est liée à nos clients de plus en plus sensibles à l’environnement, plus particulièrement les grands groupes privés et les entreprises publiques ». Lyreco dispose de 5 plates-formes de livraison pour Paris dans un contexte où la congestion devient de plus en plus forte pour le dernier kilomètre et une réglementation qui se durcit. Le foncier disponible devient de plus en plus rare et cher. « Le foncier flottant de Fludis utilisant les quais parisiens nous est apparu comme une solution pertinente ». Pendant les 6 mois de l’expérimentation, l’objectif est que Fludis réalise un quart des 1000 livraisons par jour de Lyreco dans 9 arrondissements parisiens. A l’horizon 2021, Fludis devrait en assurer près de 700 par jour dans 15 arrondissements. « A terme, nous envisageons un bateau qui nous serait dédié et non pas la solution mutualisée actuelle. Si les résultats du test sont positifs, nous nous engageons ensuite pour 7 ans avec Fludis », a indiqué Daniel Dendievel. Pendant les 6 mois de l’expérimentation pour Lyreco, les vélos-cargo vont transporter 150 kg à chaque fois. Une camionnette au gaz naturel est prévue pour les colis Lyreco les plus encombrants.
Le deuxième chargeur qui tente l’aventure de Fludis est le leader de l’ameublement et de l’aménagement de la maison, Ikea, avec lequel une expérimentation de 6 mois démarre début octobre 2019 avec 30 distributions par jour de clients à domicile dans un créneau de 3 heures. Le choix de Fludis pour Ikea répond également à une volonté de privilégier une solution de distribution plus respectueuse de l’environnement, a souligné Walter Kadnar, pdg France. « Avec Lyreco, nous réalisons des livraisons B to B ; avec Ikea, des livraisons B to C », a relevé Gilles Manuelle.
Le troisième chargeur est Paprec group qui permet au bateau-entrepôt d’avoir un flux retour. Les livreurs de Fludis vont collecter avec leur vélos-cargo des déchets d’équipement électriques et électroniques légers (piles, lampes, etc.) qui seront acheminés à Gennevilliers où Paprec est installé.
« Le défi dans les six mois à venir est de démontrer que le service et la qualité sont au rendez-vous, a conclu Gilles Manuelle. Si tel est le cas, l’étape d’après, ce sera d’autres bateaux ».
Le Comité des armateurs fluviaux (Caf) a réagi le 23 septembre 2019 à l’arrivée « d’un nouveau service de logistique urbaine zéro émission qui est entré en exploitation à Paris : Fludis. Cette solution repose sur une articulation intelligente entre les modes de transport fluvial et routier en vue de l’acheminement, du suivi et de la dissémination des flux de marchandises, au moyen d’un système décarboné et optimisé ».
Pour le Caf, « l’approche écologique et compétitive permet à Fludis de proposer une réelle alternative aux difficultés rencontrées par les acteurs du transport de marchandises en ville. En éliminant les kilomètres parcourus par les véhicules terrestres classiques, on réduit les embouteillages et la pollution. Ce nouveau service se veut ainsi en phase avec la mise en place des politiques réglementaires de mobilités urbaines en proposant une solution novatrice et décarbonée pour la logistique urbaine ».
Pour la profession, souligne le Caf, « le service Fludis fait la démonstration que le fluvial sait s’intégrer aux chaînes logistiques les plus exigeantes en valorisant ses principaux atouts : une capacité de pénétration en cœur de ville, à moindre coût et avec des gains environnementaux immédiats ».