Faire de l’axe Seine un « smart corridor »

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Utiliser le « big data » pour faire de l’axe Seine un « smart corridor » nécessite des données de qualité, une bonne coordination des acteurs, une capacité à apprendre de ses erreurs et une volonté d’avancer pas à pas sur des projets modestes plutôt que de mettre en place immédiatement un projet trop ambitieux.

Pour la première « journée maritime et logistique du Havre », le Propeller Club et le Club logistique du Havre, organisateurs de l’évènement ont réuni le 3 décembre 2021 une centaine de personnes dans la salle de conférence de la CCI, qui domine le bassin Vauban.

Sur l’estrade, le délégué général de la fondation Sefacil Yann Alix accompagné d’un intervenant : Yanis Souami, PDG de Sinay, entreprise normande qui propose depuis 2008 aux entreprises du secteur maritime de les aider à prendre le virage du numérique et du « big data ». Les deux autres orateurs interviennent à distance dans le contexte sanitaire : Kris Danaradjou, directeur général adjoint de Haropa, et Jan Hoffmann, chef du service commerce et logistique de la Cnuced (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement).

Ce dernier a présenté l’étude annuelle sur les transports maritimes, dont la version 2021 a été récemment publiée par la Cnuced. Un document qui montre la bonne place de la France dans la logistique maritime du GNL. Parmi les tendances de l’année, Jan Hoffmann pointe l’accélération de la numérisation des échanges de données, imposée par le Covid-19. Cette numérisation est, selon lui, un atout en ce qui concerne Haropa : « Les échanges de données sont facilités par le fait que les ports se soient regroupés. La numérisation est aussi un avantage pour répondre au défi le plus important de ces prochaines années : la décarbonation, qui nécessitera beaucoup d’innovation dans la production et le transport d’énergie ».

« La donnée n’est qu’un outil »

La notion de « smart corridor », qui inclut des échanges numériques de données à l’échelle de l’ensemble de l’axe Seine, peut aider à décarboner la logistique au-delà du seul transport maritime, avec, par exemple, un calcul de l’empreinte carbone du transport tous modes confondus, jusqu’au denier kilomètre. Mais, prévient Yanis Souami, « un corridor intelligent, ce n’est pas juste des données bien rangées. La donnée n’est qu’un outil. Or il faut d’abord déterminer l’objectif à atteindre avant de décider quels outils utiliser pour y parvenir ».

Quelle que soit l’utilisation faite des données, tout commence par leur recueil et le partage qui peut en être fait. « En tant qu’organisme de l’ONU, la Cnuced a accès à des données détaillées que l’on ne peut pas toujours partager quand il s’agit de données commerciales, mais que nous utilisons pour produire nos analyses, souligne Jan Hoffmann. D’un autre côté, il existe de plus en plus de données publiques, qu’elles proviennent des statistiques portuaires ou de l’AIS par exemple. Ces dernières, cependant, sont moins disponibles qu’auparavant en Chine, où la législation protège les données privées et commerciales, ce qui rend plus difficiles nos analyses puisque nous ne savons plus où se situent les navires. Ce type de loi est un bon prétexte pour cacher ses propres données car chacun, qu’il soit chargeur, commissionnaire ou transporteur, veut généralement connaître les données des autres sans partager les siennes ».

Pour répondre à cette problématique de l’accès aux données, Jan Hoffmann préconise d’adopter un fonctionnement où l’accès aux données est permis pour ceux qui en ont l’autorisation, plutôt que le fonctionnement actuel où c’est le détenteur des données qui les publie ou les envoie aux intéressés. En termes informatique : pull plutôt que push. Kris Danaradjou, quant à lui, met en avant la communauté portuaire de l’axe Seine, dont chaque acteur devrait se rapprocher afin de partager les données voulues et permettre ainsi des synergies industrielles.

Pour que l’ensemble des entreprises de l’axe Seine puisse échanger des données, il faut que chacune d’entre elles effectue son virage numérique. C’est la spécialité de Sinay. « Pour utiliser les données, il faut des passerelles entre les différentes bases de données publiques ou privées existantes et, tout d’abord, s’assurer de la qualité des informations obtenues, expose Yanis Souami. La deuxième étape consiste à ne plus avoir de données dispersées mais à automatiser et rationaliser le processus de collecte afin que cela constitue véritablement une aide à la décision. Enfin, il faut sécuriser les flux avant de pouvoir envisager le partage des données. On parle beaucoup de blockchain et d’intelligence artificielle, mais ce n’est que le dernier étage de la fusée alors que les étapes précédentes sont déjà très créatrices de valeur. On vend souvent du rêve, mais la promesse d’accélération des échanges n’est pas toujours tenue ».

Avoir une culture de l’échec constructif

La bonne méthode pour mettre en place un échange de données entre différents acteurs, c’est, selon Yanis Souami, de partir du plus petit dénominateur commun : l’élément d’information que chacun accepte de partager avec tous. Ne pas se précipiter sur les technologies en vogue, pas toujours utiles à toutes les entreprises, mais se concentrer sur un cas pratique, même modeste, pour montrer que cela fonctionne en mettant en place les outils dont les utilisateurs ont vraiment besoin.

« Dans le monde du maritime, on planifie longtemps en avance, mais ce n’est pas le cas dans le numérique où les cycles ne se comptent pas en années mais en semaines », explique Yanis Souami. « Il faut accepter d’échouer », n’hésite pas à asséner le créateur de Sinay à des marins aussi rétifs à l’échec qu’à l’échouement. « On échoue le plus rapidement possible pour pouvoir recommencer et réussir. Il ne faut pas passer des mois à développer un cahier des charges pour s’apercevoir après la phase de test que cela ne convient pas aux utilisateurs. Il faut se jeter à l’eau non pas à bord d’un cargo, mais commencer avec une planche de surf avant de commencer à voir les choses en grand ».

Cette culture de l’échec constructif, les participants à la conférence conviennent qu’elle manque à leurs entreprises. Elle n’est pas non plus développée par les autorités portuaires, qui mettent plutôt en avant leur vision stratégique de long terme. Pourtant, se jeter à l’eau le plus rapidement possible est un conseil qui peut aussi s’appliquer à un port ou à l’ensemble d’un corridor logistique. Et pour cela, la nécessité d’un chef d’orchestre s’impose, rôle qui revient naturellement à l’autorité portuaire. D’où la nécessité que Haropa se dote d’un « chief data officer » à l’échelle de la vallée de la Seine.

Plusieurs participants mettent aussi en avant le succès de Le Havre Smart Port City, qui a été rendu possible par l’engagement de la ville, de la métropole, du port et de nombreux autres partenaires publics et privés.

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