Un peu comme un puzzle… Toutes les pièces sont progressivement en train de se mettre en place en région Occitanie, notamment dans les ports de Sète et de Port-La-Nouvelle, pour la création d’un écosystème comprenant la production, le stockage, la distribution, pour les nouveaux usages de l’hydrogène par les mobilités dites « lourdes », fluviale, portuaire, ferroviaire…
Un point d’étape sur les projets autour de l’hydrogène en Occitanie a été présenté les 23 et 24 mars à Toulon, lors de la convention d’affaires « Meet4Hydrogène ». Ces projets sont un site de production d’hydrogène « vert » à Port-La-Nouvelle (projet Hyvoo), la construction d’une nouvelle drague avec une pile à combustible (projet HyDrOMer). Sans oublier, le projet « Green Harbour » de barge (donc une solution mobile et non pas fixe sur les quais) pour fournir de l’électricité « verte » aux navires en escale à Sète et d’autres services portuaires (comme l’élimination des déchets).Tous ces projets s’inscrivent dans « le plan hydrogène en Occitanie qui alloue un budget de 130 millions d’euros entre 2019 et 2030 pour soutenir et accompagner le développement de la filière. C’est un sujet majeur qui englobe à la fois la production, le stockage et la distribution. Il comprend également un volet formation des marins », a précisé Corentin Decaestecker, chef de projet HyDrOMer en région Occitanie.
Le projet HyDrOMer
Depuis qu’il a remporté l’appel d’offres de la région Occitanie en juin 2021, le chantier naval Piriou avance sur le projet HyDrOMer de construction d’une drague de 70 mètres de long sur 13,6 m de large qui sera dotée d’une pile à combustible, de batteries et de conteneurs de stockage d’hydrogène à bord. Le chantier naval est assisté du bureau d’études Mauric et de l’architecte naval LMG Marin.Cette nouvelle unité remplacera la drague actuelle « Cap Croisette » datant de 1976 et basée à Sète. Elle devrait être opérationnelle à la fin 2023. Elle représente un coût global de 32 millions d’euros, soutenu par l’État via le plan France Relance (2,25 M€) et l’Ademe (1 M€) et par la région Occitanie (25 M€).Sa vocation sera d’assurer la maintenance des tirants d’eau dans les ports de Sète et de Port La Nouvelle. Son tuyau de 32 m de long aspirera sable et vase, stockés dans un puits de 1500 m3, avant de les redéposer au large ou dans des zones de rechargement de plage.Elle sera équipée d’une pile à combustible fabriquée par Helion Hydrogen Power, filiale d’Alstom. « Nous avons entamé les certifications auprès du Bureau Veritas afin de proposer une pile marine en 2023 », a précisé François-Xavier Derreumaux, directeur des ventes d’Helion. Sachant que le 1 avril 2022, Helion et Piriou ont signé officiellement à Sète, en présence d’un représentant de la région, le contrat visant à intégrer un système de pile à combustible dans la future drague hybride à hydrogène.Hydride, celle-ci fonctionnera à l’hydrogène et au diesel avec quatre groupes répondant aux exigences IMO Tiers III. La motorisation hybride doit permettre de supprimer toute émission polluante à quai, en offrant la possibilité de couper les moteurs diesel tout en continuant d’assurer la vie à bord. Elle fournira également une partie de l’énergie nécessaire au fonctionnement du bateau en mer, pendant les opérations de dragage et de rechargement des plages. En plus de l'hydrogène, la drague disposera de multiples équipements permettant de réduire ses nuisances sur l'environnement.Un total de 1,6 tonne d’hydrogène sera réparti dans quatre conteneurs de 20 pieds (renfermant chacun 500 kg) sous 500 bars. Chaque conteneur trouvera sa place sur le pont, à côté du stockage de gaz nécessaire au fonctionnement de la pile. « Nous participons au développement d’HyDrOmer. Nous conduisons les analyses de risque portant sur le stockage de 1,6 t d’hydrogène comprimé à 500 bars qui va permettre d’économiser 25 % de carburant fossile sur l’ensemble de l’exploitation du navire », a indiqué Vincent Rudelle, directeur général de LMG Marin France.« Sous l’action de la pile à combustible de 200KW, l’hydrogène produira 20MWH d’énergie. La drague peut être exploitée en continu entre 80 et 100 heures. Pour draguer plus, il suffira de charger plus d’hydrogène et de changer la pile à combustible. Les conteneurs peuvent être transbordés en moins de deux heures mais, aujourd’hui, la réglementation est floue quant à notre capacité à effectuer ces opérations », a expliqué Corentin Decaestecker.Actuellement, la seule référence réglementaire possible est le code IGF. « La drague doit posséder un certificat de classe et un permis de naviguer délivrés par les Affaires maritimes. L’OMI n’a pas de règlement concernant l’hydrogène et se fonde uniquement sur la réglementation IGF », a souligné Vincent Hermes, ingénieur en tuyauterie chez Piriou et qui travaille également sur la conception de navires à propulsion hydrogène pour du transfert de personnel.
Projet Hyvoo de production d’hydrogène « vert » à Port-La-Nouvelle
En octobre 2022, se tiendra la cérémonie de pose de la première pierre d’un site de production d’hydrogène « vert », à partir d’électricité renouvelable, à Port-La-Nouvelle pour une mise en service en décembre 2023.Baptisé Hyvoo pour hydrogène vert ouest Occitanie, « ce projet porte sur la construction d’une unité d’hydrogène vert à Port-La-Nouvelle positionnée sur l’axe Méditerranée-mer du Nord. Avec l’État, la préfecture maritime, nous avons lancé une action pour la création d’une zone pilote de navigation commerciale pour les navires à hydrogène », a dit Laurent Moser, nouveau président du Pôle Mer Méditerranée.L’investissement atteint de près de 60 millions d’euros, porté par les actionnaires d’Hyd’Occ, l’Arec Occitanie (35 %) et Qair Element, jeune filiale de Qair (65 %). Ce dernier va construire un électrolyseur de 20 MW dans le cadre de la première tranche de travaux financés par Qair avec le soutien de France Relance, de l’Ademe, de la région Occitanie et de la BEI. Car à la fameuse question de la poule et de l’œuf, le producteur et le futur consommateur avancent sur le même tempo avec la production des premiers kilos d’hydrogène début 2024. Les usages seront divers : transport terrestre, station de distribution, barge portuaire et industries.
Le projet « Green Harbour »
Géraldine Lamy, responsable QSE à Ports Sud de France, a rappelé le projet « Green Harbour ». Primé lors des trophées des Assises du Port du Futur en 2019, ce « couteau suisse vert » avance moins rapidement que les deux autres projets. C’est un projet de barge (donc une solution mobile et non pas fixe sur les quais) pour fournir de l’électricité « verte » à des navires et d’autres services portuaires (comme l’élimination des déchets).« Il s’agit d’une barge à hydrogène vouée à fournir de l’électricité verte aux navires en escale dans le port de Sète. La barge sera équipée d’une pile à combustible mobile d’une puissance de 2MW. Green Harbour tient la route techniquement, seul le modèle économique s’avère problématique en raison du prix au Kwh produit par la barge, les armateurs se fondant sur le prix du fuel. Ils veulent verdir le transport au même coût », analyse Géraldine Lamy.Seul espoir ? Le prix du kilogramme d’hydrogène va continuer de baisser quand, au même moment, le prix du fuel grimpe…