Pour la fourniture du courant nécessaire à la vie à bord pendant l’escale sans avoir recours au groupe électrogène, comme pour la recharge des batteries d’une flotte grandissante de bateaux à propulsion électrique, le déploiement de bornes électriques sur les quais fluviaux est devenu une priorité, tant pour la plaisance que pour la croisière ou le transport de fret.
Le déploiement de bornes électriques pour alimenter les bateaux le long des voies d’eau visera peut être un jour à un verdissement total de la navigation, avec des bateaux 100 % électrique. Ce n’est pour l’instant le cas que pour quelques bateaux de plaisance, sur un itinéraire de 120 km en Alsace, sur la Sarre et le canal de la Marne au Rhin. Les dix bornes en question ont été installées par VNF en 2018, suite à une initiative lancée deux ans plus tôt avec deux loueurs, Nicols et Les Canalous, qui se trouvent être aussi fabricants de bateaux et s’étaient engagés à proposer sur cet itinéraire des bateaux de plaisance habitables électriques.
En complément du bassin alsacien avec le projet d’étendre le maillage, de nouveaux bassins pourraient aussi être équipés : la Bourgogne et le Sud-Ouest, qui concentrent une forte activité locative, sont bien sûr visés. VNF entend cibler géographiquement ces investissements et trouver des partenaires pour en partager le coût d’installation. Il ne s’agit pas d’équiper toute une région mais de créer des « corridors verts », choisis selon leur fréquentation, où les emplacements les plus judicieux pour l’installation de bornes seront déterminés en concertation avec les loueurs, les ports de plaisance et les autres acteurs du tourisme fluvial en fonction des sites d’escale et du réseau électrique existant.
Des « corridors verts »
« Nous avons déjà commencé le travail avec les directions territoriales, qui connaissent les meilleurs lieux d’implantation. Nous devons échanger avec tous les acteurs dont l’adhésion fera le succès de l’opération. Notre objectif est d’équiper en 2025 tous nos principaux itinéraires de bornes électriques pour permettre l’itinérance des bateaux de plaisance électrique et d’équiper le reste de notre réseau en bornes électriques pour permettre le raccordement à quai. Cet objectif doit être mené en étroite collaboration avec les gestionnaires des ports », précise Ségolène Ricart, cheffe de projet plaisance et tourisme durable de VNF.
La fourniture de courant de quai pour la recharge de batteries n’est pas envisagée pour l’instant au-delà de la plaisance. Il reste cependant possible pour un opérateur de bateau électrique, comme c’est déjà le cas pour certains bateaux à passagers, d’équiper le quai privé dont il est occupant d’un accès au réseau électrique. Mais cela relève de l’initiative privée, et non d’une politique publique d’équipement de la voie d’eau.
« Pour la plaisance, la propulsion électrique semble s’imposer comme la meilleure réponse à la question du verdissement de la flotte, car il s’agit de petits bateaux. C’est donc la solution mise en avant par VNF alors que pour les autres bateaux, qu’il s’agisse de fret ou de bateaux à passagers, nous ne sommes pas prescriptifs : il n’y a pas de solution unique au verdissement de la flotte. Le raccordement électrique à quai est cependant une priorité car les groupes électrogènes représentent un coût pour l’usager et une source de pollution », constate Ségolène Ricart.
La majorité des bornes actuellement déployées visent donc à fournir de l’électricité de bord aux bateaux à l’arrêt, et non à recharger les batteries de bateaux électriques. Plus de 80 bornes existent ainsi sur le réseau Nord-Pas-de-Calais, qui sont accessible aux bateliers depuis de nombreuses années. Un service apprécié, mais qui présente des contraintes pour les utilisateurs avec une multiplicité d’exploitants, un système de paiement par jeton et un suivi de la consommation peu performant. Une étude de faisabilité est en cours, avec l’espoir pour VNF d’intégrer dès 2023 ces points de branchement électrique à quai au système « Borne & Eau », déjà mis en place par Haropa et VNF sur la Seine et dont l’interface sera renouvelé au printemps.
Cette nouvelle version de « Borne & Eau » permettra de proposer un portail d’accès unique pour tous les branchements de quai à l’échelle nationale, avec la possibilité d’une facture unique pour l’usager où qu’il se branche. Les bornes alsaciennes par exemple, dont l’exploitation est déléguée par VNF à un opérateur de mobilité, seront aussi visibles demain sur « Borne & Eau ».
Les 13 bornes déjà installées par VNF et Haropa sur la Seine depuis 2018 seront naturellement présentes sur le nouveau portail « Borne & Eau » au printemps. Y apparaîtront également les 68 bornes qui doivent être installées d’ici fin 2024 sur ce bassin, et pour lesquelles les deux établissements publics ont obtenu en juillet 2020 un financement européen. L’attribution du marché pour leur installation doit intervenir en avril 2022, l’appel d’offres étant en cours. Parallèlement, des discussions ont lieu avec les professionnels du fluvial pour déterminer leur emplacement précis. Haropa doit en installer 5 au Havre, 13 à Rouen et 19 en Île-de-France, et VNF 31 sur l’ensemble de l’axe.
« La supervision à l’échelle de l’axe Seine est effectuée par VNF, pour une cohérence d’usage. Le travail est en cours pour une convergence des systèmes de supervision. L’accès pour les usagers sera transparent, avec un seul identifiant par bateau quelle que soit l’autorité qui gère la borne à laquelle il se connecte, VNF ou Haropa », précise Benoît Seidlitz, adjoint au directeur de l’aménagement de Haropa Ports de Paris.
Le Port de Paris déploie aussi un autre type de bornes électriques, situées dans les escales publiques du bief parisien fréquentées par les bateaux à passagers. Il s’agit là aussi de réduire les émissions à quai, non pour les bateaux à passagers qui font des escales de quelques minutes mais pour ceux qui restent amarrés plusieurs heures au même endroit, comme les bateaux événementiels par exemple. Trois bornes test ont été posées au port de Grenelle, dans l’Ouest de Paris. « La première, installée en mai 2021, a permis de tester son utilisation par un grand nombre de bateau, car la flotte parisienne est très hétérogène. Cela a permis de qualifier l’ouvrage en termes de sécurité, de puissance et de facilité d’exploitation », indique Benoît Seidlitz. Ces essais ayant été concluants, la première borne a été mise en service début janvier et les deux autres, installées fin 2021, sont actuellement en test à leur tour. Avec de nouvelles prises installées à Pacy, à Saint-Bernard et à la Tournelle, les quais parisiens devraient compter sept bornes de ce type fin 2023.
S’adapter aux besoins
« Nous suivons et accompagnons les projets de verdissement pour la flotte parisienne en lien avec la Communauté Portuaire de Paris. Nous adaptons donc la vitesse de déploiement des bornes aux évolutions technologiques à venir. Par exemple, le rechargement de bateaux électriques à quai pourrait amener à modifier la conception des bornes. Ces évolutions dépendront de besoins non totalement connus à ce jour. Mais seuls des échanges réguliers avec les utilisateurs nous permettront de l’anticiper. », relève Benoît Seidlitz.
Les bornes destinées aux paquebots fluviaux figurent dans le programme commun VNF-Haropa, mais n’apparaîtront pas dans « Borne & Eau », leur puissance les destinant à des bateaux spécifiques, escalant sur un nombre réduit de quais. VNF va en installer trois et Haropa deux à Paris, une au Havre et quatre à Rouen dont deux pour l’hivernage. L’installation a déjà commencé à Paris, avec deux bornes sur l’escale de Javel, la plus fréquentée par les paquebots.