« Nous sommes un opérateur et nous devons aussi être l’un des leaders de l’acquisition d’unités neuves, pour lesquelles notre bureau d’étude peut faire les plans, et qui seront en navigation en 2050 », a dit Mathieu Blanc, directeur général de CFT/groupe Sogestran, lors d’une table-ronde du webinaire « Vert le fluvial » de VNF organisé le 17 mars 2023.
Il a précisé les trois piliers sur lesquels reposent la « décarbonation » de la flotte de bateaux fluviaux de cette compagnie :
- Pour les trajets longue distance, l’objectif est de diminuer les émissions de CO2 : « On peut utiliser du HVO à bord des bateaux. Nous avons un test actuellement en cours sur un porte-conteneurs fluvial ».
- Pour les zones urbaines, il s’agit d’atteindre le « zéro » émission et rejets : « Cela peut se faire par des batteries, par de l’hydrogène. Nous avons un bateau le Zulu VI, un projet hydrogène que l’on mène depuis 2017, et comme c’est très innovant, nous avons souvent fait face à des murs technologiques. Nous avons actuellement un bateau prêt à naviguer qui vaut 4 millions d’euros et qui reste à quai ». La possibilité de faire naviguer ce bateau est freinée par des obstacles réglementaires.
- A quai, pour les bateaux, généraliser le branchement à quai pour couper les groupes électrogènes.
« Les clients ne sont toutefois pas toujours prêts à payer la transition écologique. Tant qu’un règlement ou une loi ne les obligent pas, ils ne franchissent pas le pas. Par exemple pour le branchement à quai, il faudrait sans doute envisager des obligations législatives ou réglementaires aussi bien pour passer la nuit que pour les opérations de chargement/déchargement », a ajouté ce responsable.
Sogrestran a fait le choix de « ne pas aller » vers des carburants comme le GNL ou le méthanol que Mathieu Blanc considère comme des solutions pour le secteur maritime qui va sans capter la plupart des volumes, n’en laissant guère pour d’autres filières.
Une autre étape est à accomplir après avoir défini des objectifs, planifié une trajectoire pour y parvenir : celle de la contrainte mais « les obligations doivent être équivalentes pour tous les modes de transport pour ne pas dégrader la compétitivité du fluvial par rapport aux autres. Le fluvial doit gagner des parts modales, car il est déjà naturellement moins émetteur, il s'agit de permettre le choix de ce mode tout en préservant sa compétitivité ».
Les atouts de la pile à combustible
Pierre Leduc, chef de projet à l’IFPEN, a ensuite détaillé la solution pile à combustible et hydrogène à bord des bateaux :
- « La pile à combustible est l’un des outils pour les motoristes afin de concevoir un groupe moto-propulseur pour un bateau. C’est une technologie pour fabriquer de l’énergie à bord, en l’occurrence de l’électricité. Elle permet d’aller vers des bateaux électrifiés voir totalement électriques.
- C’est un moyen d’hybrider la production d’énergie, sachant qu’on est là dans une hybridation électrique/électrique. C’est-à-dire qu’on vient hybrider une batterie/générateur électrique avec un autre générateur électrique qui va fabriquer à bord de l’électricité avec l’hydrogène embarqué.
- Les hydrogènes peuvent être utilisés de deux façons soit dans la pile à combustible, soit de manière plus conventionnelle dans des moteurs à combustion/thermique adaptés au gaz. Dans tous les cas, cela se marie très bien avec une hybridation car à partir d’un moteur à combustion, on peut le coupler avec un groupe électrogène et alimenter un groupe moto-propulseur hybride.
- Les avantages de la pile à combustible : on est dans un bateau électrique qui peut couvrir des distances plus grandes, transporter des charges plus lourdes qu’un bateau fonctionnant à 100% sur batteries.
- On peut même imaginer, d’ici 20 ans, des navigations au-delà des zones intra-muros, avec des pousseurs de ligne alimentés à l’hydrogène et en mode 100% électrique sur l’ensemble de leur parcours. Certes, vu la densité énergétique de l’hydrogène, il faudra « faire le plein » plus souvent et prévoir de disposer de plus de place à bord.
- La pile à combustible permet des bateaux à 100% électrique et donc sans émissions de CO2 ni d’oxyde d’azote ni de particules, mais aussi une navigation silencieuse avec peu de vibrations à bord ».
Concernant l'hydrogène, le chef de projet de l'IFPEN a admis « des risques supplémentaires à bord mais qui ne sont pas insurmontables », rappelant qu’ils existent aussi avec plusieurs milliers de litres de GNR.
Il faut également de l’hydrogène « décarboné », « idéalement renouvelable ». Et quand celui-ci sera produit de manière industrielle, il se posera alors la question de sa disponibilité pour les différents utilisateurs.