Les entreprises de la filière transport et logistique connaissent des difficultés de recrutement persistantes. En 2018, 43% d’entre elles ont déclaré avoir éprouvé des difficultés de recrutement, selon le rapport annuel de l'Observatoire prospectif des métiers et des qualifications dans les transports et la logistique (OPTL). Et cela malgré la croissance enregistrée par le secteur (+3,1% d'emplois en 2018).
Pour remédier à l’image négative dont souffrent les entreprises du transport routier de marchandises (TRM) et améliorer l'attractivité de la profession, les acteurs du secteur ont engagé un vaste chantier pour améliorer les conditions de travail via des actions de prévention santé sur-mesure. Il s’agit d’un programme nommé « Transportez-vous bien » qui décline plusieurs actions de prévention en matière de santé à destination des salariés du TRM.
Klesia, groupe de protection sociale actif de longue date dans la filière transport et logistique et organisme paritaire, pilote la mise en œuvre de ce programme décidé d’un commun accord entre les représentants des employeurs et des salariés. Ceux-ci ont souhaité un renforcement de la prévention par des actions sur-mesure car l’accidentologie est élevée dans le TRM. « Le taux de cotisation accident du travail (AT)/maladie professionnelle (MP), dont le versement relève à 100% des entreprises, atteint un niveau de 5,5% dans le TRM alors qu’il est de 2,2% dans les autres secteurs économiques. Cela représente une somme significative pour les entreprises dont elles n’ont pas conscience », indique Benjamin Laurent, directeur de l'offre chez Klesia.
Un fonds spécifique
Le programme de prévention « Transportez-vous bien » dans la branche Transport a commencé à se mettre en place à partir du 1er juillet 2017 et est adossé au régime conventionnel. « Il bénéficie d’un fonds spécifique, c’est-à-dire d’un fonds de prévention dédié pour réduire le risque AT/MP, les accidents, les invalidités. Il est abondé par une cotisation incluse dans la cotisation prévoyance à hauteur de 0,05 % du salaire, prélevé côté employeur et côté salarié. Klesia est le gestionnaire de ce fonds en tant qu’organisme paritaire et en lien avec la commission paritaire », continue Benjamin Laurent.
Le contenu du programme est accessible à tous les salariés de la branche sur le site web https://www.carcept-prev.fr où toutes les informations sur les actions sont précisées. Le salarié doit au préalable activer son espace personnel de prévoyance. Pour chaque action de prévention réalisée par le salarié, celui-ci cumule des points qu’il peut ensuite utiliser « en cas de coup dur », c’est-à-dire d’invalidité ou d’inaptitude, pour des services d’accompagnement comme une aide à domicile, un soutien psychologique, une aide au retour à l’emploi.
Parmi les actions mises en place dans le cadre de ce programme, il y a la possibilité d’une consultation de prévention santé par le salarié auprès d’un médecin généraliste spécialement formé et d’une durée de 45 minutes. La formation préalable du médecin est réalisée par Klesia et ses partenaires.
D’autres actions sont axées sur la formation continue du salarié à la prévention santé pendant une journée. La formation peut se faire à l’extérieur de l’entreprise chez Aftral ou chez Promotans ou en interne (formation « intra »).
« Notre action phare est le coaching cardio/sommeil/tabac par téléphone avec un professionnel de santé, explique Benjamin Laurent. Le salarié entre en contact de manière confidentielle avec une infirmière pour réaliser un pré-diagnostic sur sa situation de santé. Les résultats du pré-diagnostic peuvent alerter sur des risques éventuels comme des troubles du sommeil, une addiction au tabac, etc. Ensuite, le coaching téléphonique se met en place pour apporter des conseils au salarié de manière régulière ». Pour faire connaître cette possibilité, des salariés qui n’avaient fait aucune démarche d’eux-mêmes ont été contactés pour leur proposer un entretien motivationnel en vue d’un pré-diagnostic et d’un coaching. Deux tiers des salariés ont été convaincus et ont bénéficié d’un coaching.
« Comme le montre une étude récente que nous avons réalisé avec l’institut Ifop, il existe un réel besoin de prévention exprimé aussi bien par les dirigeants des entreprises de TRM et par les salariés, souligne Benjamin Laurent. Tout l’enjeu en 2019 est de démontrer aux dirigeants des entreprises l’intérêt économique et financier de s’engager dans une démarche de prévention santé de leurs salariés. Près d’un tiers des dirigeants n’ont pas conscience du coût des accidents du travail, maladies professionnelles par salarié et par an pour leur entreprise ». Le coût des AT/MP par salarié et par an est deux fois plus élevé dans la branche Transport qu’en moyenne nationale avec une somme qui atteint 1320€ pour les entreprises de TRM.
Publiée en juin 2018, une « Etude sur la prévention santé dans le secteur des transports », sondage réalisé par l’institut IFOP pour Carcept Prev (groupe Klesia) montre que les dirigeants et les salariés ont des avis convergents quant à l’évolution économique du marché. Il n’en va pas du tout de même concernant les conditions de travail : plus de 60 % des dirigeants d’entreprises du transport estiment les conditions de travail bonnes, quand ce sont seulement 44 % des salariés qui dressent ce constat. Il en est de même sur la confiance exprimée en l’avenir du secteur : 13 points séparent les dirigeants, plutôt confiants (78 %) des salariés (65 %).
A la quasi-unanimité, les dirigeants de sociétés du transport interrogés font part de leur volonté de placer la question de la prévention santé dans leur entreprise comme une priorité. 92 % considèrent d’ailleurs que la prévention santé des salariés est bénéfique pour ceux-ci comme pour l’entreprise au global. Les dirigeants estiment que cela permet de participer au bien-être au travail des salariés et de réduire les risques d’arrêts de travail.
Une attente partagée par les salariés du secteur : 85 % jugent pertinente l’idée de suivre des actions de prévention spécifique à la profession. Car si la majorité des salariés du transport se déclarent en bonne santé, certaines spécificités propres au secteur viennent impacter leur conditions physique et psychique : montée de la concurrence et renforcement des contrôles créant un plus grand stress, difficulté à trouver un bon équilibre entre vie personnelle et professionnelle, etc.
Cependant, le ressenti entre dirigeants et salariés divergent sur ces problèmes de santé. Ainsi, alors que les salariés vont davantage mettre en avant les problèmes de santé liés au stress et aux troubles du sommeil (respectivement 60 % et 55 % de citations), les dirigeants ne les évoquent qu’à hauteur de 18 % et 17 % (soit des écarts respectifs de 42 et 38 points). En conséquence, les salariés expriment un fort intérêt pour des actions de prévention liées à la gestion du stress, aux troubles du sommeil ainsi qu’à la prévention des maladies cardiaques – même s’ils ne sont pas directement concernés puisque 71 % déclarent ne pas avoir de problèmes cardiaques actuellement. Des actions qui ne sont aujourd’hui pas envisagées par les dirigeants.
Ainsi si dirigeants et salariés reconnaissent l’importance de mener des actions de prévention santé au travail, elles sont encore concrètement trop peu perçues ! Seul 31 % des dirigeants déclarent n’avoir mis en place aucune action de prévention dans l’entreprise. Or ce sont près de 53 % des salariés qui disent n’avoir aucune action de prévention dans leur entreprise.