« Notre métier, c’est la conception, l’ingénierie, la conduite d’études pour la réalisation de bateaux fluviaux ou de navires maritimes pour du transport de passagers ou de fret. C’est parfois aussi la maîtrise d’œuvre, c’est-à-dire le pilotage complet d’un projet », précise Laurent Mermier, directeur général de Ship ST, entreprise basée à Nantes et Lorient, depuis une vingtaine d’années.
Il rappelle que Batorama a été précurseur en 2000 en osant un bateau, le Gustave Doré, avec des batteries, au plomb à l’époque, et un groupe électrogène thermique pour la climatisation et le chauffage, ce qui fait qu’il n’était pas totalement « zéro émission ». Mais « c’était déjà très innovant et a permis d’acquérir de l’expérience ».
En 2018, Batorama a choisi Ship ST dans le cadre d’un appel d’offres de maîtrise d’œuvre pour la conception d’un bateau de présérie de nouvelle génération. « L’objectif était de renouveler la flotte de la compagnie par des bateaux zéro émission, sans a priori technique. Il y avait deux conditions : que les bateaux puissent tous être découvrables pour être exploités en étant ouvert ou fermé selon la période de l’année, et la possibilité d’écran dans les sièges », explique Laurent Mermier. Un budget conséquent a rendu possible deux ans de pré-études pour explorer toutes les voies techniques possibles du zéro émission. « Batarama était très attiré par l’hydrogène, ce qui était encore précurseur en 2018, pour finalement choisir la solution de batterie à charge lente pour que les bateaux tournent toute la journée et se rechargent la nuit à leur base de la Citadelle », poursuit ce responsable. Les bateaux pourront évoluer vers l'hydrogène ultérieurement.
Actuellement, un premier bateau zéro émission pour Batorama est en cours de construction chez Transmétal Industrie à Saint Mandrier dans le Var et devrait être livré fin 2022. « Notre rôle est de continuer à être maître d’œuvre. Ce projet est intéressant pour nous car il nous a permis d’acquérir davantage de compétences sur les bateaux à batterie alors que la demande d’électrification d’unité s’amplifie ». Il en va ainsi dans la suite de la démarche lancée par la Communauté portuaire Paris (CPP) qu’accompagne Ship ST qui peut capitaliser sur son expérience acquise avec le projet en Alsace de Batorama, pour, par exemple, le retrofit d’un bateau des Vedettes de Paris.
Une pollution différente
« Il faut retenir que l’électrification est pertinente si le bateau est optimisé et d’une conception assez récente. Il faut aussi savoir qu’aujourd’hui, le coût d’investissement est élevé mais le coût de possession devient inférieur pour un bateau électrique par rapport à une unité thermique. Les propulsions thermiques s’envolent en prix d’achat et de maintenance avec les normes EMNR stage V tandis que les propulsions batterie diminuent avec la chute du coût du kilowatt par rapport au gazole et la quasi-disparition des frais de maintenance. Le coût d’une batterie a été divisé par 10 en 10 ans. Le coût global d’un bateau à batterie électrique est désormais moindre que celui d’un bateau thermique. Aujourd’hui, cela a un sens économique de passer à la batterie », relève Laurent Mermier.
Les batteries ont un handicap environnemental avec l’emploi de métaux rares (lithium, fer, phosphate, en France). Pour ce responsable il faut aussi retenir que « la pollution est différente, elle intervient une fois tous les 10 ans lors du changement de la batterie tandis qu’avec du thermique, c’est du gazole toutes les semaines ». Les calculs d’impact global montrent que le bilan carbone est 4 fois moins élevé pour un bateau électrique (en se fondant sur une origine nucléaire comme en France) par rapport à une unité thermique. Le rendement d’un bateau à batterie électrique est très bon : 80 à 90 % de l’énergie est utilisée réellement alors que dans un bateau thermique, c’est 40 %.
Pour Laurent Mermier : « Avec l'impératif environnemental, des aides en place, une évolution économique favorable aux batteries, les projets de bateaux vont se multiplier. La difficulté encore à surmonter est le besoin d’électricité à terre pour la recharge, l’adaptation du réseau électrique existant, l’installation de prises ».