Le projet Greendeliriver, porté par Segula Technologies, a obtenu une dérogation de la Commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR) pour l’utilisation d’un carburant qui n’avait pas encore été utilisé en fluvial au niveau européen jusqu’à présent : le gaz naturel compressé issu de la méthanisation de biomasse ou bio GNC.
Quelle est l’importance de la dérogation obtenue ?
Sydney, automoteur au gabarit campinois (700 t) appartenant à Coalis, va être le premier bateau à bénéficier de cette nouvelle motorisation. Jean-Luc Baraffe, directeur de la recherche et de l’innovation de Segula Technologies précise :
- « Il s’agit d’un bateau existant, qui navigue depuis 50 ans et qui a déjà son marché et sa clientèle. Avec cette dérogation de la CCNR pour utiliser du bioGNC, une première au niveau européen, il pourra naviguer sur tous les fleuves et canaux d’Europe.
- Cette dérogation est très importante car, sans cet accord de la CCNR, nous ne pourrions continuer à avancer sur ce projet. Nous pouvons maintenant lancer la remotorisation du Sydney, qui participera à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques ».
Le détail du retrofit au Chantier de la Haute Seine
Le bateau sera pris en charge à l’été 2023 par le Chantier de la Haute-Seine (groupe Cemex), situé à Villeneuve-le-Roi.
Le moteur diesel de l’automoteur sera remplacé par deux générateurs de 230 kW chacun. Il s’agit de moteurs de camion à la norme euro 6, adaptés par NGV Powertrain, spécialiste italien des moteurs utilisant des carburants alternatifs. Ces groupes fonctionnant au bioGNC alimenteront les batteries au lithium et fourniront l’énergie nécessaire au moteur électrique du bateau.
« Un générateur thermique, une batterie et un propulseur électrique, récapitule Jean-Luc Baraffe. Il s’agit d’une technologie assez simple, qui permet d’être dans la durabilité à la fois par l’origine du gaz utilisé, mais aussi car nous donnons une deuxième vie à un bateau ancien dont la coque reste en très bon état. Le générateur tourne toujours à régime stabilisé, pour une meilleure efficacité, et les accélérations et décélérations sont obtenues grâce à la batterie. Une navigation entièrement électrique est possible sur une courte distance, par exemple pour la traversée de Paris ».
Parmi les autres caractéristiques :
- Avec 4 t de biogaz, comprimé à 250 bars et stocké dans douze bouteilles situées à l’avant du bateau, le Sydney aura une autonomie de 450 km environ, soit une semaine de navigation sans avitaillement.
- Le stockage du gaz en bouteilles permet de diminuer le temps de soutage, avec la possibilité de simplement mettre à quai les vides et déposer à bord des bouteilles pleines.
- Ce schéma s’appuie sur de nombreux partenaires : VNF, Haropa pour l’infrastructure portuaire, le Syctom et GRDF pour la méthanisation des biodéchets, TotalÉnergies pour la distribution du gaz, etc.
Et après ?
Au-delà du Sydney, qui devrait naviguer au bio GNC à partir de la fin de l’année 2023, Segula travaille aussi sur un projet de pousseur neuf utilisant la même technologie.
« Nous attendons d’avoir le retour d’expérience du Sydney pour finaliser les études de ce pousseur, explique Jean-Luc Baraffe. La grosse problématique de ce bateau sera la place à bord pour stocker le gaz tout en tenant compte des problématiques de sécurité. Ce pousseur sera associé à une barge très innovante, d’une capacité de 2 500 t. »
Le programme Green Deliriver s’adresse donc autant qu’aux automoteurs qu’aux pousseurs, et aux constructions neuves qu’au retrofit, relève Jean-Luc Baraffe :
- « Nous avons des demandes de retrofit pour des bateaux sur la Seine, et nous profitons pour cela de l’expérience acquise dans le domaine routier.
- Nous avons aussi quelques demandes pour de l’hydrogène, déjà expérimenté également pour des véhicules routiers. Mais l’adaptation de l’hydrogène aux bateaux prendra davantage de temps, son développement étant freiné par l’absence d’hydrogène « vert » et aussi par des questions de prix et de sécurité du stockage.
- Avec l’hydrogène, il s’agit d’une technologie complexe, alors que les bateliers aiment comprendre leurs bateaux et n’hésitent pas à mettre les mains dans le moteur.
- Le bioGNC est une technologie plus facile. Les investissements des agriculteurs vont rendre le biogaz disponible, alors qu’il n’y a presque pas d’hydrogène « vert » ».