Avec la « décarbonation », ArcelorMittal Méditerranée se forge un nouvel avenir

Article réservé aux abonnés

Les travaux de construction du four à poche, entamés en 2021 sur une plate-forme de 4 000 m2, se poursuivent, en vue d'un démarrage au premier trimestre 2024. 

ArcelorMittal Méditerranée a présenté, le 22 février 2023, le grand plan de réduction de 35 % de ses émissions de dioxyde de carbone entre 2018 et 2030, dans la suite des annonces il y a un an. La montée en puissance des aciers recyclés et le remplacement partiel du charbon par de l’électricité nécessitent des investissements colossaux, 1,7 milliard d’euros, assumés en partie par l’État français. La question des effets de la révolution de la « décarbonation » de l’acier sur les trafics maritimes est aussi importante.

La révolution ou la disparition… La sidérurgie compte parmi les industries les plus polluantes au monde en émettant 6 % des émissions de gaz à effet de serre de la planète. Le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence, en juillet 2021, a reconnu l’aciérie de Fos coupable d’avoir enfreint la loi sur les émissions de polluants. À l’origine de la plainte déposée en 2018, l’association écologiste France nature environnement (FNE) qui a réussi son coup : « Provoquer un électrochoc ».

Renoncer à cette industrie reviendrait à anéantir des pans entiers de l’économie française et européenne. L’acier se trouve au cœur de la chaîne de valeur, de la petite cuillère aux mâts d’éoliennes, en passant par les paquebots construits à Saint-Nazaire, les canalisations en fonte de Saint-Gobain ou l’automobile qui engloutit, à elle seule, 30 % des 4 millions de tonnes d’acier produites par an sur le site ArcelorMittal Méditerranée. Pour cette production annuelle, l’usine rejette 7,5 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère.

Un « four à poche » en 2024

L’État a donc décidé d’accompagner la transformation en profondeur de cette industrie lourde en annonçant lui-même, en février 2022, par la voix de son Premier ministre, un plan de « décarbonation » de 1,7 milliard d’euros pour les deux principaux sites du sidérurgiste en France (voir article de NPI).

« Ce projet va assurer la pérennité de notre industrie qui est la trame des activités économiques de l’Europe. C’est un enjeu de politique publique d’accompagner cette transition. Nous sommes contraints d’acheter des certificats CO2 à 90 euros la tonne, ce qui renchérit de 20 % le prix de vente de l’acier. Il faut rétablir un niveau de compétition équivalent avec ceux qui n’achètent pas de certificats », a résumé Bruno Ribo, directeur d’ArcelorMittal Méditerranée, le 22 février 2023 lors d’une visite presse du site de Marseille-Fos, un événement rarement organisé par cet industriel.

L’Etat, via l’Ademe, a déjà accordé une aide de 15 millions d’euros sur un investissement de 73 millions (en hausse de 13 millions par rapport à l’évaluation initiale) destiné à construire un « four à poche » pour augmenter de 2 à 10 % la part des aciers recyclés dans le process de production. Il mettra en température les aciers recyclés.

Les travaux de construction de ce four à poche de 50 MW, entamés en 2021 sur une plate-forme de 4 000 m2, se poursuivent. Le génie civil achevé, les ouvriers sont à pied d’œuvre pour monter la charpente métallique. Le site sera doté de six salles de commandes électriques. « Cet outil sera au cœur de l’aciérie, entre le convertisseur et les coulées continues, pour réchauffer l’acier. Nous démarrerons entre janvier et mars 2024 », explique Christian Vromen, responsable « décarbonation-étape 2030 » chez ArcelorMittal Fos.

« Un four à arc électrique » pour 2030

La deuxième étape clé dans la transformation du procédé de fabrication est annoncée pour 2030. À cette date, un « four à arc électrique » de 300 MW devrait remplacer un des deux hauts fourneaux, permettant de réduire sensiblement la consommation de charbon et d’abaisser de 35 % les émissions de CO2.

« Avec une réduction de 2,5 millions de tonnes par an, c’est comme si l’ensemble du parc automobile des Bouches-du-Rhône basculait d’un coup à l’électrique », souligne Bruno Ribo.

Plusieurs millions d’euros seront nécessaires pour construire ce four et ArcelorMittal mise sur des aides d’État dans le cadre de l’appel à projet « France 2030 ». Le sidérurgiste entend également valoriser le CO2 fatal dans le cadre d’une collaboration avec d’autres industriels.

C’est tout l’enjeu de l’appel à projets « ZIBaC » (pour « zones industrielles bas carbone »), où les deux lauréats, Dunkerque et Fos abritent les deux usines sidérurgiques.

L’écosystème industriel provençal va bénéficier de 9 millions d’euros sous deux ans dont 4 millions d’aides de l’État pour « décarboner » l’industrie (voir article de NPI) en subventionnant des études. « Nous avons besoin de collaborer avec tous les acteurs pour réduire de 10 à 15 % nos émissions carbone », a précisé Bruno Ribo.

Et après de l'hydrogène « vert » pour des aciers « verts »

Ce responsable fonde également de grands espoirs dans l’hydrogène « vert » pour produire des aciers eux aussi « verts ». Selon lui, les transformations actuelles sont un véritable défi générationnel. Ces changements sont en effet aussi une opportunité de faire le grand saut dans l’industrie 4.0 en injectant de l’IA (intelligence artificielle), des commandes numériques dans les nouveaux process « afin d’éloigner les hommes de l’acier en fusion ». Suivra alors une phase de formation des opérateurs. « ArcelorMittal investira dans la formation professionnelle. Nous recrutons 150 à 200 personnes par an », assure le directeur de l’usine.

Lors de la visite presse le 22 février 2023, ce responsable a également annoncé le redémarrage du deuxième haut fourneau du sidérurgiste à Fos à compter d’avril 2023 après plusieurs mois d’interruption : davantage d’information sur le site Internet du Journal de la marine marchande, une publication du groupe Tema auquel appartient également NPI.

Recul de 26 % des importations de minerai et charbon en 2023

La transformation progressive de l’industrie sidérurgique, qui historiquement repose sur les importations de minerai de fer et de charbon et les expéditions de bobines d’acier, va entraîner une baisse progressive des trafics maritimes.

Dans moins de dix ans, le port de Marseille-Fos va accuser une diminution du nombre d’escales des imposants minéraliers et des vraquiers.

En se fondant sur des documents internes, consultés par la rédaction, le recul sera bel et bien effectif et ne sera pas totalement compensé par les imports de ferrailles.

Après une baisse de -5,21 %, entre 2021et 2022 des imports au quai minéralier à 7,5 millions de tonnes (minerai, charbon, laitier), les prévisions pour 2023 font état d’un nouveau recul d’environ -26 % des tonnages à 5,6 millions de tonnes.

Selon le plan de marche de l’usine, les importations de minerai vont chuter de 8 millions de tonnes à 5 millions de tonnes entre 2023 et 2027 pour atteindre 3 millions de tonnes en 2035.

A l’inverse, les imports de ferrailles vont augmenter et passer de 66 600 tonnes à 550 000 tonnes entre 2023 et 2026 et atteindre un pic de 900 000 tonnes en 2027. Questionné sur le projet de déconstruction des navires de commerce sur place, évoqué depuis un certain temps, le directeur d’Arcelor-Mittal Méditerranée s’est contenté de répondre que tous les projets en cours d’étude se poursuivaient.

 

 

Innovations

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15