Une conférence de France Agrimer au salon de l’agriculture a fait le point sur les exports de céréales ukrainiennes suite à la mise en place de couloirs ferroviaires et fluviaux puis maritimes. L’incertitude domine pour l’avenir, l’accord avec la Russie arrivant à échéance le 18 mars.
Quelle était situation au début du conflit ? Lorsque la Russie a déclenché, en février 2022, son offensive en Ukraine, il restait environ 5 Mt de blé et 18 Mt de maïs à exporter dans les silos ukrainiens. Le blocage par la marine russe des ports de la mer Noire a mis les exportations maritimes à l’arrêt.
Les voies terrestres ont pris le relais. Qu’ils soient routiers, fluviaux ou ferroviaires, les « couloirs de la solidarité » concernent 783 000 t par mois dès avril, puis 1,4 Mt en mai, 1,8 Mt en juin et 2,3 Mt en juillet.
« Les couloirs de la solidarité ont fonctionné au-delà des attentes », selon Marc Zribi, de FranceAgriMer lors d’une conférence au salon de l’agriculture le 27 février 2023, qui y voit « le signe d’un premier arrimage de la logistique ukrainienne à l’Union européenne ». On reste loin, cependant, des 6 à 7 Mt exportées mensuellement depuis la très bonne récolte ukrainienne de l’été 2021.
Un accord sous l’égide de l’ONU et de la Turquie
Quels sont les effets de l’accord sous l’égide de l’ONU et de la Turquie ? Signé sous l’égide de l’ONU et de la Turquie, il ouvre un corridor maritime en mer Noire pour des exportations de céréales via les ports ukrainiens de la mer Noire : Tchornomorsk, Odessa et Pivdenny.
Appliqué dès le mois d’août, il permet des exportations totales, modes terrestres et maritimes confondu, de 3,9 Mt ce mois-là et de 5 à 6 Mt par mois de septembre 2022 à janvier 2023.
« On arrive à exporter des volumes importants, même s’ils sont inférieurs à ceux de la récolte précédente, et cela sans le port de Mykolaïv qui ne fait pas partie de l’accord mais représente habituellement le tiers des exportations ukrainiennes », souligne Philippe Mitko, chargé des relations extérieures de Soufflet négoce et président de Coceral, association représentant les intérêts du négoce européen de céréales.
« Un miracle a été réalisé avec les efforts massifs de la logistique ukrainienne , avec en particulier des chargements de 6 000 à 8 000 t sur bateaux sur le Danube, avec des moyens de manutention précaires », ajoute ce responsable.
Les chiffres en détail
Au total, du 24 février 2022 au 24 février 2023, l’Association céréalière ukrainienne (UGA) décompte :
- 9,3 Mt de céréales exportées par voie ferroviaire et routière via les frontières occidentales de l’Ukraine,
- 7,5 Mt exportées via les ports fluviaux du Danube et 22 Mt via les ports maritimes de la mer Noire. Soit un total de 38,8 Mt.
- La production ukrainienne de céréales, déjà en baisse de 32 % en 2022, devrait encore diminuer de 11 % en 2023 selon les prévisions de l’UGA.
- La baisse des exportations va suivre avec un effet retard, comme l’explique Philippe Mitko : « On exporte les stocks qui ne sont pas sortis en 2022. Les silos étaient encore pleins, surtout de maïs, en février 2022. Sans compter le stock en transit, puisqu’il fait compter en Ukraine un délai d’un mois entre le producteur et le chargement à bord du navire »
- Les exportations de blé devraient atteindre 14,5 Mt sur l’ensemble de la campagne 2022-23, et 14 Mt pour la campagne suivante, selon les prévisions de l’UGA.
- Pour le maïs, l’UGA table sur 25 Mt exportées pour cette campagne et 20 Mt pour 2023-24.
Ces chiffres, cependant, ne sont valables qu’en cas de prolongation des corridors maritimes d’exportation. L’accord signé en juillet 2022 par la Russie et l’Ukraine, sous l’égide de l’ONU et la Turquie, a été prolongé une première fois en novembre, et court désormais jusqu’au 18 mars 2023.
La prolongation des couloirs maritimes en négociation
Quel en-est-il du côté de l’Ukraine ? Fin février, le pays a demandé à la Turquie et à l’ONU d’engager avec la Russie des discussions pour un nouvel accord d’une durée d’un an et non de 120 jours comme précédemment. Les autorités ukrainiennes souhaitent aussi que soit inclus dans l’accord le port de Mykolaïv, qui concentrait chaque année le tiers des exportations ukrainiennes de céréales.
Une demande pour le port maritime de Mykolaïv situé sur l’estuaire du fleuve Boug, il n’est pas situé en zone occupée par la Russie, ne figure pas dans l’accord portant sur les corridors maritimes en raison de sa proximité avec la zone de conflit, à seulement une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Kherson.
Du côté de la Russie, le 2 mars, lors du sommet du G20, le Kremlin a fait savoir que le prolongement de l’accord serait conditionné par la levée des sanctions financières, qui freinent les exportations russes de céréales et surtout d’engrais.
« Ce seront des négociations difficiles, anticipe Philippe Mitko. Mais personne n’a intérêt à ce que les corridors maritimes se referment. Les Russes ne prendront pas le risque d’être accusés de tout bloquer par les pays qui s’abstiennent à l’ONU, mais ils n’accepteront pas d’inclure Mykolaïv dans l’accord. Les Ukrainiens n’insisteront pas sur ce point, préférant obtenir un accord d’une durée plus longue ».
A quoi s’attendre d'ici un nouvel accord ? les exportations ukrainiennes pourraient ralentir. Cela avait été le cas en novembre dernier, les opérateurs ayant prix en compte le risque de non renouvellement et n’ayant pas envoyé de navires, d’autant que le fret en mer Noire est très cher.
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