Les travaux de Seine-Nord ont débuté et ceux de la liaison Seine-Escaut, dans laquelle s’inscrit le futur canal, sont bien entamés, selon une conférence de Riverdating 2022. La France, la Flandre et la Wallonie font évoluer leurs réseaux et ouvrages respectifs vers le grand gabarit. Plusieurs chantiers importants seront achevés en 2023 comme Condé-Pommeroeul, les traversées de Tournai, de Werwick…
Une conférence de Riverdating a rappelé que si les travaux de Seine-Nord ont débuté cet automne 2022, d'autres sont bien avancés sur l'ensemble de la liaison européenne Seine-Escaut dont plusieurs éléments devraient être achevés au cours de l’année 2023.
Ainsi, le canal Condé-Pommerœul, fermé à la navigation depuis 30 ans, fait l’objet de travaux depuis 2020 pour être remis en navigation. Il permettra de relier Condé-sur-l’Escaut (Nord) à la ville belge de Pommerœul (Wallonie), économisant 12 heures de navigation entre Valenciennes et le canal du Centre. Les opérations, en particulier le dragage de 1,75 million de m³ de sédiments, ont été retardées à cause de la découverte de la présence dans le canal de castors, une espèce protégée. Le canal devait être rouvert à la navigation fin 2022, il le sera à l’été 2023.
« Depuis 30 ans, la remise en navigation du canal a été bloquée non par des castors, mais par l’impossibilité de s’entendre sur le moyen de résoudre de façon transfrontalière le problème d’envasement », rappelle Pascal Moens, directeur du transport de marchandises au Service public de Wallonie, qui souligne que le chantier de ce canal de 11 km, pour moitié en France et pour moitié en Belgique, a été le premier acte de la coopération entre la Wallonie et la France dans le cadre de Seine-Escaut. La collaboration est établie entre les deux pays sur le long terme pour l’entretien de la voie d’eau, bien au-delà de la seule remise en navigation.
La traversée de Tournai
Le Haut-Escaut fait aussi l’objet de travaux, en particulier à Tournai où la reconstruction des arches du fameux pont des Trous est pratiquement achevée. Cette porte d’eau médiévale bloquait la mise à grand gabarit de l’Escaut et sa modification a fait localement l’objet d’une forte polémique. Un chantier soumis à « de grosses contraintes urbanistiques et patrimoniales », selon Pascal Moens, qui annonce son achèvement pour avril 2023. Le Haut-Escaut sera porté au gabarit Va, soit 110 m x 11,4 m pour des bateaux de 3000 t. Cette dernière étape achève plus globalement l’élargissement de l’Escaut à Tournai.
Recalibrage en cours pour la Lys mitoyenne
Les choses avancent aussi pour la Lys mitoyenne, ainsi nommée car elle trace la frontière entre la France et la Belgique, de Deûlémont à Halluin. Ou plus exactement constituait précédemment la frontière, mais la traverse maintenant à plusieurs reprises, puisque le tracé actuel de la Lys est déjà issu de recalibrages antérieurs, alors que la frontière continue à suivre le lit historique de la rivière. La Lys mitoyenne aurait constitué un point dur sur l’itinéraire Seine-Escaut au gabarit Vb, soit 180 m x 11,4 m pour des bateaux de 4 500 t. « Les trois partenaires, français, wallon et flamand, ont signé en 2018 une convention-cadre internationale pour le recalibrage de la Lys qui fixe des principes de gouvernance originaux, puisque chacun est maître d’ouvrage sur une section », souligne Manuel Philippe, de la DIMOA de VNF.
Ici, ce ne sont pas les castors mais la découverte d’obus datant de la Première Guerre mondiale qui ont retardé le chantier. Il a fallu déminer.
Pour la partie sous maîtrise d’ouvrage flamande, trois nouvelles écluses ont été reconstruites à grand gabarit et cinq ponts ont été relevés à 7 m, même si côté français les ponts ne permettent pas une telle hauteur libre. La traversée de la ville frontière de Wervicq est quasi achevée, y compris le pont entre les deux villes : Wervicq côté flamand, Wervicq-Sud côté français. Les travaux de recalibration de la Lys ont bien avancé, comprenant l’approfondissement et l’élargissement du chenal de navigation. « Pour la Flandre, la Lys est la liaison principale de Seine-Escaut entre les ports maritimes belges et leur hinterland français », explique Franck Serpentier, ingénieur projet chez De Vlaamse Waterweg. La région flamande prévoit aussi d’améliorer la connexion de la Lys avec le port de Zeebrugge, ainsi que l’amélioration de la navigation sur le Haut-Escaut.
Du côté wallon, les travaux sont achevés depuis l’été 2022 sur la Lys mitoyenne, en particulier dans la traversée de Comines. Cette « petite » section, la première dont les travaux sont menés à bien, doit cependant attendre l’achèvement des travaux côté français et flamand pour profiter de son nouveau gabarit Vb.
Sur la partie française de la Lys, seul le dragage reste à faire. Une plateforme de stockage des sédiments a été préparée, avec un caisson étanche où ils pourront ressuyer pendant six à neuf mois avant d’être valorisés.
Les bassins français se préparent
Au Nord et au Sud du futur canal, les bassins français, Nord-Pas-de-Calais et Seine, préparent l’arrivée de la liaison. Les travaux concernent le réseau et ses ouvrages pour les adapter au grand gabarit, mais aussi sa modernisation avec l’installation de PCC (poste de conduite centralisé) par exemple à Waziers et à Valenciennes, sur le territoire géré par la DT Nord-Pas-de-Calais de VNF. La mise en service de ces deux PCC interconnectés sera faite entre 2023 et 2025. Il s’agit de centraliser la commande des écluses du réseau à grand gabarit Dunkerque-Escaut (241km, 20 sas) et de celle des ouvrages du futur canal Seine-Nord Europe (107 km, 6 sas, 1 pont-canal). Des bassins de virement, des aires d’avitaillement sont aussi prévus ou en cours de réalisation.
Au Sud du futur canal Seine-Nord, la mise à grand gabarit de l’Oise (Mageo) doit faire le lien entre le nouveau canal et la Seine à grand gabarit. Ce projet, déclaré d’utilité publique en avril 2022, est actuellement en phase d’étude. Au total, 42 km doivent être portés au gabarit Vb. Le dossier environnemental sera déposé en juin 2023 auprès des services de l’État. Les travaux doivent débuter en 2025 et s’achever quatre ans plus tard pour être au rendez-vous de Seine-Nord.
À l’autre extrémité du bassin de la Seine, la mise à grand gabarit de la Haute-Seine, entre Bray et Nogent, est aussi en phase d’étude après la déclaration d’utilité publique obtenue à l’été 2022. L’objectif est aussi d’être prêt en même temps que le canal Seine-Nord.
« Ces différents projets, note Pascal Moens, sont impactés par la crise Covid ainsi que par celle de l’énergie et le renchérissement du prix des matériaux de construction, qui atteint un doublement pour certains d’entre eux. Cela n’est pas pris en compte par les financements prévus, et nous devons parfois modifier nos projets pour en tenir compte. Mais ces crises successives sont issues de problématiques que le canal doit justement aider à résoudre ».