La France reste peu concernée par les « Nouvelles Routes de la Soie » mises en place par Pékin. La situation pourrait-elle être amenée à évoluer ? C’est la question à laquelle ont tenté de répondre les intervenants de la conférence consacrée à la place de la France dans ce dispositif, qui s’est tenue le 13 septembre à la SITL.
« Les Européens n’ont pas forcément compris que les Nouvelles Routes de la Soie ne concernent pas seulement le transport mais sont aussi du BTP et du softpower, a précisé Paul Touret, directeur de l’Institut supérieur d’économie maritime (Isemar). Au-delà de la diplomatie de la truelle, avec un réseau d’infrastructures construit par des entreprises chinoises et qui concerne avant tout les pays du Sud, il y a l’implantation de manutentionnaires chinois qui concerne l’Occident. Cosco y fait la même chose que CMA CGM, Mærsk, MSC ou d’autres armateurs : un réseau à la fois maritime et terrestre.
En Europe, l’armateur chinois n’a pas pris de positions dans les terminaux ferroviaires, comme il l’a fait au Kazakhstan. Mais il a développé une stratégie classique d’hinterland, avec des trains au départ du Pirée vers les Balkans, terre d’émergence économique favorable aux acteurs chinois. Il faut noter que les implantations portuaires chinoises ont aussi connu des échecs comme à Sines au Portugal, à Trieste en Italie ou à Rijeka en Croatie ».
Un train chinois à Valenton en juillet 2021
Dans le domaine ferroviaire aussi, la France est restée largement à l’écart des Nouvelles Routes de la Soie. Pour relier Shanghai à Paris, le transport maritime s’avère de toute façon plus pertinent.
« La Route de la Soie ferroviaire a été mise en place par la Chine pour désenclaver le centre du pays, et le relier efficacement au cœur économique de l’Europe, c’est-à-dire l’Allemagne et le Benelux. La France intéresse peu les entreprises chinoises, d’autant qu’elle n’a pas, à part à Lyon, de liaison ferroviaire avec Duisbourg où aboutissent l’essentiel des trains », explique Xavier Wanderpepen, responsable des transports ferroviaire Chine-Europe de Forwardis.
Parmi les terminaux ferroviaires français, seul Dourges était concerné par la Route de la Soie, avec deux trains par mois à destination de Jinhua, ville située à 300 km au sud-ouest de Shanghai. Ce n’est plus le cas depuis juillet 2021, Valenton ayant accueilli son premier train en provenance de Xi’an, ville du centre de la Chine.
L’aventure ferroviaire de la Nouvelle Route de la Soie a débuté avec le high-tech et concerne aujourd’hui tous les types de trafic, en particulier ce qui est urgent et n’avait précédemment d’autre alternative au maritime que l’aérien. Aujourd’hui, cela concerne 18 trains par jour, soit 300 000 conteneurs par an. Un flux limité par les goulets d’étranglement que constituent les frontières, où les conteneurs doivent changer de train en raison des différences d’écartement des rails sur les différents réseaux ferroviaires.
Des retours à vide vers la Chine
La situation pourrait cependant évoluer, et le trafic ferroviaire entre la Chine et l’Europe doubler dans les dix ans à venir, selon Xavier Wanderpepen : « La Route de la Soie ferroviaire est avant tout au service des entreprises chinoises. Pour la Chine, ces trains coûtent cher : en 2018, ils ont été subventionnés au niveau de 800 M$. Cette subvention chinoise aux trains de la route de la soie est amenée à disparaître progressivement. Elle ne concerne d’ailleurs plus que le trajet ouest-est et ne subsiste que pour faire face à la nécessité de faire revenir les trains vers la Chine. Pourtant, la majorité repart à vide. Même de Duisbourg, 40 % des trains repartent sans conteneurs ».
Decathlon a commencé à utiliser le train en 2013 pour des conteneurs isolés. Le groupe de distribution d’équipements sportifs continue à l’utiliser, en isolé comme en trains complets, à raison de 2 500 EVP par an alors qu’il importe chaque année 100 000 EVP en maritime.
« Le train représente un gain de deux semaines sur le maritime, à un coût 4 à 5 fois moindre que l’aérien, résume Martin Debosque, responsable logistique de Decathlon. Le bilan carbone depuis Chengdu (dans le centre du pays) n’est pas moins bon que le maritime, même en utilisant des locomotives diesel, puisque cela réduit les pré- et post-acheminement en camion ».
Les principales difficultés relevées par Martin Debosque concernent la traçabilité et la difficulté à trouver des conteneurs, surtout dans l’intérieur de la Chine, ainsi que l’obligation de les rendre dans les ports maritimes ou à Duisbourg.