Dérive des coûts et des délais, recours administratif de France nature environnement, entraves réglementaires liées aux baux emphytéotiques… Le projet d’extension de la plate-forme de transport combiné rail-route Clésud incarne l’inverse du « plug and play », concept marketing voué à favoriser les investissements en accélérant les démarches administratives. Le Terminal Ouest Provence accuse deux ans de retard sur le calendrier avec un investissement initial révisé de 22 à 34 M€. Une interruption des services ferroviaires à la fermeture de la gare du Canet semble plus que probable désormais.
SNCF Réseau fermera la gare ferroviaire du Canet à Marseille en novembre 2023 alors que le futur chantier combiné Terminal Ouest Provence (TOP) ouvrira ses portes au printemps 2024 sur le site de Clésud situé sur les communes de Grans et de Miramas. Quid des trains de marchandises qui relient chaque jour la Provence à Paris et Lille ? Pour l’instant, cette question demeure sans réponse. Cette situation ubuesque résulte de multiples contretemps réglementaires et juridiques sur le dossier d’aménagement et d’extension de la partie ferroviaire de Clésud (voir article de NPI).Mener de front deux dossiers d’extension n’a pas été une sinécure (voir encadré plus bas) ! Sept ans que Novatrans (groupe Charles André, GCA) attend le feu vert des autorités pour agrandir son terminal ferroviaire. Et ce sont deux ans de retard qui apparaissent au compteur pour le projet de construction du TOP qui n’ouvrira pas avant le printemps 2024.
12 millions d’euros de plus
Le calendrier glisse, le budget également, passé de 22 à 34 M€ et pas seulement pour des raisons d’augmentation de capacité du terminal porté à 400 UTI par jour. Sur les 34 M€ d’investissements, le terminal bénéficiera de 28,5 M€ d’aides publiques dont 10 M€ de l’Union européenne dans le cadre du MIE et 18,5 M€ qui se répartissent entre l’Etat, la région Sud, la métropole Aix-Marseille Provence. La hausse de 12 M€ du budget s’explique notamment par la décision d’acquisition de deux portiques ferroviaires high-tech et d’engins de manutention « décarbonés » (électriques).Pour faire avancer le projet, il a fallu que le sous-préfet d’Istres, Régis Passerieux, s’en mêle, joue les arbitres et démêle avec diplomatie un dossier qui devenait inextricable impliquant les services de la métropole d’Aix-Marseille Provence.Sur les 14 ha du TOP, la moitié du terrain appartient au privé et l’autre moitié à la collectivité. La cession d’une parcelle de terrain à Novatrans a impliqué une modification du bail emphytéotique. Jeux de pouvoirs, jeux d’influence. Toujours est-il que, selon nos sources, la collectivité a traîné les pieds sur ce dossier, les services de l’État également et le projet de création du TOP a finalement accouché aux forceps !Le projet TOP est passé à deux doigts de l’abandon. Ce n’est qu’en août 2022 que l’acte de cession du terrain a été signé et les premiers coups de pioche donnés début septembre par l’aménageur du site Charmade.« Les aspects d’instruction réglementaire sont importants sur le territoire vu le nombre de projets en logistique actuellement. Grans est une zone logistique de grands flux consommant beaucoup d’espaces. Nous sommes face à un goulet d’étranglement spatial et temporel en termes de délais d’instruction. Je fais du courtage réglementaire car il faut libérer rapidement la gare du Canet. Cela dépend de la réalisation du projet TOP sur lequel la maîtrise du foncier n’était pas acquise. J’ai dû négocier jusqu’au délai d’intervention pour la canalisation de gaz ! Il faut trouver des solutions pour éviter de bloquer des projets importants. Les problèmes sont lourds, la pression des textes légaux est telle que nous risquons d’avoir d’autres affaires Satys ou des recours déposés à la dernière minute. Je souhaite que l’Etat s’engage sur ce sujet », a expliqué le 16 septembre le sous-préfet.
Un seul entrepôt autorisé
Les projets logistiques portés par Grans Développement, société parisienne appartenant au promoteur immobilier JMG Partners, ont également pris du plomb dans l’aile avec le recours contentieux engagé par l’association France nature environnement (FNE) contre la modification du plan local d’urbanisme de Grans. Le projet d’extension de Clésud porte sur 49 ha supplémentaires de terrains agricoles voués à devenir constructibles. Dénonçant les projets de deux entrepôts logistiques de 67 000 et 80 000 m2, FNE plaide la « grande richesse écologique » des 34 ha. Finalement, la construction d’un seul entrepôt a été autorisée.Même GRDF s’en est mêlé en voulant facturer au prix fort la modification d’une conduite de gaz sur le terrain. Le renchérissement du prix des matières premières, notamment l’acier, a également plombé un peu plus le budget du chantier. Le TOP sera construit avec des voies ferroviaires recyclées.
Le terminal sera géré par BTM, filiale d’Open Modal
Autre événement incongru dans ce dossier, le rachat par Open Modal des terrains à vocation logistique et leur revente à JMG Partners car la cession des terres était conditionnée à la réalisation du chantier combiné.La gestion du terminal sera confiée à BTM, filiale (comme TAB et T3M) de la holding Open Modal, qui exploite les terminaux de Bonneuil, Valenton et Toulouse. Le terminal sera piloté par un logiciel (TOS, terminal operating system), l’entrée et la sortie du site par un GDS (grantry operating system) et le pilotage des portiques s’effectuera à distance (remote operating system). Il est prévu que TOP, aménagé sur 14 ha d’une parcelle de 900 m de long pour 70 m de large, opère, au démarrage au printemps 2024, trois trains aller-retour par jour de 850 m pour ensuite ajouter un train de 750 m de long. En projet, une liaison Clésud-Lille en direct avec aussi une desserte d’Anvers et des correspondances vers l’Allemagne, les Pays-Bas et la Pologne.
Deux projets : TOP et Clésud Terminal
En Provence-Alpes Côte d’Azur (PACA), le contrat d’avenir Etat-région 2021-2027 prévoit le financement de deux opérations rail-route à Grans : la création du Terminal Ouest Provence (TOP) et le projet d’extension du chantier de transport combiné rail-route « Clésud Terminal ».Ces deux projets ont été inscrits au programme d’opérations « Rebond » post-crise Covid 2019 du protocole d’accord Etat-région signé en octobre 2020. L’enveloppe inscrite sur ces deux projets au titre du programme « Rebond » s’élève à 12,5 M€ (6 M€ État et 6,5 M€ région). En complément, sur la période 2021-2022, l’Etat accorde une enveloppe de 1 M€ pour le financement d’installations terminales embranchées (ITE).« Le grand port maritime de Marseille continue de se moderniser et de posséder un outil ferroviaire pour créer des flux industriels et attirer des opérateurs. Le projet de concertation se tient dans la perspective de la fermeture de la gare du Canet et de la compensation de la capacité du triage. Nous travaillons avec la SNCF, le port, la ville de Marseille et les autres collectivités locales pour que cette compensation s’effectue sur « Clésud Terminal », le chantier de transport combiné rail-route. Une partie des crédits, 20 M€, est également alloué au tri gravitaire de Miramas », a souligné début septembre 2022, Christophe Mirmand, préfet de la région PACA.Le projet de protocole Etat-région en faveur du développement du fret a comme ambition « d’accélérer la dynamique du transport combiné longue distance », de « garantir la fluidité́ et la performance des accès et des infrastructures ferroviaires des ports de la région et consolider leur hinterland », de « développer les autoroutes ferroviaires, d’accompagner l’approvisionnement ferroviaire des métropoles de la région et la dynamique et des flux ferroviaires courte distance, de consolider le fret ferroviaire conventionnel ».