L’Alliance Seine-Escaut a organisé à Nesle dans la Somme le 10 janvier 2023 une rencontre de son Cercle économique pour un échange sur le thème « les conditions de succès de Seine-Escaut au débouché nord du canal Seine-Nord Europe » qui a rassemblé une soixantaine de participants. Telle est d’ailleurs la raison d’être de cette Alliance qui a succédé à l’association Seine-Nord Europe début 2021 (voir article de NPI) : créer les conditions du succès de la future liaison européenne, environ 1100 km entre les bassins de l’Escaut, du Nord de la France et de la Seine, « en sensibilisant et en mobilisant les acteurs économiques des territoires à l’appropriation de l’outil logistique que constituera ce futur système de transport », a souligné en introduction des échanges Jean-François Dalaise, secrétaire général et vice-président.
Le président du Cercle économique (voir article de NPI) de l’Alliance, Franck Grimonprez (également dirigeant/fondateur du groupe Log’s) a lui aussi insisté sur l’importance de cette appropriation de l’infrastructure par les entreprises, futures utilisatrices, et a affirmé « qu’il leur est indispensable de se préparer dès maintenant afin d’être logistiquement prêtes lors de l’ouverture de cette liaison fluviale européenne. La réussite du projet tient dans la mobilisation forte des acteurs économiques, chargeurs, industriels, opérateurs des territoires ».
Mise en service en 2030
Un avis partagé par Pierre-Yves Biet, directeur partenariats de la Société du canal Seine-Nord Europe (SCSNE), pour lequel le futur canal « induira une structuration logistique particulière pour les acteurs économiques, qui doivent dès aujourd’hui intégrer le nouvel outil dans leurs schémas logistiques ».
La SCSNE étant maître d’ouvrage du futur canal, il est revenu à ce responsable de rappeler les dernières avancées du chantier, 2022 ayant été la première année de démarrage véritable des travaux sur le secteur 1 à partir de Compiègne. « 2023 verra le début de la réalisation de l’écluse de Montmacq, et la tenue de l’enquête publique en vue de l’autorisation environnementale pour les 89 km nord du canal Seine-Nord Europe (secteurs 2 à 4), prévue en fin d’année ».
Il a aussi indiqué : « En raison de différents retards dus notamment à la crise sanitaire, l’objectif de mise en service est décalé à 2030 ».
Il a détaillé quelques chiffres pour donner une idée des proportions de Seine-Nord Europe : 3650 mètres de quais construits le long du canal, 2000 mètres pour les 4 ports intérieurs, 1450 mètres pour six quais de proximité dédiés en priorité aux opérateurs déjà présents sur le canal du Nord.
Les échanges se sont ensuite orientés vers les conditions du développement économique le long du canal, afin de ne pas seulement voir passer des bateaux depuis l’Europe du Nord en passant par le Nord de la France et la Seine, mais de créer de la valeur ajoutée, de l’activité et des emplois dans les territoires traversés. Sur ce point, il y a le rôle et l’engagement des acteurs territoriaux (région, départements, EPCI, syndicats mixtes) mais aussi de l’Etat « qui se positionne en accompagnement de toutes les parties prenantes dans une logique d’axe CSNE/Oise aval. L’appui de Norlink sera à ce titre déterminant », selon Pierre Berges, délégué général au développement de l’axe Nord.
La question du foncier et du ZAN
Comme il l’avait déjà dit lors d’une table-ronde au salon Riverdating (voir article de NPI) le 30 novembre 2022 au Havre, pour Alain Lefebvre, ancien directeur général des Ports de Lille et président de l’Association française des ports intérieurs (AFPI) : « Le succès du canal ne sera garanti que par une réflexion en amont sur les conditions du développement économique en bord à canal ». A ce titre, la question du foncier disponible s’avère essentielle.
Jean-François Dalaise a évoqué le fait que l’Etat aurait entendu et s’apprêterait à répondre favorablement aux demandes et aux besoins des acteurs économiques concernant l’exclusion des obligations de zéro artificialisation nette (ZAN) pour les grand ports maritimes français du Nord-Ouest comme pour le bord à canal Seine-Nord Europe. En réponse, Pierre Berges n’a ni démenti, ni confirmé cette possibilité, soulignant l’intérêt de dispositifs du type compteurs territoriaux pour ce qui concerne le ZAN.
Au nom de l’Alliance Seine- Escaut, Jean-François Dalaise a fait part du soutien à cette approche dès lors qu’il serait incohérent et destructeur de valeur qu’un projet soutenu et financé par l’Europe, l’Etat français et ses collectivités territoriales, ne réunissait pas sur le plan foncier toutes les conditions de son succès concernant les possibilités d’investissements et d’aménagements fonciers logistiques.
Alain Lefebvre a insisté sur le fait qu’il est essentiel d’anticiper les besoins fonciers sur la base de projections économiques à trente ans, et il convient de sanctuariser dès maintenant ces zones stratégiques, dans le respect des engagements pris avec la profession agricole.
Parmi les autres clés du succès de la liaison fluviale, l’accessibilité nord et sud a été mise en avant par Alain Lefebvre, citant notamment tous les travaux nécessaires (régénération, modernisation, adaptation du gabarit des infrastructures, dimensionnement des plateformes portuaires), ou encore l’équilibre des flux de transports. Frank Grimonprez a ajouté que les conditions d’accueil des activités économiques seront primordiales. Il s’agit de prévoir logements, écoles, services pour les personnels des opérateurs économiques et portuaires qui s’installeront près du canal.
La réussite de la future liaison et du futur canal passe par une anticipation et des prévisions dès aujourd’hui pour être prêt le jour J et à long terme, a conclu le secrétaire général de l’Alliance Seine-Escaut.
Cette association va organiser une nouvelle rencontre au printemps 2023 dont le thème sera consacré aux « conditions de succès de la liaison fluviale Seine-Escaut au débouché sud du canal Seine-Nord Europe » : Ile-de-France et axe séquanien.