Le soleil a presque brillé quelques minutes en début de matinée à Fresnes-sur-Escaut, dans le Nord de la France, avant que le gris n’envahisse de nouveau le ciel… Mais il n’y a pas eu de pluie pour l’inauguration officielle de la remise en navigation du canal Condé-Pommeroeul le 30 novembre 2023.
Inauguration à bord. La cérémonie s’est déroulée à bord d’un bateau qui est parti de Fresnes-sur-l’Escaut en direction d’Hensies, empruntant ainsi le canal de nouveau navigable sur ses 6km au départ de la France vers la Wallonie.
Crédit photo : VNF Nord-Pas-de-Calais
Au niveau de la frontière entre la France et la Wallonie peu avant l’écluse de Hensies les deux rubans aux couleurs des deux pays ont été coupés par les deux ministres, le Français Clément Beaune, chargé des Transports, et le Belge Philippe Henry, chargé du Climat, de l'Énergie, de la Mobilité et des Infrastructures de Wallonie.
Crédit photo : Clotilde Martin
Outre de constater la navigabilité du canal, le voyage en bateau sur les 6 km entre la Fance et la frontière avec la Wallonie a permis aux personnes à bord de voir les aménagements des berges.
Crédit photo : Clotilde Martin
Le bateau est entré dans l’écluse de Hensies et a attendu que l'eau le fasse monter pour débarquer les passagers.
Crédit photo : Clotilde Martin
Pendant le temps de l'éclusage, Clément Beaune a visité le poste de pilotage... ou un ministre des transports français dans un bateau fluvial.
Crédit photo : Clotilde Martin
Le site de l'écluse de Hensies a été complètement réhabilité et doté d’un poste de contrôle-commande moderne.
Crédit photo : Clotilde Martin
Vue des 6km du canal Condé-Pommeroeul côté France depuis l'écluse de Hensies.
Un chantier d’ampleur
Le canal Condé-Pommeroeul a été fermé à la navigation depuis 1992 pour cause d’engorgement sédimentaire et d’envasement d’un tronçon de 6 km compris entre l’écluse de Fresnes-sur-Escaut et celle de Hensie sur un total de 11 km reliant Condé-sur-l’Escaut (Nord) à la ville de Pommerœul (Wallonie).
Les travaux ont été lancé en 2016 avec l’objectif d’une remise en navigation mais aussi l’élargissement de la voie navigable à 34m (au lieu de 21m) pour permettre le passage des bateaux de 110 m x 11,40 m (pour une capacité d'emport de 3000 tonnes au lieu de 1350 tonnes). En tout, ce sont 1 million de mètres cubes de sédiments qui ont été extraits et 450000 m3 de terres qui ont été terrassées.
Les coûts. Le chantier, engagé en 2016, représente un coût total de 116 millions d’euros qui se répartissent en :
- 80 millions d’euros pour les travaux côté français avec des participations de l’Union européenne pour 25 millions, la région Hauts-de-France pour 21 millions, l’Etat français/AFITF/VNF pour 14 millions, le SPW pour 20 millions.
- 36 millions d’euros pour les travaux côté wallons avec des participations de l’Union européenne pour 9,8 millions et du SPW pour 26,2 millions.
Les prévisions de trafic sont de l’ordre de 6,5 millions de tonnes en 2030 une fois Seine-Nord Europe en service. En passant par Condé-Pommeroeul, les bateaux gagnent une demi-journée de navigation en évitant un détour de 30km par un autre canal (celui de Nimy/Blaton/Péronnes).
Le canal va rouvrir d’ici la fin de cette année 2023 mais il reste toutefois des travaux à mener en 2024 dont l'aménagement d’un garage d’écluse à Fresnes-sur-Escaut (aval rive droite) ou des finitions des aménagements de berges et voies douces. En 2025, devrait s’achever l’assèchement des sédiments puis en 2026-2027 les aménagements écologiques des sites de gestion des sédiments sont prévus.
Intégré dans Seine-Escaut. Ce chantier s’inscrit dans le cadre de la liaison Seine-Escaut. Le canal Condé-Pommeroeul constituant l'un des trois débouchés du corridor Seine-Escaut vers les réseaux fluviaux à grand gabarit de l'Europe du Nord, en établissant une liaison fluviale directe entre le canal à grand gabarit français et le canal du Centre à grand gabarit en Belgique (vers Charleroi, Bruxelles, Anvers au Nord-Est et la Meuse à grand gabarit à l’Est).
Les mots des intervenants
L'inauguration a bien entendu été l'occasion de prises de paroles des différentes personnalités présentes.
Pour Thierry Guimbaud, directeur général de Voies navigables de France, cet établissement étant l’un des deux maîtres d’ouvrage du chantier : « Je suis venu sur ce canal il y a environ 6 ans, pas très longtemps après avoir pris la tête de VNF. Il est aujourd’hui complètement transformé. Ce canal, c’est 11km sur le total de 1100km de la liaison Seine-Escaut. C’est un premier maillon, modeste, de ce projet de liaison européenne attendue pour changer la face du transport fluvial. Le projet Condé-Pommeroeul a été remarquable par son intégration dans l’environnement, par la coopération mise en place entre les maîtres d’ouvrage. Sans la présence constante de l’Union européenne également, rien n’aurait été possible ».
Pour Etienne Willame, directeur général du Service public de Wallonie Mobilité et Infrastructures (SPWMI), autre établissement maître d’ouvrage du chantier : « Le canal Condé-Pommeroeul a une dimension européenne et transfrontalière avec une gouvernance exemplaire et reconnue par l’Union européenne ; une dimension environnementale pour créer un réseau de voies navigables résilientes et capacitaires, une dimension humaine avec ceux qui ont travaillé à la réalisation des travaux ».
Pour Peter Balazs, représentant de la Commission européenne et coordinateur du corridor mer du Nord-Méditerranée : « Cette inauguration est un moment symbolique pour la liaison Seine-Escaut qui a connu des avancées ces derniers mois avec la fin des travaux à Tournai, les travaux de Seine-Nord en cours sur le secteur 1. Le canal Condé-Pommeroeul illustre la future liaison fluviale entre les bassins de la Seine et de l’Escaut et contribue à la réalisation des objectifs du RTE-T en dotant le réseau d’un passage transfrontalier qui fait gagner une demi-journée de navigation. Seine-Escaut, depuis 2007, a le soutien sans faille de l’Union européenne ».
Pour Philippe Henry : « La Wallonie investit et investira massivement dans la voie d’eau afin d’accentuer le report modal depuis la route et réduire ainsi les émissions de gaz à effet de serre. Le report modal vers la voie d’eau et le rail est l’objectif majeur. Le canal Condé-Pommeroeul prend sa place dans la liaison Seine-Escaut, projet co-financé par l’Union européenne, et dont les travaux se poursuivent en Wallonie pour sa mise en service en 2030 ».
Pour Clément Beaune : « Je suis très heureux et fier d’être ici, le canal Condé-Pommeroeul est un maillon clé de 11km de Seine-Escaut pour relier nos la France et la Wallonie. J’ai une histoire avec ce canal que j’étais venu voir en avril 2021 depuis un pont et je suis impressionné par la conduite des travaux que je peux constater alors que je n’étais pas optimiste il y a deux ans.
Notre objectif est de développer le transport fluvial qui est le plus écologique, qui massifie, qui consomme le moins, c’est l’exemple de ce qu’on doit faire de manière plus large pour la décarbonation des activités. Nous finançons et continuerons à financer le transport fluvial que l’on voit parfois de manière romantique ou touristique mais c’est un atout économique à l’heure de la décarbonation ».
Éric Thiébaut, bourgmestre de Hensies : « Nous avions un canal où depuis 30 ans, nous ne voyons plus passer de bateaux. Voir aujourd’hui s’ouvrir les portes de l’écluse de Hensies et voir un premier bateau est un moment de grande émotion. Nous attendons beaucoup de la réouverture du canal pour redynamiser l’activité dans la zone. Nous avons ici 28ha, d’anciens charbonnages fermés depuis 1977, où vont être implanté des panneaux photovoltaïques, c’est une métamorphose du canal et de ses abords. Aujourd’hui, nous attendons de nouveau des bateaux ! ».
Crédit photo : Clotilde Martin
Vue du canal vers la suite du parcours jusqu'à Pommeroeul depuis l'écluse d'Hensies.
Et après ? Un comité de suivi est mis en place où les échanges vont notamment porter sur la coordination et l'anticipation de l'entretien du canal à l'avenir. Les apports en sédiments vont en effet continuer dans le cadre du fonctionnement naturel de cette voie d'eau même si le passage régulier de bateaux en limite le dépôt au fond. Des dragages d'entretien seront réalisés périodiquement, selon VNF qui peut aussi compter sur l'appui du SPW.
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