Pour le chantier du village olympique, 500 000 t de déblais ont déjà été évacuées par bateau tandis qu’à l’avenir le fluvial et le fluvio-maritime seront utilisés pour le transport d’éléments préfabriqués en bois. Pendant la période des Jeux aussi, les bateaux participeront à une logistique sûre et décarbonée.
Il y a deux ans, en janvier 2020, la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) signait avec Haropa, VNF et l’État un partenariat prévoyant une « priorité donnée au transport fluvial » pour le transport des déblais et des matériaux de construction du chantier du village olympique. Cet engagement a porté ses fruits, puisque la Solideo estime aujourd’hui que les évacuations fluviales ont concerné 70 % des déblais de terrassement du village olympique. Au total, avec l’enfouissement des lignes haute tension de Saint-Denis à La Briche (maîtrise d’ouvrage RTET) et la piscine olympique de Saint-Denis (maîtrise d’ouvrage Grand Paris), ce sont 500 000 t de déblais qui ont été évacués par voie fluviale en deux ans dans cette zone.« Ces volumes de déblais sont moindres que ceux issus des tunneliers du Grand Paris Express, mais la fluvialisation de leur transport est plus importante. La Solideo est sensible à la question du bilan carbone, qu’elle souhaite diviser par deux par rapport aux Jeux de Londres, la référence en la matière. Ce partenariat signé il y a deux ans est donc un succès », souligne François Houix, chef de projet Jeux de Paris 2024 à VNF.
Evacuer au plus près des chantiers
Sensible au bilan carbone, la Solideo a aussi voulu réduire le flux de camion pour limiter la congestion, le bruit et la pollution de l’air dans une zone très peuplée, car le village olympique est aussi une opération de réhabilitation de quartiers entiers au cœur d’une zone urbaine dense. L’évacuation en fluvial s’est faite au plus près des chantiers. Les déblais ont été chargés directement sur bateau pour Saint-Ouen et Saint-Denis, où des postes d’amarrage ont été installés en Seine. À l’Île-Saint-Denis, une bande transporteuse a été installée pour éviter les pré-acheminements. Tout cela a considérablement réduit le flux de camion, alors qu’une partie des déblais a été orientée vers les plateformes de tri et de valorisation de Gennevilliers, à quelques kilomètres seulement des chantiers, ce qui aurait pu favoriser le mode routier. Les déblais directement enfouissables ont quant à eux rejoint par bateau les carrières de la basse Seine pour remblaiement.Les chantiers du village olympique entrent dans les mois qui viennent dans une phase charnière. Les derniers terrassements vont se poursuivre jusqu’en mars. À partir de la fin du premier semestre 2022, le transport fluvial ne sera plus utilisé pour évacuer les déblais, mais pour approvisionner les chantiers en matériaux de construction.Pour le béton, pas de solution fluviale : le manque de foncier sur place et la concomitance avec d’autres chantiers proches (pont, pylônes haute tension) n’ont pas permis d’installer sur place une centrale à béton qui aurait été approvisionnée en granulats par bateau. Des camions toupies seront utilisés pour acheminer depuis Gennevilliers le matériau de la centrale Bétons Solutions Mobiles. Mais la particularité du village des athlètes, c’est l’utilisation massive du bois dans sa construction, en lien avec le souhait de Solideo de réduire le bilan carbone du chantier. Un nouveau défi pour le fluvial, plus habitué à transporter les granulats nécessaires à la fabrication du béton que des structures en bois. Des schémas logistiques novateurs ont donc dû être imaginés, afin d’éviter des convois routiers pour réaliser ces transports.Depuis Saint-Brieuc, où sont construits certains modules en bois, c’est par navires fluvio-maritimes que ces éléments parviendront jusqu’à l’Île-Saint-Denis. Ces bateaux, généralement d’une capacité de 1 000 à 3 000 t, ne sont aujourd’hui plus beaucoup utilisés sur la Seine où un petit trafic subsiste cependant à Limay. Le transport envisagé depuis Saint-Brieuc présente une particularité : à l’île Saint-Denis, c’est la grue de chantier qui sera utilisée pour le déchargement du navire.« Le fluvial apporte de la fiabilité, car les délais sont serrés jusqu’aux Jeux olympiques : aucun retard n’est permis. Pour favoriser le recours à ce mode, VNF a cofinancé, dans le cadre du Plan d’aide au report modal, des études techniques réalisées en 2021 sur différents scénarios de transport incluant le recours au fluvio-maritime. Le chargement sur bateau d’éléments préfabriqués en bois est intéressant car il s’agit d’un transport innovant sur une filière émergente. En fluvio-maritime, 15 à 20 voyages auront lieu depuis Saint-Brieuc en 2023. Nous cherchons actuellement du fret retour, peut-être depuis Gennevilliers ou Limay à destination de la Seine aval ou de la Bretagne », précise François Houix.Le transport fluvial sera aussi utilisé pour acheminer jusqu’au chantier des JO des façades à ossatures bois, dont le flux devra pour cela être massifié en Seine amont, par exemple sur les ports de Monterau-Fault-Yonne ou Évry. Cela éviterait de traverser toute la région parisienne avec d’encombrants convois routiers. Là aussi, des études logistiques sont en cours.« On observe une multiplication des projets de construction bois en Île-de-France et nous avons recensé, avec la filière bois, les opérateurs qui sont proches de la voie d’eau. L’idée est d’anticiper, comme cela a été fait par les opérateurs fluviaux avec Fleximalle et Cuiller, afin que le fluvial s’adapter à cette filière émergente. Le transport fluvial est aussi envisagé pour les produits de second œuvre : portes, fenêtres, etc. C’est important car cela fait la transition avec l’équipement des sites olympiques une fois le chantier achevé », indique François Houix.
Pendant les Jeux aussi
Une fois les sites livrés par Solideo, il reviendra en effet à Paris 2024, qui a en charge l’organisation des JO, de les équiper. Une logistique devra être mise en place pour les gradins, les barrières de sécurité, la nourriture, les boissons, les déchets… TLF, SNCF Réseau et VNF ont travaillé afin de présenter à l’opérateur logistique des JO, qui sera choisi par Paris 2024 à l’été 2022, une offre multimodale de service. Haropa et VNF ont aussi mis en avant auprès des équipes de Paris 2024 la capacité du fluvial en matière de logistique urbaine, ainsi que la sûreté et la sécurité apportées par ce mode, alors que la période des Jeux s’annonce critique sur ces questions.Grâce au dragage du bras secondaire de l’île Saint-Denis, qui sera effectué à partir de l’été 2022, la navigation pourra s’y reporter pendant les JO au cours desquels le bras principal sera fermé. Les garages à bateau installés à Gennevilliers et Clichy, utilisés pendant le chantier, serviront alors de poste d’attente pour l’alternat. Des arrêts de navigation sont tout de même prévus en Seine. Ce sera le cas le jour de la cérémonie d’ouverture de JO, ainsi qu’une demi-journée précédemment pour que l’armada qui traversera Paris puisse procéder à une répétition. Pour les épreuves de nage se tenant en Seine, l’arrêt de navigation n’excédera pas quelques heures par jour. À partir de septembre viendra le temps du démontage des sites olympiques qui pourrait aussi avoir recours au transport fluvial.