Le séminaire de formation IdealCo/VNF du 17 juin 2021 avait pour thème « les infrastructures de tourisme fluvial » et a permis une présentation de la dimension touristique du canal Seine-Nord Europe aussi bien lors du chantier qu’une fois la nouvelle infrastructure en service.
« La première fonctionnalité du canal Seine-Nord Europe est d’abord liée au transport de marchandises mais comme toute infrastructure fluviale, c’est un projet d’aménagement du territoire et les activités touristiques vont en bénéficier. Il sera une réussite grâce à l’implication des collectivités territoriales qui sont desservies par ce projet. Le tourisme pourra tirer son épingle du jeu », a indiqué Pierre-Yves Biet, directeur partenariats territoires Europe de la Société du canal Seine-Nord Europe (SCSNE) lors du séminaire.
Une voie d’eau de 107 km
Seine-Nord Europe est un nouveau canal de 107 km qui va être construit entre Compiègne et Aubencheul-au-Bac pour relier à grand gabarit les bassins de la Seine et du Nord-Pas-de-Calais qui, lui, est connecté au réseau fluvial nord-européen. « Seine-Nord Europe vise à constituer un grand corridor économique et écologique du transport fluvial depuis Le Havre jusqu’à Dunkerque et à la Belgique », a rappelé Pierre-Yves Biet (voir encadré).
Sur ces premiers kilomètres en partant de Compiègne, le canal s’inscrit dans la vallée de l’Oise puis devient « un canal de jonction » qui relie deux bassins fluviaux au moyen des écluses qui permettent de franchir le relief des territoires traversés. Il passe par les plaines de Picardie, l’Artois et atteint le Cambrésis au niveau d’Aubencheul-au-Bac.
Le canal est une voie d’eau qui fait jusqu’à 60 mètres de large avec des ouvrages de franchissement routiers et ferroviaires « classiques » mais aussi d’autres assez rares comme des ponts-canaux, des écluses (au nombre de 6) dont certaines de haute chute, c’est-à-dire de plus de 20 mètres.
« Aux côtés de ces infrastructures, le canal est un milieu environnemental vivant, un enjeu majeur du projet. Ce sont des berges lagunées pour développer la biodiversité, des passages pour la faune. Au total, ce sont 700 hectares d’aménagements environnementaux qui sont réalisés. Par rapport aux loisirs, c’est l’aménagement des berges pour le tourisme fluvestre », a souligné le directeur partenariats territoires Europe de la SCSNE.
Des ouvrages emblématiques visitables
« Par ses caractéristiques propres, par son itinéraire, par les territoires qu’il relie, le canal est un levier de développement du tourisme au sein des territoires », a continué ce responsable.
Le nouveau canal peut d’abord permettre de développer le tourisme fluvestre avec la présence d’ouvrages spectaculaires avec trois des six écluses visitables et intéressantes à découvrir avec leur hauteur de chute. Des locaux d’accueil avec un belvédère sont prévus pour les visiteurs et leur permettre de voir le canal et le franchissement des écluses en 20 minutes. « C’est un travail à mener avec les collectivités territoriales. La SCSNE, maître d’ouvrage, et VNF, gestionnaire, apportent et apporteront les éléments techniques mais toute l’animation autour de ce produit touristique des écluses visitables est à mettre en réseau, à développer par les acteurs du territoire ».
Un autre ouvrage emblématique de la nouvelle infrastructure fluviale est le pont-canal de la Somme à peu près au milieu de l’itinéraire. Il permet de franchir la Somme en passant au-dessus à environ 24 m de hauteur. Toute proportion gardée, c’est un pont-canal comme, par exemple celui de Briare au-dessus de la Loire.
Le pont-canal de la Somme est large de 32 m et long de 1330 m, s’inscrit dans une vallée très sensible sur le plan environnemental, les étangs de la Somme. « Tous ces éléments sont pris en compte dans un travail avec les collectivités pour insérer ce pont-canal dans les circuits touristiques de nature et de mémoire car il se trouve aussi à proximité des champs de bataille de la première guerre mondiale. Il s’agit de faire en sorte que cet ouvrage assez symbolique du génie humain s’insère dans le paysage, soit apprécié et visité des touristes et des riverains ».
Le tourisme fluvestre comprend aussi le cheminement le long des canaux pour les piétons et les cyclistes et la connexion avec d’autres itinéraires présents dans les territoires. Cela concerne donc aussi le canal Seine-Nord Europe : le chemin de service qui servira à VNF pourra être aménagé en ce sens.
« Dans la conception de certains ouvrages du canal, nous prévoyons, par exemple, des ponts plus larges pour le passage des vélos et piétons en toute sécurité en étant séparé de la chaussée ».
Croisières fluviales plaisance privée
Le canal Seine-Nord Europe peut aussi être une opportunité pour le tourisme fluvial et ses filières de croisière avec hébergement avec les grands paquebots de 135 m de long et 11,40 m de large mais aussi les péniches-hôtel, la plaisance privée. Il faut noter que comme pour d’autres grandes voies de navigation fluviale, la location de bateaux sans permis ne sera pas autorisée.
« Le canal est un itinéraire entre la Normandie, l’Ile-de-France, le Nord de la France et la Belgique et permet de nouvelles opportunités d’offres de croisière fluviale avec l’idée de fixer des escales sur le canal. Il permet aussi de faire passer les bateaux de cette activité d’un bassin à l’autre, c’est un élément de facilitation pour les compagnies en fonction de leurs priorités et des demandes du marché ».
Des aménagements sont prévus pour le tourisme fluvial, d’abord au niveau des ouvrages. Pour les bateaux de plaisance privée, les écluses de haute-chute sont conçues pour avoir le moindre de remous dans le sas avec une alimentation par le radier. Des bollards flottants et des postes d’attentes aux écluses sont prévus pour ces bateaux.
D’autres aménagements pour des arrêts plus longs vont être installés dans la Somme. Il y a, par exemple, le port d’Allaines, à proximité du pont-canal de la Somme, pour l’accueil des paquebots de croisière fluviale avec deux appontements mais aussi des bateaux Freycinet et de plaisance privée de moins de 15 mètres. Il y a une halte fluviale prévue, toujours dans la Somme, qui offrira des services similaires mais en moins imposants. Pour d’autres haltes, escales et leurs aménagements, par exemple du côté de Compiègne, la balle est dans le camp des collectivités territoriales.
Parmi les réflexions en cours avec ces dernières, des maisons du canal sont envisagées.
Un pôle d’attractivité touristique supplémentaire dans les offres existantes
L’ambition est de faire du canal un pôle d’attractivité touristique supplémentaire dans les offres existantes autour du patrimoine (cathédrales..), de la mémoire (champs de bataille..) de l’histoire, de l’art, etc.
« Pour organiser et faciliter le travail de réflexion avec les collectivités, un outil existe qui a été mis en place par l’Etat et la région Hauts-de-France, c’est la démarche Grand Chantier qui vise à anticiper la construction puis l’activité du canal ».
Au-delà du chantier, pour le développement du tourisme autour du canal une fois qu’il sera en service, pour prévoir un certain nombre d’aménagements nécessaires de part et d’autre du canal, des contrats territoriaux de développement sont à disposition.
Il faut bien prendre en compte que la SCSNE est d’abord le maître d’ouvrage du canal, il appartient aux collectivités territoriales de se mobiliser pour les besoins et les projets supplémentaires en lien avec la nouvelle infrastructure.
Des visites pendant le chantier
Pendant la phase des travaux, le canal peut être un pôle touristique dans la mesure du possible en respectant les impératifs du chantier, du planning, et de la sécurité des personnes.
Sur ce point, Pierre-Yves Biet a précisé : « La valorisation touristique du chantier est envisagé, de manière raisonnable dans le contexte d’une réalisation de génie civil. Nous travaillons avec les acteurs du tourisme, au niveau départemental et local pour concevoir des produits pour des visites expliquant ce qui est en train de se faire. Cela est d’abord destiné aux habitants des territoires, c’est un enjeu majeur d’acceptabilité du chantier qui va durer plusieurs années, mais peut aussi attirer des touristes. Ce n’est pas la société du canal qui va porter ces produits mais nous participons à leur construction avec les ADTR et les offices du tourisme locaux ».
Les enjeux généraux de Seine-Nord Europe
« Seine-Nord Europe vise à relier et à constituer un grand corridor économique et écologique du transport fluvial depuis Le Havre jusqu’à Dunkerque et à la Belgique », a rappelé Pierre-Yves Biet. Il s’insère dans la liaison fluviale européenne Seine-Escaut.
Le premier enjeu avec Seine-Nord Europe est de développer le transport fluvial avec des bateaux pouvant emporter jusqu’à 4 400 tonnes. « Massifier les flux, c’est abaisser les coûts de transport et par rapport à la compétition que se livrent les entreprises, il est intéressant de les doter dans nos territoires d’un outil efficace pour leur compétitivité et l’attractivité des régions desservies ».
Pour lui, « partout en Europe où le transport fluvial est dynamique avec des voies à grand gabarit bien équipées, il structure le développement des territoires pour le développement de nouvelles activités industrielles, logistiques, et touristiques qui peuvent émerger à cette occasion ».
« Un autre enjeu est de permettre aux ports maritimes de mieux structurer leur hinterland pour être plus efficace et faire de la logistique à la fois écologique et économique », a ajouté Pierre-Yves Biet.