Le rappel des faits. Dans la vallée de la Maurienne, en Savoie, à proximité de la commune de Saint-André, plus de 10 000 m3 de roches se sont détachés d’une falaise le 27 août 2023 et sont venus percutés la protection installée le long de la RD 1006. Un épais panache de fumée a recouvert cette départementale ainsi que la voie ferrée et l’autoroute A43 en contrebas. Il n’y a eu heureusement aucune victime.
Le secteur était « particulièrement surveillé », selon la préfecture, alors que d’autres éboulements avaient eu lieu les semaines précédentes ailleurs dans le massif et les conditions climatiques d’épisodes caniculaires et de fortes pluies ayant entraîné une vigilance renforcée.
Les conséquences sur les trafics routier et ferroviaire sont importantes avec une interruption de la circulation des véhicules sur les voies routières et des trains de voyageurs et de marchandises sur la voie ferrée. La fermeture du tunnel du Fréjus, la saturation du tunnel du Mont Blanc, l’option par l’autoroute A8 (voir l’article chez nos confrères de France Routes) font qu’un « report modal inversé » des trains de fret sur la route apparaît compliquée.
L’interruption de la circulation ferroviaire entre la France et l’Italie concerne depuis le 27 août 2023 la ligne Chambéry-Turin, entre Saint-Jean de Maurienne et Modane :
- Elle a d’abord été annoncée « a minima jusqu’au 30 août ».
- Puis la perspective d’une reprise de la circulation ferroviaire s’est éloignée, SNCF indiquant « une durée indéterminée, certainement plusieurs semaines » lors d’un point presse le 29 août 2023 avec plusieurs représentants des services de l’Etat.
Le témoignage d’un opérateur ferroviaire
« C’est désastreux commercialement, du jour au lendemain, c’est une interruption nette et brutale de circulation du trafic ferroviaire sur l’itinéraire et de tous les services. Pour nous, ce sont 10 trains par semaine qui ne peuvent plus emprunter cette ligne entre la France et l’Italie. C’est critique, les impacts économiques sont élevés, plusieurs dizaines de milliers d’euros de perte de chiffre d’affaires, tant que les trains ne circulent pas jour après jour », témoigne Anthony Cherubini, directeur général de T3M, une société du groupe Open Modal. Ce responsable souligne également « la difficulté à avoir des informations pour comprendre et se projeter ».
Selon l’Association française du rail (AFRA), qui rassemble les opérateurs ferroviaires alternatifs à la SNCF, ce sont 45 trains par semaine qui sont concernés par l’interruption de la circulation ferroviaire sur la ligne.
Une cellule de crise a été mise en place par les services de l’Etat qui se mobilisent et doivent faire face à une situation sur le terrain qui n’est pas stabilisée : environ 3000 m3 supplémentaires seraient susceptibles de se décrocher, selon de premiers diagnostics. Ce risque rend impossible tout déblaiement pour le moment et aucun délai n’est avancé pour cette opération qui prendra du temps et ne constitue qu’une première étape une fois que la conviction sur la stabilisation de la falaise aura été établie.
Une solution ferroviaire par la Suisse
« On espère que le tunnel ferroviaire n’a pas été fragilisé, c’est un risque supplémentaire », souligne Anthony Cherubini. Sachant que SNCF Réseau n’a pas encore pu y accéder.
« Nous sommes en train de chercher une solution par un itinéraire alternatif, continue le directeur général. L’option par Vintimille présentant trop de contraintes, nous privilégions une déviation par la Suisse et Bâle ». Si tout avance au mieux, il faut compter entre 8 et 10 jours pour relancer le service.
En 2018, une coulée de boue sur la voie ferrée avait occasionné une interruption de la circulation des trains pendant 4 à 5 semaines, rappelle le directeur général qui ajoute : « Nous avions alors mis en place une solution par la Suisse, cette expérience nous permet aujourd’hui de réagir plus rapidement ».
Le ministre des Transports français, Clément Beaune, devait s’entretenir en fin de journée le 30 août avec son homologue italien Mattéo Salvini qui a déjà pointé du doigt le retard pris côté français par le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin qui aurait l'avantage d'être une option alternaive. Il rejoint l’opinion exprimée par des élus de la communauté de communes de la vallée de Chamonix-Mont-Blanc qui plaident pour une accélération de ce projet.
Pour le directeur général de T3M, « il est difficile de dire » si ce projet aurait été une solution. Aucune infrastructure n’est en effet à l’abri d’aléa, d’accident ou de catastrophe comme un éboulement ou un déraillement.
Dans l’après-midi du 31 août, il est aussi prévu la venue de Clément Beaune sur le lieu de l’éboulement, l’occasion de présider un point de situation avec les opérateurs et les services de l’Etat à la préfecture de Savoie à Chambéry et de s’entretenir avec les élus locaux à Saint-Jean de Maurienne.