L’observatoire régional des transports Bourgogne-Franche Comté a organisé un colloque le 18 octobre 2018 à Chalon-sur-Saône pour présenter la situation des transports et de la logistique dans cette région qui fait partie de l’axe Rhône-Saône-Méditerranée.
Marjorie Jouen, déléguée adjointe à la délégation interministérielle sur cet axe, a donné des détails sur la mission réalisée et dont le rapport a été remis au Premier ministre. La mission de la délégation interministérielle a été de « mettre à plat la chaîne logistique dans tous ses maillons, du chargeur à l’armateur en passant par les plates-formes, les entrepôts et les infrastructures avec trois angles d’approche : économique, territorial et gouvernance ». L’une des réalisations de la mission encore en cours a été une cartographie des principales zones et plates-formes logistiques de l’axe et une amélioration de la connaissance des données logistiques. Une autre a porté sur l’identification des lacunes en infrastructures (route, rail, fluvial, maritime) et une mise en cohérence des programmes d’investissement des organismes publics. Le travail de la mission a permis de découvrir que « l’emploi logistique dessine l’axe qui est un couloir où la densité des emplois logistiques est supérieure à celle de la population ». Sur cet axe, 50% des trafics ont pour destination Marseille et l’autre moitié le Nord de l’Europe (Anvers). 40% des échanges sur le Rhône et la Saône se font entre les ports intérieurs de l’axe, 60% se font vers Sète et Marseille. Les suites données par le gouvernement au rapport de la mission de la délégation interministérielle de l’axe Rhône-Saône-Méditerranée seront précisées lors d’un Cimer qui devrait avoir lieu en novembre 2018, a précisé Marjorie Jouen.
Karine Colas, chargée d’études en logistique et en transports exceptionnels au Cerema infrastructures de transports et matériaux, a présenté une analyse du système logistique sur l’axe Rhône-Saône-Méditerranée : « L’activité industrielle est souvent installée à proximité de la voie d’eau mais les flux l’empruntent peu ». Et pourtant la région Bourgogne-Franche Comté est plutôt bien pourvue en infrastructures de transport. Les flux de marchandises sont caractérisés par beaucoup d’échanges internes à la région ainsi qu’avec le Grand Est et Auvergne-Rhône-Alpes. Près de 50% des flux internationaux ont pour destination la Belgique, l’Allemagne, la Suisse.
Capacité à massifier pour le fluvial et le ferroviaire
La première table ronde a eu pour thème « quels sont les atouts de l’intermodalité ? ». Pour le co-président de la FNTR Bourgogne-Franche Comté, Bernard Ienn : « Pour le report modal et l’intermodalité, la balle est dans le camps de nos clients, les chargeurs. Je tiens à rappeler concernant le report modal vers le ferroviaire la suppression du wagon isolé ». En réponse, le directeur délégué à l’action territoriale de SNCF Logistics, Vincent Pichoud, a rappelé l’existence de l’offre multi-lots/multi-clients de Fret SNCF à côté des trains complets. Il y a aussi une dizaine d’opérateurs de transport ferroviaire et combiné qui proposent des solutions sur-mesure aux chargeurs. Pour Vincent Pichoud : « Nous savons répondre aux demandes qui peuvent être diversifiées des chargeurs. Il y a des investissements dans le ferroviaire, notamment dans les réseaux ferrés des ports, par exemple, à Marseille. Des embranchements sont rouverts. La qualité de l’infrastructure ferroviaire est déterminante pour la qualité du service ». Pour le mode ferroviaire, la qualité du service, la fiabilité et la régularité entrent en ligne de compte. Dans les ports intérieurs, par exemple à Chalon-sur-Saône, des trains composés de wagons de différents chargeurs peuvent être réalisés.
Rachid Bioud, chargé de développement transport de VNF, a souligné la capacité à massifier du transport fluvial qu’il partage avec le ferroviaire. « Avec le transport fluvial, l’intermodalité est toujours là avec les pré et post-acheminements et les ruptures de charge. L’objectif est de les réduire le plus que possible. Les ports ont un rôle à jouer en devenant des points nodaux ». Le débouché fluvial naturel de l’axe est Marseille. Sur le petit gabarit qui peut accueillir des unités de 250t, le transport de colis exceptionnels constitue une piste de développement pour le transport fluvial. La logistique urbaine en est une autre tout comme la filière BTP avec les évacuations de déblais. « Pour favoriser de telles évolutions, il faut des intégrateurs de transport pour faire que les modes travaillent davantage ensemble ».
Les flux allers et retours doivent être équilibrés
Lors de la deuxième table ronde, les échanges ont porté sur « quel potentiel pour les transporteurs, quels projets ? ». Dominique Denormandie, président du groupement national des transports combinés (GNTC) a indiqué que 100 trains de transport combiné circulaient chaque jour sur le réseau français, ce qui représente 30% en tkm du trafic ferroviaire. Parmi les décisions positives du gouvernement : le gel de l’augmentation du prix des sillons et 26M€ consacrés à l’aide à la pince pour les 5 ans à venir. Il ne faut pas oublier qu’en matière de transport combiné, le transporteur est le prescripteur.
VIIA est une filiale de SNCF Logistics, dédiée à la gestion de l’autoroute ferroviaire alpine (AFA) entre Aiton et Orbassano, celle entre Bettembourg et Le Boulou, celle entre le port de Calais et Le Boulou. Daniel Lebreton, directeur commercial de VIIA, a rappelé qu’une autoroute ferroviaire facilite l’accès au ferroviaire du TRM. C’est un mode de transport non-accompagné qui crée de la valeur quand il y a un arrêt (entreposage, manutention, etc.). A partir de novembre 2018, l’autoroute ferroviaire entre le port de Calais et Le Boulou va d’ailleurs opérer un arrêt au port de Mâcon en lien avec les Transports Alainé.
Aujourd’hui, 300 transporteurs de 15 pays différents utilisent les autoroutes ferroviaires de VIIA, cela représente 130000 unités transportées (semi-remorques), 3300 trains réalisés. En 2019, l’objectif est de 5000 trains. « Pour la réussite du transport ferroviaire, il faut des flux équilibrés dans une logique de corridor avec les terminaux maritimes », a expliqué Daniel Lebreton. Une position partagée par Dominique Denormandie : « La question du flux retour est fondamentale, il faut des flux équilibrés à l’aller et au retour ». La problématique est identique pour le transport fluvial, a complété Marie-Odile Guillaumet, directrice méthode et logistique d’Aproport, gestionnaire des ports de Chalon-sur-Saône et Mâcon : « Sur la Saône et le Rhône, nous avons des difficultés à équilibrer les allers/retours des bateaux, compte tenu de la disparition du tissu industriel. Nos plates-formes portuaires sont des lieux de transit où se réalise la rupture de charge, souvent mal vue car elle n’est pas obligatoire à la différence du chargement/déchargement incontournable d’un navire dans un port maritime ».
En réponse à une question venue de l’assistance sur comment peuvent être pris en compte le respect de l’environnement et les objectifs de réduction de la pollution, Dominique Denormandie a déclaré : « En effet, il y a des enjeux forts de santé public. Il est important de progresser sur l’évaluation des coûts externes. Toutefois, il faut aussi tenir compte que les flux sont comme ils sont. Les prix doivent être pertinents pour les chargeurs. Il est certain que la pénurie de chauffeurs routiers, le renchérissement des prix des carburants vont conduire à des changements majeurs, notamment une réduction des distances à parcourir ».
Le colloque s’est achevé par une visite du port de Chalon-sur-Saône, l’une des deux plates-formes multimodales gérées par Aproport. L’autre étant le port de Mâcon. L’occasion de découvrir les activités présentes sur les 55ha : un train en cours de composition avec des wagons de différents chargeurs, des bateaux en cours de chargement/déchargement (vrac sec), des conteneurs stockés sur la plate-forme, des entrepôts, les allées et venues des poids lourds.
Parmi les projets qui vont se réaliser à Chalon-sur-Saône : l’installation d’une cimenterie dont la mise en service est prévue en 2019 avec des trafics allers/retours de sables et granulats depuis Sète. L’allongement de la voie ferrée à 100m est prévu afin de permettre la réalisation de train de 750m au lieu de 400m actuellement. Une nouvelle zone de stockage devrait aussi voir le jour.