Des bateaux fluviaux de commerce au service des canaux bretons

Article réservé aux abonnés

Les équipages des associations Ambo  et  Les Navigantes  ont mené le bateau Pacifique sur le canal de Nantes à Brest, pour un diagnostic et « refaire la trace ». en mai 2023.

Crédit photo L'Ambo

A l’initiative de la région Bretagne et de l’association l’Ambo, le bateau Pacifique vient de parcourir un aller et retour de 180 km sur le canal de Nantes à Brest. Récit d’un réemploi potentiel des péniches bretonnes en quête de nouveaux marchés.

Rien ne vaut le passage d’un bateau enfoncé pour entretenir les canaux et rien de mieux que de naviguer pour constater leur état. C’est ce qu’a compris la région Bretagne, propriétaire et gestionnaire de tout le réseau fluvial sur son territoire, en répondant favorablement à la demande d’associations et de bateliers de refaire naviguer, pour la bonne cause, leurs anciens gabarits bretons.

Du 29 avril au 6 mai 2023, le Pacifique, propriété de la ville de Redon, géré par l’association des Amis de la Batellerie de l’Ouest (Ambo) a relié cette commune à l’écluse Le Guer, sur la partie morbihanaise du canal de Nantes à Brest.

L’objectif était double :

  • Etablir un diagnostic de l’ouvrage canal en situation de navigation,
  • Refaire la trace avant la période estivale.

A l’issue du voyage, un état des lieux des tirants d’air et d’eau, de la signalétique, des ouvrages d’art ou encore des obstacles à la navigation a pu être rendu à la région Bretagne, commanditaire de l’opération.

Quel est le contexte ?

Cette coopération a une histoire :

  • Depuis la fin du transport fluvial de commerce au début des années 1980, le réseau fluvial breton subit les dommages des plantes invasives et de l’envasement.
  • Depuis la pandémie du Covid 19 en 2020, la navigation de plaisance est en plein essor en Bretagne, avec des taux de fréquentations inédits.
  • Parallèlement, les associations de sauvegarde de péniches au gabarit breton (26,7 mètres par 4,5 mètres) souhaitent renouveler les usages des canaux et remettre en service les bateaux.
  • Une prise de conscience qui a gagné les collectivités qui ont su conserver ce patrimoine en rachetant des bateaux.

En 2017, un premier état des lieux de la partie finistérienne du canal de Nantes à Brest a été proposé au conseil régional par lassociation Les Navigantes. Ce canal est coupé en deux au niveau du barrage de Guerlédan, commune de Saint-Aignan.

En 2022, côté Morbihan, un essai de fret de bois sur le Pacifique initié par l’ancien marinier Claude Rabet, très impliqué au sein de l’Ambo, a suscité l’intérêt de la région

A partir de ces expériences, David Moy, directeur des canaux de Bretagne, a mis en contact les associations de sauvegarde du patrimoine batelier pour favoriser une coopération et étendre l’opération à tout le réseau breton. Des conventions ont été établies avec les associations : Les Navigantes, l’ Ambo, mais aussi Au fil de l’eau, gérant d'une péniche hollandaise, le Korriganez qui navigue sur le Blavet un fleuve côtier.

Quels sont les enjeux ?

« Pour refaire la trace, faire passer une péniche enfoncée revient beaucoup moins cher que des entreprises de dragage. Nous devons assurer un tirant d’eau de 1,40 m. Les péniches sont lestées avec de l’eau à 1,10 m », explique David Moy.

Pour la nouvelle présidente de lAmbo, Mau Gilloury, ce projet est une opportunité pour les bateaux et pour ce canal qu'elle voit comme « intimiste et très beau. Le voyage a permis de rouvrir l’écluse de la Maclais en amont de l’Ile aux Pies, un site naturel classé d’intérêt patrimonial. La plaisance représente un potentiel économique considérable ».

Ainsi, ce printemps, mené par trois capitaines, Yannick Daniel et Etienne Poupinet des Navigantes, venus en soutien de Claude Rabet, le Pacifique a mis 7 jours pour assurer sa mission.

Quels sont les résultats ?

Dans leur rapport, si chaque embâcle ou point d’envasement sont mentionnés, les trois capitaines s’accordent à dire que cette portion du canal de Nantes à Brest est en bon état. Sur les 90 km parcourus, il a été identifié :

  • Présence de plantes aquatiques sur certains secteurs.
  • Une épaisseur de vase et de plantes aquatiques (Limur) a freiné la navigation sur une longue distance.
  • Au niveau des 4 écluses Cadoret, Rohan, Saint Samson et Le Guer, les buttes de sédiments ont immobilisé le bateau qui a réussi à faire la trace.

Quelles sont les mesures à prendre ?

Le rapport mentionne partout une carence d’entretien de la ripisylve avec :

  • Arbres dans l’eau : générateurs d’embâcles.
  • Arbres inclinés : menace à terme de chute dans l’eau et d’arrachage de la berge.

Des préconisations de coupes sélectives sont suggérées :

  • Entretiens légers pour résoudre les problèmes d’entraves à la visibilité, de lecture de la signalétique, de sortie de ponts, de sécurité de croisements.
  • Entretiens lourds pour pérenniser la forêt de berge et mettre en valeur certains secteurs.

Cet entretien de la végétation représente un réel enjeu de sécurité.

Quelles sont les ambitions pour la suite ?

Les bateliers ne cachent pas vouloir développer le transport fluvial fret et ne pas servir la seule cause de la plaisance au travers de ce diagnostic.

« Aujourd’hui, nous avons démontré l’intérêt de faire naviguer les bateaux lourds pour assurer l’entretien des canaux. Mais il reste encore à trouver un modèle économique pour rentabiliser les équipages et les bateaux », souligne Etienne Poupinet, récemment pilote diplômé et navigant aussi sur d’autres canaux avec d’autres associations engagées dans le développement du fret fluvial (Fleuves de lien et Vivre le Canal).

Avec Les Navigantes, il mène des missions de débardage de bois avec la Rosily, propriété d’Yprema (recyclage de matériaux de construction) sur la partie finistérienne.

Pour la région en tant que maitre d’ouvrage, David Moy réfléchit à renforcer le marché avec les domaines boisés privés. Pour lui, l’élargissement du fret est devenu un sujet de réflexion : « Nous aimerions mettre en relation chargeurs et transporteurs ».

Les deux associations Ambo et Les Navigantes profitent de ces voyages pour prospecter de nouveaux pilotes dans la région. Gageant sur la reconversion des canaux, elles s'accordent à dire : « En Bretagne aussi, le fret fluvial serait une des solutions à la transition écologique. Si on subventionne les bateaux, ils feront le travail d’entretien tout en chargeant des marchandises pour in fine charger les cales ».

Infrastructures

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15