Le conseil d’orientation des infrastructures (COI) a remis son rapport « bilan et perspectives des investissements » pour les infrastructures de transport le 16 mars 2022 au ministre chargé des Transports. Il y a eu une progression des investissements entre 2019 et 2022. Mais les besoins pour les 10 ans prochains sont estimés à 200 milliards d’euros, ce qui rend nécessaire une programmation.
Conformément à la demande du ministre chargé des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, le conseil d’orientation des infrastructures (COI) a remis en ce mois de mars 2022 le rapport qui lui avait été commandé en août 2021 sur « le bilan et les perspectives des investissements pour les infrastructures de transport et les mobilités ».En plus d’un travail mené par les services du ministère des Transports et des « maîtres d’ouvrage », les membres du COI ont participé à 17 réunions territoriales organisées par les présidents de conseil régionaux et les préfets de région. Ces échanges ont permis de faire le point des réalisations et des attentes des acteurs locaux « sans jugement et sans a priori ». Ont aussi été auditionnés Marc Papinutti et Luc Lallemand, respectivement les dirigeants de la DGITM et de SNCF Réseau.« Les 5 ans passés montrent une progression très significative des investissements, dans la logique de la loi d’orientation des mobilités. Avec le plan de relance, les crédits de l’AFITF sont passés de 2,2 milliards d’euros à 3,2 milliards d’euros en 5 ans. Avec, évidemment, une préoccupation sur ces crédits de relance qui sont temporaires et ne signifient donc pas une pérennisation de la trajectoire d’investissement, d’où une incertitude pour les années suivantes », a précisé le ministère des transports lors d’un briefing presse téléphonique.
Pas encore d’inversion de tendance pour le réseau fluvial
L’entretien, le renouvellement, la modernisation des infrastructures a toujours été et reste une priorité du COI et, de ce point de vue-là, « des éléments positifs sur les voies navigables et la route » sont mis en avant au cours des dernières années. Toutefois, pour la situation sur le réseau fluvial, le rapport indique : « La montée en puissance des crédits dédiés à l’entretien et à la régénération a été amorcée et a permis d’en ralentir le vieillissement sans encore inverser la tendance ».Le COI retient « les engagements forts dans le contrat d’objectifs et de performance signé entre l’Etat et Voies navigables de France qui prévoit un doublement du fret fluvial » d’ici 10 ans ainsi que « des projets d’infrastructures qui deviennent matures comme Bray-Nogent ou Mageo, pas seulement le canal Seine-Nord. Il y a aussi une modernisation de la flotte fluviale qui est engagée et encouragée, les bateaux ayant des motorisations de très mauvaise qualité du point de vue environnemental ».Pour le COI, la massification par le fret fluvial doit être coordonnée avec les ports et, à cet égard, il note la pertinence de la stratégie nationale portuaire. Celle-ci vise également « un nouveau modèle économique des grands ports maritimes intégrant la réduction des importations d’hydrocarbure », selon le rapport.Concernant le rail, alors que le quinquennat s’achève, « les difficultés demeurent sur le réseau ferroviaire, notamment au regard des objectifs européens ». Le rapport indique : « Pour le réseau ferroviaire, les crédits de renouvellement sont restés très en deçà du niveau requis pour enrayer significativement sa dégradation malgré leur augmentation spectaculaire engagée il y a quinze ans. La France a accumulé un grand retard dans la modernisation du réseau structurant ».Pour le rail, le COI note, toutefois, les engagements pris par l’Etat et les collectivités sur « la desserte fine des territoires » y compris pour le fret, parlant même ici de « rupture avec les stratégies antérieures ». Il relève aussi « une émergence très puissante des aides à la décarbonation des mobilités ».
« Un mur d’investissement » de 200 milliards d’euros
Les échanges menés par le COI montrent des besoins très élevés en matière d’investissements dans les infrastructures de transport pour les 10 ans à venir. « L’hypothèse, si on veut tout faire dans les 10 ans qui viennent, atteint 200 milliards d’euros d’investissements avec des conséquences sur les crédits de l’Etat et de toutes les autres parties prenantes ». Avec un tel montant, le rapport parle « d’un véritable mur d’investissement, qui préfigure un mur de fonctionnement ».Les auteurs du rapport ajoutent : « Il va bien nous falloir trouver collectivement les moyens de surmonter les défis pour répondre aux multiples enjeux qui nous attendent. Restaurer un patrimoine vieillissant, tenter de rejoindre la moyenne européenne en essayant de ne pas avoir 30 ans de retard pour les systèmes d’exploitation ferroviaire (…), assurer la conversion des motorisations des véhicules et l’équipement de leurs avitaillements, redonner leur place au fer et la voie d’eau pour le transport de marchandises et trouver un modèle économique de nos ports en relais des hydrocarbures ». Autrement dit, « il y a un enjeu d’ajustement des programmations avec les ressources financières ». Pour cela, il est prévu l’élaboration par le COI de trois scénarios de programmation, « étape qui interviendra en début de la prochaine mandature ».Le COI propose de « conduire une revue multicritère des programmes. Il chiffrera trois scénarios. Dès que le prochain gouvernement aura explicité ses objectifs (priorités et cadrage financier), le COI lui proposera ainsi trois trajectoires d’investissement public, crédibles et priorisées sur les vingt prochaines années, avec un accent particulier sur les deux premiers quinquennats ».
Un scénario « socle » de programmation pour l’avenir
De premiers éléments sont précisés dans le rapport pour les priorités d’investissement du premier scénario dit « socle ».Ce scénario « socle » prévoit notamment « la poursuite des efforts d’amélioration du patrimoine routier, fluvial, portuaire et ferroviaire qui n’ont pas encore atteint le niveau souhaitable » ainsi que « l’amélioration de l’offre de fret massifiée (ferroviaire et fluviale en cohérence avec les développements portuaires) en concordance avec les besoins des entreprises ». Ce scénario n’oubliera pas non plus « les infrastructures de fourniture d’énergie plus verte, tout en veillant à la pertinence de chaque technologie selon les besoins ». Sont citées, entre autres, les installations de recharge électrique, celles pour la production et la distribution d’hydrogène « vert » ou encore celles nécessaires dans les ports maritimes et fluviaux pour « la distribution d’énergies alternatives sur les quais ».La programmation des investissements va aussi s’inscrire dans le contexte des ambitions de neutralité carbone des transports et du défi climatique, définies au niveau français et européen.Selon le rapport : « Les exigences d’aller vers la neutralité carbone des mobilités se sont renforcées au cours des années écoulées. Cela représente un fort enjeu industriel avec des conséquences sensibles sur les priorités d’investissement. Les travaux récents confirment qu’atteindre la neutralité carbone demande de combiner technologie et sobriété. En matière d’infrastructures de réseaux, cela impose le développement de la distribution des nouvelles énergies et de s’assurer de la cohérence des planifications énergie et mobilité (…). La neutralité carbone nécessite aussi d’actionner deux leviers complémentaires de sobriété qui impliquent report modal et développement des transports collectifs et massification du fret ».