Avec des résultats en deçà de 2019 au compteur de la direction territoriale (DT) Strasbourg de VNF, le trafic fluvial subit encore les effets de la pandémie survenue en 2020. Un contexte inédit qui a aussi permis à l’établissement d’accélérer les travaux de modernisation, de mettre en place de nouvelles stratégies de gouvernance et de saisir les nouvelles tendances.
« Partis d’une année 2020 très contrastée avec le ralentissement de l’économie globale et une campagne céréalière difficile, en 2021, nous n’avons pas rattrapé un niveau de trafic normal », dit le directeur du développement de la direction territoriale Strasbourg de VNF, Jean-Laurent Kistler qui présente un bilan tiède mais riche en projets.À Gambsheim, unique point de comptage sur le périmètre de la DT, en 2021, un volume de 17,4 millions de tonnes a été enregistré pour une progression de +2 %, non loin derrière les taux de reprises nationales (+3 %). Un sursaut pour la plupart des filières où viennent en tête les denrées alimentaires et le fourrage, puis les matériaux de construction, minerais et déchets métallurgiques. Les produits pétroliers restent la plus grosse part du fret. Seuls les produits agricoles marquent un repli de -3 %.Si le fret sur petit gabarit a légèrement reculé, c’est pour des raisons techniques de travaux. Hors ceux-ci, les transports pendulaires et réguliers sont restés stables avec les matériaux de construction de la société Béton Fehr, de Eschau à Hochfelden (canal du Rhône au Rhin) avec deux bateaux en trajets quotidiens ; des matériaux de recyclage de la société Léonhart avec un bateau par jour de Kehl à Brumath (canal de la Marne au Rhin) et des terres de remblai de Strasbourg à Hochfelden (30 000 t/an) pour la société Sappe. Reprise d’activité aussi pour les ports français du Rhin, avec une hausse de +12 % comparativement 2020 et de +10 % vs 2019.Ce bilan global est à corréler à celui de l’hydraulicité. D’importants épisodes de crue ont interrompu la navigation en juillet 2021 et les basses eaux en automne ont réduit les capacités d’emport des bateaux. En revanche, les mois de janvier, d’août et de septembre ont permis un très bon rattrapage avec, pour ces périodes, 33% du fret réalisé dans l’année.
Une politique de partenariats
En 2021, les politiques de partenariats de la subdivision initiées depuis quelques années ont abouti : « Avec le contexte des ZFE (zone à faible émission), la fluvialisation des chantiers urbains se développe en partenariat avec les collectivités. À Mulhouse, avec le chantier de déconstruction de la dalle de la gare, 9000 tonnes ont transité sur des barges.À Strasbourg, la construction du quartier Archipel 2 inclut la voie d’eau pour le transit des matériaux. Un partenariat s’est engagé entre VNF et l’Euro Métropole, propriétaire des quais. Idem sur le port où une SPL (société publique locale) va mener des essais de fluvialisation de chantiers. En termes d’aménagement urbain, le fluvial représente une solution pour les approvisionnements. Sur une zone très courte, cela remplace une noria de camions », commente Jean-Laurent Kistler, au sujet de projets qu’il qualifie de complexes du fait de ces partenariats multiples.Toujours pour la métropole strasbourgeoise, les activités de logistique urbaine de la société ULS démarrées à la veille des confinements de 2020 ont pu se déployer. « ULS représente aujourd'hui 400 relations bateaux chargés avec, pour l’aller, de la messagerie, des denrées (farine, boissons), des matériaux de constructions en big bag, et, pour les retours, des déchets d’emballage. La multiplication des hubs permettra de massifier les marchandises du port jusqu’au centre-ville. Avec les nouvelles contraintes réglementaires, la logistique urbaine commence à se déployer ». Toujours à Strasbourg, avec quelques transports en 2021, le développement du colis lourd se poursuit.Concernant les politiques des partenariats, les nouvelles gouvernances pour les trois ports de Mulhouse et pour celui de Colmar-Neuf-Brisach sont opérationnelles. Les deux SMO (syndicat mixte ouvert) créés pour chaque territoire ont été confiés à deux Semop (société d’économie mixte à opération unique) aujourd’hui aux manettes. Cette stratégie d’ouverture aux investisseurs est le fruit d’un partenariat multiple entre VNF, les chambres du commerce, la région, et les intercommunalités.« Des concédants multiples permettent d’associer des compétences complémentaires, du foncier jusqu’à l’aménagement tout en multipliant les moyens. De plus, une gestion privée par un spécialiste de la logistique est une opportunité pour la maîtrise des transbordements portuaires et la recherche de fret » précise Jean-Laurent Kistler. Sur ce dernier point, pour le port rhénan de Colmar-Neuf-Brisach, CFNR transport SAS, filiale française du groupe Rhenus, a été retenue en tant qu’opérateur économique majoritaire de la Semop.Concernant les travaux de modernisation menés sur le réseau, le plan de relance du gouvernement a permis à la DT Strasbourg d’augmenter son budget d’investissement et d’accélérer certains travaux. Les projets de modernisation des ouvrages se poursuivent sur les écluses et la gestion hydraulique, avec l’installation de la fibre optique, un socle de départ pour l’automatisation.
Tourisme : une nouvelle clientèle captée
Pour le bilan touristique sur les voies d’eau d’Alsace, en période de pandémie, de nombreux Français, ont fait le choix du fluvial, qui était, pour eux, une découverte. En mai 2021, la navigation touristique a redémarré tardivement ce qui ne lui a pas permis d’atteindre une fréquentation normale. Avec 10 500 passages, les locations des bateaux ont dépassé les chiffres de 2020 (9 000 bateaux) tout en restant loin des 13 000 passages de 2019. En revanche, l’activité de croisières fluviales s’affiche en positif avec 1 350 passages aux écluses en 2021, loin des 500 passages de 2020.Pour Strasbourg, les passagers se sont présentés plus nombreux qu’en 2020 dans les bateaux de Batorama (272 000 contre 166 000 passagers en 2020) sans toutefois atteindre l’affluence de 2019 avec ses 785 000 passagers. Au bilan, VNF enregistre un tourisme davantage prisé par les Strasbourgeois pour Batorama et le déploiement des « petits » bateaux électriques pour des promenades fluvestres indépendantes : « Le tourisme fluvial est aujourd’hui considéré autrement. Il devient un espace de liberté sans contrainte et au grand air », conclut Jean-Laurent Kistler.A l’heure de la rédaction de cet article, les carnets de commandes sont pleins pour 2022 mais la guerre en Ukraine inquiète fortement tous les croisiéristes.
Dynamiser le canal du Rhône au Rhin
L’économie touristique est l’enjeu de nouveaux engagements entre VNF et la région Grand Est pour accompagner et inciter les collectivités à investir dans le tourisme fluvial. Quatre itinéraires sont concernés, dont un dans le périmètre de la DT Strasbourg, sur le canal du Rhône au Rhin, branche Sud. Sur la base d’un financement partagé à hauteur de 50% pour la région, 30% pour les collectivités et 20% pour VNF, ce partenariat s’appuiera sur des contrats de territoires.« Cette implication des collectivités est attendue. Les études ont montré que sur cet axe, le tourisme est stagnant, nous n’avons pas de base de location de bateaux, seuls les bateaux privés naviguent. Nous espérons des projets pour développer l’offre touristique à l’échelle des territoires. Il y a un grand potentiel. Nous bénéficions par exemple de la voie Eurovélo avec 60000 cyclotouristes par an et trop peu d’hébergements. La région financera aussi directement les porteurs de projets pour développer une mise en tourisme », précise Jean-Laurent Kistler. Les projets de territoires ou « contrats de canal » pourront être mis en place avec une gouvernance partagée pour dynamiser le potentiel des canaux concernés. Cette démarche devra s’inscrire dans une transition vers une économie « plus verte et durable, dans un souci de préservation de l’emploi et de solidarité entre les territoires ». Une politique qui interroge certains transporteurs concernant l’avenir du fret commercial sur ces petits canaux avec l’inquiétude d’une fermeture à cette activité au profit du seul tourisme.