« En 2022, Haropa Port a montré une bonne résistance dans un contexte inédit d’accumulation de crises exogènes. Grâce aux orientations stratégiques, les résultats encourageants font de l’établissement un port au service des territoires, un atout pour le rayonnement économique et la souveraineté de l’axe mais aussi au niveau national », a déclaré Daniel Havis, président du conseil de surveillance de Haropa Port au début de la conférence des résultats organisée le 16 janvier 2023 à Paris. « Nous avons devant nous de grands événements dont les Jeux Olympiques et Paralympiques en 2024. A l’avenir, il s’agit de mieux utiliser l’axe Seine faire monter en puissance le transport fluvial sur l’axe Seine, c’est du bon sens de le développer », a poursuivi ce responsable qui a aussi mis en en avant la congestion des routes et le manque de performance et de compétitivité du ferroviaire.
85,1 millions de tonnes de trafic maritime, +2 %
« Nous avons fait mieux que résister », a ajouté Stéphane Raison, président du directoire, qui a présenté son équipe partiellement renouvelée avec Florian Meyer au Havre, Dominique Ritz à Rouen. Après un an et sept mois de vie partagée entre les trois ports du Havre, de Rouen et de Paris, composant le premier ensemble fluvio-maritime créé en France, 2022 constitue le premier exercice avec changement d’échelle en année pleine.
Le trafic maritime de l’établissement unique Haropa Port s’élève à 85,1 millions de tonnes (Mt) au 31 décembre 2022, en progression de +1,9 % par rapport à 2021.
Avec 21 Mt, le trafic fluvial dévisse de -6 %, pénalisé par la filière de poids qu’est le BTP (11,1 Mt, -9 %) alors que la dynamique des céréales (+30 %) n’est pas parvenue à compenser avec son tonnage de près de 3 Mt. Néanmoins, les conteneurs manutentionnés au Paris Terminal SA (207 645 conteneurs, 120 000 EVP), ont augmenté de +25 %, tirés par de nouveaux services fluviaux lancés par Greenmodal/Hapag Lloyd en septembre 2022 et par Fluviofeeder/Marfret en novembre.
Les vracs liquides ont atteint 40,10 millions de tonnes (+5 %) dont près de 19 Mt de pétrole brut (+23,1 %) et près de 15,5 Mt pour les produits raffinés (-10,6 %).
En haute mer, il n’était pas du tout évident que le premier port français pour le conteneur réitère son exploit (à l’échelle hexagonale) de l’an dernier, à 3,092 MEVP. Il fait très légèrement mieux, passant au-dessus de la barre symbolique avec 3,102 MEVP en unités équivalent vingt pieds (+0,3 %) et 28,44 Mt en tonnage, en diminution de -4,6 %, résultant d'une baisse des transbordements et de la hausse des conteneurs vides à repositionner.
Tout comme Dunkerque, le Havre fait néanmoins mieux que les grands voisins nord-européens où le conteneur a été, pour les deux derniers exercices, sanctionné par les reports d’escales et la congestion des terminaux.
Les vracs solides affichent 14,26 Mt (+3,5 %). L’établissement portuaire tire du profit de la campagne céréalière qui a offert à Rouen, premier port céréalier européen, un trafic de 8,6 Mt. « Le conflit en Ukraine a entraîné une demande accrue et issue de pays rarement desservis ces dernières années, notamment sur le second semestre, où 5 Mt ont été chargées, un record pour cette période de l’année », a commenté Stéphane Raison.
En revanche, après avoir bien profité des grands chantiers sur l’axe Seine, quand ils étaient dans des phases requérant beaucoup de matériaux, l’ensemble portuaire accuse une chute des agrégats de -4 % (2,3 Mt).
Pénalisé par les problématiques des constructeurs automobiles qui ont dû suspendre la production faute de semi-conducteurs notamment, le roulier a perdu 11 points de pourcentage avec 265 000 véhicules.
Revenant de loin suite à la pandémie, la croisière a retrouvé un peu de couleurs avec 171 escales et 301 000 passagers sans pour autant retrouver son niveau de 2019. En 2023, 220 escales et plus de 450 000 passagers sont attendus.
Report modal en légère amélioration
Le report modal s’est légèrement amélioré, passant de 12 à 13,3 % pour les conteneurs en sortie du Havre à fin octobre (le fer est passé de 4 à 4,6 % et le fleuve de 7,9 à 8,7 %). Soit 33 000 EVP transportés de plus qu’en 2021. Pour Stéphane Raison : « Ce n’est pas encore satisfaisant. La vocation qui nous a été assignée en tant que corridor logistique multimodal nous oblige à accélérer. Nous avons des événements et des projets qui doivent contribuer à la montée en puissance du fluvial sur l’axe Seine ».
L’autorité portuaire a attribué le 6 janvier 2023 le terminal de Bruyères-sur-Oise à Medlog, la filiale logistique du groupe MSC, pour compléter l’investissement de 700 M€ de TiL/MSC sur Port 2000 (voir article de NPI). « C’est un élément nouveau pour développer le transbordement au Havre mais il n’y a pas que cela. Ce hub va nous apporter des volumes complémentaires en hinterland car on aura des lignes supplémentaires. On a une partie du trafic français qui passe aujourd’hui par les terminaux de MSC à Anvers mais qui devrait revenir au Havre », a expliqué Stéphane Raison.
« Nous avons reçu trois projets de qualité et multimodaux, a précisé Antoine Berbain, directeur de Haropa Port de Paris. La spécificité du projet porté par Medlog était d’être trimodal avec la volonté de développer du ferroviaire et du fluvial. Nous apportons pour notre part un terminal ferroviaire qui avait été développé en 2021 sur 9 ha dans le cadre du plan de relance et bénéficié de fonds européens ». L’infrastructure, dédiée à la desserte en conteneurs de la zone du Grand Paris et des bassins de consommation proches, devrait économiser 1 million de trajets routiers sur une période de 10 ans. « L’idée est de récupérer de la marchandise import/export à différents points du corridor entre le Havre et Paris », selon Stéphane Raison.
Logistique urbaine fluviale
Concernant la chatière, l’enquête publique vient de se clôturer, ce qui indiquerait la fin du cheminement administratif et la publication d’un arrêté préfectoral « dans les semaines qui viennent. Ce n’est pas rien pour construire le corridor fluvial sur l’axe », selon Stéphane Raison. La mise en service de cette liaison fluviale directe, qui fait la jonction entre les terminaux de Port 2000 et le port historique du Havre, devrait être effective en 2024/2025.
La direction portuaire croit aussi à la duplication de nouvelles initiatives des chargeurs telle celle d’Ikea (voir article de NPI) pour la distribution urbaine, qui livre depuis décembre 2022 ses clients parisiens par le fleuve et par véhicules électriques « évitant ainsi 300 000 km par an à ses camions entre son dépôt de Gennevilliers et Paris. C’est un marqueur important de ce que l’on peut faire en logistique ». La précédente initiative remonte à une décennie, il s’agissait de Franprix.
Autre « signe d’évolution » en faveur de la navigation intérieure : la vingtaine de dossiers retenus dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) destiné à développer une logistique urbaine fluviale et « décarbonée » (voir article de NPI), initiative portée par Haropa Port avec les métropoles du Havre, Rouen et de Paris, ainsi que VNF.
Toujours en matière de logistique urbaine, la société Sogaris a été retenue pour un hôtel logistique à Austerlitz (anciens « magasins généraux »), avec un investissement de 30 millions d’euros. Sur un total de 6000 m2, 1500 m2 seront dédiés à la logistique « avec utilisation du fleuve » puis des véhicules électriques ou autres. Les autres mètres carrés seront dédiés notamment à des activités ouvertes sur le quartier.
« Décarbonation » des activités
« Ce sont autant de préfigurations de la transformation industrielle et de la « décarbonation » de la chaîne logistique », reprend Stéphane Raison. Alors que 9 Mt de CO2 ont été émis sur l’axe Seine, dont 7,5 Mt captables, il s’agit de « décarboner » au plus vite les grands industriels. « Si on n’arrive pas à traiter le carbone de nos industries, on les perdra, et les trafics qui y sont associés ».
Dans le grand projet stratégique à horizon 2025, les transitions écologique et énergétique ont représenté 16 % des investissements en 2022 et seront portées à 19 % en 2023. L’année 2022 a été marquée par l’avancée de plusieurs dossiers.
Haropa Port et ses trois zones industrialo-portuaires ont répondu de manière conjointe à l’appel à projet lancé par l’Ademe pour développer des zones industrialo-portuaires bas carbone (ZIBaC).
L’appel à projets pour le déploiement d’un réseau de stations multi-énergies (biogaz, GNV, borne de recharge électrique) sur cinq plateformes multimodales à Gennevilliers, Bonneuil-sur-Marne, Limay, Bruyères-sur-Oise et Montereau est parvenu à son terme avec la désignation des lauréats. Deux d’entre elles ont été attribuées à Engie (Gennevilliers et Limay), les trois autres à un autre groupe. « Il s’agit de faire émerger un réseau de distribution d’énergies vertes pour la mobilité lourde, visant à la fois les camions, les barges et les navires, a indiqué Antoine Berbain en ajoutant : « Gennevilliers a une spécificité avec un avitaillement en d’hydrogène, produit par électrolyse de l’eau ».
Haropa Port attend beaucoup du nouveau cluster industriel « Plastic Valley », implanté sur la zone industrialo-portuaire de Port-Jérôme. L’écosystème dédié au recyclage et à la production de plastiques renouvelables de nouvelle génération est en cours de structuration autour notamment des projets de Eastman (investissement de 1 milliard d’euros) et de Futerro. « Il va y avoir un lien entre ces industries et notre système portuaire car ce sont des flux qui vont passer par le fluvial ».
Au total en 2022, ce sont 555 M€ d’investissements publics et privés qui ont été fléchés vers la construction de cet écosystème industriel « décarboné », dont 250 M€ par le port tandis que le privé a mis sur la table de 300 M€.