« 2022 a été dans la continuité de 2021, indique Emmanuelle Verger, présidente du conseil de surveillance de Dunkerque Port, en introduction de la conférence annuelle des résultats organisée le 10 janvier 2023. Les chiffres sont très bons pour les conteneurs, ce qui confirme l’importance du projet d’extension Cap 2020. Il y a une envolée du trafic GNL. Les vracs solides, le Transmanche sont en retrait ».
Un total de 49 millions de tonnes, +1,5 % par rapport à 2021
Le trafic de Dunkerque atteint 49 millions de tonnes en 2022, en progression de +1,5 % comparativement à 2021. Ce total se répartit en 19 millions de tonnes pour les marchandises diverses (-5 %) qui sont depuis quelques années déjà la filière prépondérante pour ce port, 16 millions de tonnes (-18 %) pour les vracs solides, 14 millions de tonnes (+60 %) pour les vracs liquides.
Cette dernière catégorie s’envole grâce au gaz naturel liquéfié (9,7Mt, +133 %) dans le contexte de la guerre en Ukraine et des sanctions contre le gaz russe. Le terminal méthanier a accueilli 142 navires au terminal méthanier en 2022 (au lieu de 62 en 2021), « c’est un record absolu, nous sommes au maximum de la capacité », commente Daniel Deschodt, directeur général adjoint et directeur commercial de Dunkerque Port. Les hydrocarbures sont eux en retrait (3,4 Mt, -8 %).
Les minerais sont en repli (8,5 Mt, -23 %) « suite à des pertes de transbordements pour Brême au quai du port ouest » (QPO), tout comme le charbon (2,9Mt, -14 %) à la peine lui aussi à cause de l’arrêt de l’exploitation du QPO par Seabulk. Les céréales affichent eux aussi une baisse (2,2 Mt, -4 %) mais Daniel Deschodt relève la différence entre un premier semestre négatif (-47 %) en lien avec la deuxième partie de la campagne 2021-2022 et un deuxième positif (+38 %) « ce qui montre un très bon début de campagne 2022-2023 ». Les autres vracs solides sont eux aussi décroissance (2,6Mt, -11 %). Il en va de même pour le roulier (11,9Mt, -13 %) « avec un recul prononcé au deuxième semestre », souligne le directeur général adjoint. 468000 unités fret ont été enregistrées (-18 %). Avec 312000 unités tourisme (+293 %) et un peu moins de 1,4 millions de passagers (+86 %), « cette activité reprend mais il manque 1 million de passagers par rapport aux nombres enregistrés avant la pandémie ».
Un record pour les conteneurs et suite du projet Cap 2020
Le conventionnel « se porte bien » en 2022 avec 1,3 million de tonnes (+38 %), avec des produits sidérurgiques finis ou semi-finis.
Mais c’est surtout le conteneur qui porte le résultat positif de Dunkerque Port en 2022 avec 745000 EVP (+14 %) dont 456000 EVP pleins. Cette filière poursuit ainsi son essor continu entamé depuis 2012 (et ses 250000 EVP). « C’est un record pour les conteneurs chargés et déchargés, précise Daniel Deschodt. Le premier comme le deuxième semestre apparaissent en progression, ce qui n’a pas été le cas dans d’autres ports du Range nord européen. Dunkerque est le premier port français de transbordement en valeur relative, principalement vers la péninsule ibérique et la Grande-Bretagne. Nous enregistrons aussi la plus croissance la plus forte du Range nord-européen pour la deuxième année consécutive ».
Dans ce contexte d’essor des conteneurs à Dunkerque Port, la réalisation d’une nouvelle extension du terminal des Flandres est arrivée à point nommée. « Menée en un temps record », selon Maurice Georges, président du directoire, « lancée à l’été 2021, elle a été finalisée en novembre 2022 » et les 14ha de terres-pleins supplémentaires commencent déjà à bien se remplir.
La performance du conteneur sur une décennie renforce la pertinence du projet Cap 2020 de doublement de la capacité de traitement du terminal à conteneurs qui prévoit 1000 m de nouveau linéaire de quai en eau profonde (voir article de NPI).
« Nous sommes aujourd’hui en phase d’études. En 2023, nous allons porter ce projet plus que jamais. Nous devons boucler le dossier d’autorisation environnementale et celui du financement. Le montant de l’investissement est de 400 millions et Dunkerque ne peut le porter seul. Nous sommes confiants pour obtenir un soutien public à hauteur de 30 % de l’Etat, de la région, de l’Union européenne », a détaillé Maurice Georges qui a évoqué, avec précaution, la fin 2024 ou le début 2025 pour un démarrage des travaux du projet Cap 2020. Il a ajouté : « Nous ferons d’abord les infrastructures environnantes avant de creuser le bassin lui-même ». D’ailleurs, en 2023, des travaux de dessertes routières dans la zone ouest peuvent être considérés comme un chantier préparatoire en vue de Cap 2020 même s’ils vont d’abord mieux desservir une zone logistique/industrielle et plusieurs communes à proximité.
Du côté du multimodal
Les conteneurs « multimodaux » affichent une hausse en gagnant trois points (de 8 % à 11 %) entre 2021 et 2022. Les autres chiffres hors conteneurs pour les trafics multimodaux ne sont pas encore consolidés en ce début janvier, un peu de patience encore.
En 2022, la part fluviale est de 7 % (au lieu de 6 % en 2021) et celle du ferroviaire de 4 % (au lieu de 2 % en 2021). Cette répartition entre les deux modes massifiés montre que la croissance est plus particulièrement liée aux investissements réalisés sur le ferroviaire pour une nouvelle capacité de 4 voies ferrées (au lieu de 2 auparavant) pouvant accueillir des trains de 850 mètres depuis avril 2022 (10,7 millions d’euros).
Un AMI a été lancé en 2022 pour avancer sur des solutions d’autoroute ferroviaire avec l’objectif d’avoir 2 à 3 trains par semaine d’ici 3 à 4 ans sur un site identifié, qui peut utiliser un faisceau ferroviaire opérationnel, et dont l’emplacement répond aux besoins exprimés par les industriels et opérateurs logistiques. Il s’agirait de mettre en place des liaisons longue distance vers l’Est/Nord-Est de la France et de l’Europe.
Autour de la « décarbonation »
Autre réalisation en 2022, l’extension du terminal céréalier avec la livraison en août de la nouvelle plate-forme pour Nord Céréales. Les travaux se poursuivent pour parvenir à une multiplication par deux des capacités import/export de ce terminal (construction en cours de silos de stockage d’une capacité de 40000 tonnes par Nord Céréales) dont la mise en service est prévue en fin 2023.
Parmi les autres faits marquants de l’année passée, Maurice Georges a rappelé les annonces d’Arcelor Mittal autour de la « décarbonation » de ses activités en construisant une unité de réduction directe (DRI) à Dunkerque pour transformer le minerai de fer avec de l’hydrogène (à terme) ce qui permet de cesser d’utiliser du charbon. Cette unité DRI sera complétée par deux fours électriques. La mise en service est prévue en 2027. Pour Dunkerque Port, ce projet peut entraîner la création d’activités nouvelles (production d’électricité « verte », réalisation de « réseaux d’énergies d’avenir » autour du CO2 (captage, stockage, liquéfaction…), autour de la chaleur fatale… Sur ce dernier aspect, le lauréat d’un AMI devrait être désigné au premier trimestre 2023 pour la réalisation d’un nouveau réseau de chaleur fatale inter-industrie, avec une mise en service en 2025.
En matière de « décarbonation », Dunkerque fait partie des acteurs territoriaux participant à l’appel à projets ZIBaC (pour zones industrielles bas carbone) avec l’objectif d’une réduction de 50 % des émissions industrielles d’ici 2030 et de parvenir à la neutralité carbone en 2050.
Autre annonce en 2022 en matière de transition énergétique : la décision d’implantation de Verkor et de son usine (« gigafactory ») de batteries électriques bas carbone, avec une production qui devrait démarrer à la mi-2025 (voir article de NPI).
Un autre dossier prioritaire de Dunkerque Port est l’avenir et la transformation de la zone QPO (où Seabulk a stoppé son exploitation en 2021 en raison des incertitudes sur les filières des pondéreux, charbon, minerais…). En décembre 2022, un contrat de transition d’une durée d’un an renouvelable a été conclu pour relancer une activité de traitement de vracs secs au QPO. Mais la volonté de la direction du port est d’aller vers une solution à plus long terme non seulement pour la partie quai (en eau profonde) mais aussi pour les 100 ha de foncier disponible à proximité. Un AMI va être lancé en 2023 pour susciter des candidatures pour le développement d’activités « à haute valeur environnementales et liées à la décarbonation ». Maurice Georges a insisté : « Nous ne voulons pas que cette zone renoue avec des activités polluantes comme celles qu’elle a connu par le passé ».
Plus généralement, en matière de foncier, le président du directoire a affirmé que le port de Dunkerque disposait de réserve suffisante. Sur un total d’environ 3000 ha, environ 1000 ha sont dédiés à des mesures en faveur de la biodiversité, 1000 autres hectares sont prévus pour des projets de développement à 10 ans (notamment dans le cadre des objectifs « zéro artificialisation nette »), il restera ensuite encore 1000 ha disponibles.
Logistique urbaine
Autre projet dans l’air du temps qui avance avec une concrétisation annoncée pour 2024 : un centre de logistique urbaine, situé vers le môle 2 au port Est, dans une zone urbaine entre le port et la ville de Dunkerque. Porté par Idec Groupe, lauréat de l’AMI, le projet de centre (nommé « le passeur ») a été décrit comme un bâtiment multifonctionnel, multi-services, avec un accès direct au quai pour accueillir des navires et bateaux, pour de la distribution urbaine de proximité. Le rez-de-chaussée sera dédié à la logistique, le premier étage à des activités tertiaires, le deuxième étage à un restaurant.