Le port de commerce de Sète, propriété de la Région Occitanie, enregistre un trafic de 5,3 millions de tonnes en 2022 (au lieu de 4,8 Mt en 2021) indique, le 12 janvier 2023 lors de la cérémonie de vœux à la communauté portuaire, son directeur général, Olivier Carmès. Le nombre d’escales maritimes (1050) enregistre « un record », avec une hausse de +6 % par rapport à 2021 mais les escales fluviales (100) sont, elles, en baisse. Le chiffre d’affaires s’élève à 18,8 millions d’euros, en essor de +11 % par rapport à 2021.
Le clinker, un symbole d’intermodalité
Parmi les secteurs en progression, le clinker, dont l’importation depuis la Turquie a démarré en juin 2019. Le trafic opéré par Cem’In’Log est ainsi passé de 190 000 tonnes en 2021 à 280 000 tonnes en 2022, avec un objectif final de 370 000 tonnes. Ce trafic est un symbole d’intermodalité : livraison de vrac en conteneurs par voie ferroviaire à l’usine de broyage de clinker de Tonneins, dans le Lot-et-Garonne (4 trains par semaine) et approvisionnement par voie fluviale (canal de Rhône à Sète puis Rhône) de l’unité de broyage de clinker à Portes-lès-Valence (Drôme).
Après avoir failli fermer il y a 3 ans, l’usine Saipol (importation de graines, trituration et export de tourteaux, huiles et biocarburants, groupe Avril) repart de l’avant. Elle confirme son implantation à long terme à Sète, avec une première phase d’investissement de 28 millions d’euros et des projets de développement à partir de 2024-2025. Ce site pèse à lui seul 20 % du trafic du port, soit 1 million de tonnes par an, et emploie 110 salariés.
L’activité bétail, avec 115 000 bêtes exportées, au lieu de 75 000 en 2021 apparaît elle aussi en augmentation.
Le trafic roulier, en provenance de Turquie avec l’armateur DFDS, poursuit sa croissance : 4 escales par semaine depuis mars 2022, et une cinquième depuis octobre. 110 000 unités remorques-conteneurs ont été recensées en 2022, après 65 000 en 2020 et 83 000 en 2021. « Une sixième escale est annoncée pour le deuxième trimestre 2023, glisse Olivier Carmès. Cet ajout est lié avec le développement du fret ferroviaire et la livraison, fin 2021, de la nouvelle plateforme ferroviaire portée par le port, la région Occitanie et l’opérateur VIIA, pour un investissement total de 15 millions d’euros. Cette nouvelle plateforme a doublé la capacité en termes de stockage ». Autre point fort de cet équipement : la possibilité de charger en horizontal l’ensemble de la flotte de remorques, avec la technique Modalohr.
Des investissements dans les équipements
Les importations de produits pétroliers se contractent de -20 % par rapport à 2019. Un faible niveau qui s’explique par de lourds travaux de maintenance réalisés par BP sur son site, limitant depuis trois ans ses capacités de stockage. Un retour à la normale est espéré à partir de 2024.
Les véhicules neufs, en provenance de Turquie, reculent également, de l’ordre de -15 %, du fait de la fermeture de sites de production suite à la pénurie de composants électroniques. Le port de Sète enregistre ainsi 90 000 véhicules pour 120 escales en 2022, au lieu de 115 000 véhicules et 140 escales en 2019.
Côté ferry et croisière, l’activité se maintient : 165 000 passagers (165 escales) affichés par les compagnies GNV et Baleària pour les liaisons maritimes avec le Maroc.
A l’arrêt pendant la pandémie, l’activité croisière reprend des couleurs, avec 40 000 passagers en 2022. Philippe Malagola, nouveau président du port, qui vient de succéder à Jean-Claude Gayssot, ne souhaite pas retrouver l’activité d’avant-crise (115 000 passagers en 2019). Le nouvel objectif révisé se traduit par un objectif de 70 000 passagers à terme, au lieu des 150 000 ciblés initialement. Le projet de nouvelle gare maritime est remis à plat.
D’autres équipements sont en revanche programmés ou imminents. Comme la mise en exploitation, en ce début 2023, de la nouvelle grue sur rail Liebherr et sa trémie dépoussiérante, pour un montant de 6,4 millions d’euros. Par ailleurs, les travaux de branchements électriques à quai (13,5 millions d’euros, avec une subvention Feder de près de 6 millions d’euros) seront réceptionnés en décembre 2023.
Autre investissement structurant : 500 000 euros ont été injectés dans le financement d’études en vue de la réalisation du nouveau quai I1. Le projet est chiffré à environ 30 millions d’euros. Il viendra soulager le quai H, inauguré en 2016 « déjà saturé ». La drague hybride hydrogène, commandée par la région pour 32 millions d’euros, devrait être livrée fin 2023.
Le ferroviaire, « élément de captation du maritime »
La ligne Sète-Calais a été retenue par l’État dans le cadre du Plan de relance axé sur le développement des autoroutes ferroviaires. Actuellement, trois allers-retours par semaine sont en exploitation et, depuis novembre 2022, deux allers-retours par semaine connectent Sète et Paris (terminal de Valenton). « Nous projetons 40 000 unités acheminées par le mode ferroviaire avant 2025, contre 10 000 en 2019. Cette proportion intermodale représentera alors 20 % du trafic du port de Sète transporté de façon décarbonée, au lieu de 10 % en 2015. En 2022, 25 000 camions ont utilisé des solutions intermodales. C’est une demande forte des chargeurs. Si DFDS se développe sur le port de Sète, c’est directement lié aux possibilités d’intermodalité proposées. Le ferroviaire est un élément de captation du maritime », analyse Philippe Malagola. Ce dernier veut accélérer la démarche verte du port : conteneurs recyclés, traitement et recyclage des eaux usées, certificat port propre et actif en biodiversité…
« L’Etat rechigne » sur le canal de Rhône à Sète
Faute de travaux suffisants, le tirant d’eau du canal de Rhône à Sète est passé de 2,5 mètres à 2,1 mètres, entraînant une dégradation du trafic fluvial, descendu à 100 000 tonnes. Seules des barges de 1 200 tonnes peuvent désormais circuler, et non pas celles de 2 000 tonnes, qui pourraient permettre d’atteindre un trafic fluvial de 300 000 tonnes par an.
« L’objectif de la mise au gabarit consistait à passer à 3 mètres de tirant d’eau, pour avoir des capacités de chargement supplémentaires, rappelle Olivier Carmès. Sur le ferroviaire, quand on évolue en technologie, nous parvenons à développer le trafic. Il faut que le canal du Rhône à Sète puisse aller au bout de ces investissements ».
Les travaux nécessaires sont chiffrés à 60 millions d’euros. Le port de Sète et la région Occitanie mettent la pression sur l’État, qui rechigne à mettre la main à la poche.
« Il faut raisonner en termes d’impact carbone du transfert de la route vers l’intermodal. Un tel investissement garantirait une pérennité du canal pour environ 50 ans, à l’image d’un quai », poursuit Olivier Carmès qui pointe une contradiction : « L’État demande au port de « décarboner » ses activités, d’où l’investissement que nous faisons dans le branchement à quai des navires. Cette opération ne crée pas de productivité, mais nous sommes d’accord pour y aller. Sur le fluvial, il faut que l’État mette en œuvre la même stratégie. Si on commence à exiger une rentabilité sur le fluvial, on ne le fera pas. Le recalibrage du canal permettrait d’éviter 50 000 camions par an sur la route. Aujourd’hui, l’État hésite parce que l’analyse de la « décarbonation » n’est pas poussée jusqu’au bout »