Le projet de zone à émissions de soufre contrôlées (SECA) en Méditerranée sera soumis à l’OMI en juin 2022 pour une entrée en vigueur à la mi-2025. Un long chemin diplomatique pour parvenir au consensus des 20 pays concernés. En attendant, les ports de Méditerranée avancent sur l’électricité à quai et les navires s’équipent de filtres mais les coûts sont élevés malgré le soutien du plan régional « Escale zéro fumée ».
Le temps des riverains n’est pas celui de la réglementation. 2025 semble une échéance bien lointaine pour ceux qui vivent près des ports de Marseille et Toulon et qui attendent avec impatience l’instauration d’une zone à faible émission de soufre en Méditerranée à 0,1 %.Dans la meilleure des hypothèses, elle sera déployée à la mi-2025, selon Michel Ardohain, chef du bureau de la transition écologique des navires, invité au Palais de la mer de Toulon, à la troisième journée méditerranéenne de l’air dans les ports le 28 avril 2022. « C’est une course de fond diplomatique avec une vingtaine d’États impliqués à des niveaux de développement différents. Le projet de zone à émissions de soufre contrôlées (SECA) sera soumis à l’OMI en juin 2022. Quant à l’initiative FuelEu Maritime, elle imposera le branchement à quai des navires à passagers et des porte-conteneurs en 2035 ».L’instauration d’une zone SECA dans la région aura non seulement des bénéfices sur la santé humaine mais également sur les monuments, la pollution dégradant leurs façades de manière anticipée et coûtant 5 milliards d’euros par an, selon Mario Dogliani, directeur de la Fondation Philippe Cousteau. La Méditerranée accueille 30 % des touristes dans le monde et 34 % viennent pour la culture.
« Escale zéro fumée »
Associations environnementales, armateurs, élus, autorités portuaires de Méditerranée se sont réunis, le 28 avril 2022 à Toulon, à l’initiative d’Atmosud et Qualitair, organismes indépendants de mesure de la qualité de l’air en Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse.« Dès 2017, nous avons rassemblé ceux qui avaient le sentiment de subir les pollutions et ceux qui les émettent. Puis en 2019, la région PACA a lancé le plan à « Escale zéro fumée » doté de 30 millions d’euros (voir article de NPI).Toulon, Nice, Bastia, Ajaccio, Gênes et Cagliari sont engagés dans le programme « Aer Nostrum » visant à établir un observatoire transfrontalier de la qualité de l’air », a expliqué Pierre-Charles Maria, président d’Atmosud.Mohamed Mahali, président de la commission politique de la formation et de l’emploi à la région Sud, a détaillé l’affectation de cette somme : « 20 millions d’euros sont affectés aux infrastructures portuaires, 5 millions aux équipements électriques des navires, 2 millions pour encourager le mix énergétique, 1 million pour le développement du GNL dans les ports, 1 million pour le filtre à particules et 1million pour les associations de défense de l’environnement ».
Des progrès à faire dans les ports de Corse
Cet argent public sert notamment à financer, en partie, les programmes d’électrification des quais de Marseille (un investissement total de 50 millions d’euros) et de Toulon (20 millions). « Nous sommes en train de déployer les câbles et les tests de raccordement au navire seront effectués au dernier trimestre 2022 », annonce Gilles Vincent, vice-président de la commission protection de l’environnement à la métropole Toulon Provence Méditerranée. L’électrification de trois postes à quai est prévue à Toulon-Côte d’Azur.Seule compagnie de ligne régulière présente à Toulon, Corsica Ferries s’engage de son côté à équiper quatre ferries pour la connexion électrique à quai. En janvier dernier, la compagnie bastiaise qui avait engagé une procédure à l’encontre d’un service complémentaire sur la Corse a obtenu gain de cause. La collectivité de Corse a été condamnée a versé 90 millions d’euros. « Cette somme sert à financer notre transition énergétique à raison de 1,5 M€ par navire. Nous sommes face à un mur de réglementations. Mais il faut que les ports corses se bougent ! », a averti Pierre Mattei, président de Corsica Ferries.« S’agissant des ports corses, il ne se passe pas grand-chose », déplore François Alfonsi, député européen et également président de Qualitair Corse.La Méridionale avait pourtant présenté à Ajaccio un projet d’équipement en courant de quai des navires à partir d’une citerne GNL. Ce projet n’a jamais vu le jour en raison d’une réglementation stricte sur le transport maritime de GNL qui devient aujourd’hui aberrante à l’heure des navires à propulsion GNL. « Nous avons cherché une dérogation auprès du préfet. La propulsion GNL est autorisée mais l’embarquement d’une remorque au GNL est interdite sauf sur Île-Rousse », déplore l’élu.En Ligurie, le port de Gênes investit 20 M€ pour électrifier le terminal ferries et 10 M€ pour la croisière. Les travaux sont en cours. « Gênes est sous le coup d’une infraction de l’UE pour le dépassement des seuils de pollution au dioxyde d’azote. Le port a signé le « Blue Agreement » pour utiliser du carburant désulfurisé à 0,1 %. Gênes a lancé un plan d’investissement de 30 millions d’euros sur trois ans destinés à améliorer la qualité de l’air dans les transports terrestres et dans les ports », a souligné Elisabetta Trovatore, directrice adjoint à l’environnement au sein de la région Ligurie. Si l’électrification est une réponse à la pollution de l’air lors des escales, reste l’épineuse question de la pollution lors de la navigation.
Encore un long chemin à parcours
La Méridionale a présenté le fonctionnement de son filtre à particules sur le Piana qui permet de réduire de 75 % l’oxyde d’azote et de piéger tous les autres polluants y compris les particules fines et ultrafines à 99,9 %. « Ce fut la surprise absolue ! Par ailleurs, nous sommes en deçà du 0,1 % de soufre », a précisé Marc Reverchon, président de la Méridionale. Seul bémol, le coût du traitement du bicarbonate souillé s’élèverait à l’année à 1,1 M€. « Le filtre à particules fait partie de l’éventail de solutions avec le scrubber. Les navires qui en sont équipés sont affrétés 30 % plus chers », complète l’armateur qui souhaite que les critères environnementaux pèsent dans le cahier des charges de la future délégation de service public maritime sur la Corse.Les nettoyeurs de fumées permettent de continuer à utiliser du fuel lourd comme carburant. La France, qui a interdit, en janvier 2022, le fonctionnement de scrubber à boucle ouverte à accordé une dérogation à Corsica Linea pour les six prochaines années lui permettant de déverser les effluents souillés.« La situation ne s’améliore pas, nous constations des dégazages de produits pétroliers, des pollutions de plastique et, s’agissant de la pollution de l’air, le chemin est long pour sortir le soufre des carburants. A Bastia, nous travaillons sur un logiciel destiné à comprendre comme la pollution se répand dans la ville et afin de posséder des données fiables », précise François Alfonsi. Le transport maritime émet 2,8 % des gaz à effet de serre dans le monde.