« Les résultats sont bons en termes de trafic, malgré la période compliquée. Sur presque tous les segments, sauf sur les vracs solides, on dépasse les niveaux de 2019, la référence d'avant crise. Le port a su prouver sa résilience », a déclaré Hervé Martel, président du directoire du Grand Port maritime de Marseille, lors de la conférence de presse des résultats le 24 janvier 2023.
Marseille-Fos a traité 77 millions de tonnes de marchandises en 2022, en progression (+3 %) par rapport aux 75 Mt de 2021 et aux 69 Mt de 2020.
- Les conteneurs atteignent un nouveau record (1,53 million d’EVP, +3 %) après celui enregistré en 2021 : « Nous avions une bonne avance à la fin du premier semestre qu’un ralentissement au deuxième n’a pas effacé ». Les marchandises diverses, avec 21 millions de tonnes, présentent une évolution positive de +1 %.
- Le port du Sud de la France, doté de deux terminaux méthaniers (Fos et Cavaou), enregistre un bond du GNL (8,5 Mt, +43 %) comme Dunkerque ou Nantes-Saint Nazaire, dans la suite des arrêts d’approvisionnement en gaz russe. Au global, les vracs liquides avec 45 millions de tonnes affichent +5 % de croissance.
- Seuls les vracs solides (11 millions de tonnes, -3 %) connaissent un ralentissement en 2022 par rapport à 2021. Hervé Martel accuse la conjoncture qui a expliqué la baisse de matières premières à l'import par ArcelorMittal. Pour en savoir plus voir sur le site de l'Antenne.
Le fluvial à la peine…
Concernant l’hinterland et le report modal, Hervé Martel a mis en avant « le recul de la route » (un peu moins de 80 %) et du ferroviaire « avec un plus haut historique » de 230 000 EVP. La part modale ferroviaire s’est améliorée de 0,4 point pour atteindre 16 % en 2022 contre 15,6 % en 2021.
Pour les conteneurs par barge, une diminution est enregistrée pour la quatrième année consécutive avec 66 000 conteneurs, une perte de 10 % par rapport à 2021. « Sous les 5 % de part modale, ce n’est pas un bon score », relève Hervé Martel. La part modale du fluviale passe en effet sous la barre des 5 % rapportée aux volumes complets (contre 5,3 % en 2021) ; elle est de 5,5 % ramenée aux trafics des bassins ouest seuls desservis par le Rhône. Il a évoqué la décision de CMA CGM concernant la fin du surcoût pour la manutention fluviale (voir article de NPI) depuis avril 2022, « qui a peu d’impact à ce stade ».
Il a souligné la bonne tenue des filières « historiques du fluvial », vracs solides et liquides avec un total de 2,1 millions de tonnes transportées par le fleuve (+4,5 %) Ce total se répartit en 645 000 tonnes de vracs solides (+17 %) et 931 000 tonnes de vracs liquides (+6 %) .
Concernant la congestion à Fos et l’accueil des bateaux fluviaux, un indicateur a été mis en place « qui montre zéro attente… mais c’est aussi peut-être car il y a moins de trafic fluvial ».
La problématique de la hauteur des ponts sur le Rhône, qui réduit le nombre de couches de conteneurs pouvant être chargés dans les bateaux, ne peut expliquer le repli du trafic fluvial : « Les ponts étaient là avant que la baisse ne s’amorce il y a quatre ans ».
Au final, le constat d’Hervé Martel est clair : « Je n’ai pas d’explication convaincante sur le recul du trafic fluvial ».
Parmi les pistes évoquées pour inverser la tendance : « la reconstruction d’une procédure douanière fluvio-maritime » en s’inspirant d’un modèle qui existait auparavant et qui a été supprimé. Cela pourrait être « un élément de compétitivité » en favorisant un suivi de la marchandise empruntant les bateaux et les trains depuis les terminaux maritimes et jusqu’à ceux des ports intérieurs. Ou encore la mise en place d’une zone d’échange pour les conteneurs sous douane d’un terminal à l’autre.
… Ce n’est pas un élément de fierté
« Le fluvial n’est pas un élément de fierté et j’assume une fragilité le concernant, a indiqué Christophe Castaner, président du conseil de surveillance. Il a cité les résultats de 2021 (voir article de NPI) pour l’axe Rhône-Saône-Méditerranée, qui « ne sont pas négligeables tout en montrant qu’une progression est possible. Le sujet est d’ordre logistique, d’organisation de la logistique. Il y a des initiatives privées qui fonctionnent mais nous avons besoin d’aménagements dédiés sur l’ensemble de l’axe. C’est toute l’importance des réflexions en cours sur le projet du Président de la République d’un grand port de Marseille à Lyon. Cette demande nous oblige. Nous sommes conscients qu’il y a des efforts significatifs à faire, mais nous avons les moyens de monter en puissance ».
Il avait précédemment précisé que « l’axe Rhône-Saône est naturel et d’évidence pour Marseille. Nous avons des marges de progrès pour davantage de multimodalité et nous allons avancer en ce sens ».
Les suites à donner au rapport sur la transformation du GPM de Marseille en un port fluvio-maritime allant de la cité phocéenne jusqu'à Lyon rédigé par le préfet Pascal Mailhos (voir article de NPI), qui comprend aussi les travaux effectués par Hervé Martel et Elisabeth Ayrault, sont encore en cours de réflexion du côté du gouvernement auquel il appartient de faire part de ses décisions.
Selon Christophe Castaner : « Il n’y a pas encore eu de choix effectué. L’ambition est un aménagement global pour la multimodalité. Il y a la volonté d’avancer et d’accélérer. C’est une opportunité pour Marseille. Le modèle n’est pas le même que pour Haropa, pas de fusion, pas d’aménageur unique, plutôt un chef d’orchestre. Il s’agit de trouver les moyens de développement propres à l’axe qui compte une cinquantaine de sites avec des activités logistiques différentes. Nous travaillons avec les élus des différents territoires concernés. Le travail de préfiguration n’est pas encore abouti ».
Transition écologique, une priorité
Les prises de parole des deux responsables ont montré que la transition écologique, la « décarbonation » des activités, constitue l’une des priorités majeures du port du Sud de la France.
« Nous sommes dans un moment charnière de transformation et de transition, a dit Christophe Castaner. Les productions d’énergies d’aujourd’hui et de demain se jouent dans les ports et leurs territoires. Le port devient un producteur d’énergie et non plus seulement un lieu d'accueil ou de transit. C’est aussi un enjeu de souveraineté nationale ». C’est également toute la problématique de la fin du développement des zones portuaires fondé sur la manne des hydrocarbures. « Nous construisons aujourd’hui avec les nouvelles énergies ce qui a été fait il y a 60 ans avec les anciennes », a synthétisé Hervé Martel.
Le port conduit de nombreux projets autour de la transition énergétique : électrification des navires à quai, production d’hydrogène vert (H2V) pour « décarboner » les activités de la zone industrialo-portuaire de Fos, production d’acier « vert » (Gravithy). Le tiers des 60 millions d'euros investis en 2022 portent sur des projets de transition énergétique, soit 20 millions, et le double est annoncé pour 2023.
La filière éolienne est aussi porteuse de développement pour l’avenir avec le projet « Provence Grand Large » en commençant par l’installation de trois éoliennes-pilotes entre mai et septembre 2023. Pour Hervé Martel : « Nous sommes en train d’acquérir de l’expérience. Nous avons réservé 80 hectares, dans l’attente des décisions du gouvernement pour l’implantation des champs en Méditerranée ».
Une filière numérique se structure avec la mise à disposition d’une infrastructure d’atterrage de 5 à 6 câbles sous-marins (connexion entre la partie sous-marine et terrestre), passant sous la digue du Large, pour se raccorder au réseau de télécommunication terrestre et/ou aux data centers environnants.
Pour poursuivre le développement du ferroviaire, deux projets sont en cours. Le premier fait suite au contexte de la fermeture programmée de la gare de fret du Canet, en 2024. Porté par le port et SNCF Réseau, il prévoit des aménagements visant l'amélioration et la fiabilisation du réseau ferroviaire des bassins phocéens du port et de leur accès, afin de reconstituer une partie des fonctionnalités de la gare du Canet et de permettre le maintien d'une logistique essentielle pour la ville et pour les activités économiques situées dans les bassins marseillais.
L’autre projet autour du mode massifié porte sur le réaménagement des dessertes ferroviaires de Fos-Graveleau et consiste en la création d’une liaison ferroviaire entre les faisceaux en arrière des deux terminaux à conteneurs.
La dimension des relations entre la ville et le port a aussi été abordée, Christophe Castaner soulignant « des rapports parfois compliqués, des moments de tension, de crispations ». Alors que le port « est une chance pour la ville et les territoires, il y a des conflits d’usage » pour lesquelles il faut savoir trouver les solutions pertinentes. Tout en conservant à l’esprit, selon ce reponsable, qu’il est important de « garder un aspect portuaire et un caractère industriel à Marseille-Fos avec l’ambition d’assurer la décarbonation des activités pour une croissance renouvelée du port ».