Les nouvelles règles relatives aux infrastructures pour carburants alternatifs (ou règlement AFIR) font partie du « paquet » législatif « Fit for 55 » qui est le plan de l’Union européenne pour réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030 (par rapport au niveau de 1990).
Ces règles concernent les infrastructures à disposition de tous les modes de transports (route, maritime, fluvial, aérien) et donc aussi celles des ports intérieurs et maritimes.
Un accord informel a été trouvé le 28 mars 2023 entre les représentants du Parlement européen et du Conseil. Il fixe des objectifs nationaux minimums obligatoires pour le déploiement d’infrastructures de carburants alternatifs et demande aux pays de l’UE de présenter leurs plans pour atteindre ces objectifs.
Cet accord va désormais parcourir la suite du processus législatif européen : approbation par le comité des représentants permanents du Conseil et par la commission des transports et du tourisme du Parlement, puis par le Parlement et le Conseil dans leur ensemble.
Le point de vue de l’Efip
Pour les infrastructures portuaires intérieures et maritimes, les règles fixent des objectifs de déploiement contraignants pour les infrastructures de recharge électrique et de ravitaillement pour l'alimentation électrique à quai des navires (porte-conteneurs et croisières) et des bateaux fluviaux.
Selon la Fédération européenne des ports intérieurs (Efip), ce qu’il faut retenir de l’accord informel pour ces infrastructures :
- Un délai a été fixé pour que tous les ports intérieurs du RTE-T disposent d'une infrastructure électrique à terre d'ici 2030. Un horizon jugé à la fois « clair et réalisable ».
- Le texte « ouvre la voie au développement actuel de carburants alternatifs tels que la navigation électrique à batterie et la pile à combustible à hydrogène ».
- Il est prévu une révision en 2026 pour évaluer la situation. « Ceci est important compte tenu des développements de la navigation par batterie et pile à combustible à hydrogène dans les ports intérieurs ».
- Le principal défi pour la réalisation du branchement électrique à quai est aujourd'hui l'incertitude concernant la capacité du réseau. « Il appartient aux États membres de veiller à ce que le réseau électrique ait à la fois la capacité et la portée nécessaires pour que les ports intérieurs déploient l'infrastructure ».
Le point de vue de l’Espo
L’Organisation européenne des ports maritimes (Espo) relève de son côté :
- La date limite pour que les ports du RTE-T disposent d'infrastructures électriques à terre pour répondre à la demande des porte-conteneurs et des navires à passagers est fixée à 2030. Elle comprend ici la même chose que l’EFIP.
- La nouvelle législation introduit une exigence fondée sur la demande pour la fourniture de méthane liquéfié (souvent appelé GNL) d'ici 2025, « offrant une sécurité juridique et d'investissement pour les ports ».
- La flexibilité dans le déploiement de l'électricité à quai dans les endroits clés du port, en donnant la priorité aux postes d'amarrage et aux terminaux où les émissions peuvent être le plus réduites. C’est un point positif pour l’ESPO qui va rester vigilante sur le maintien de ce dispositif dans la suite du parcours législatif.
- Le nouveau règlement n'interfère pas avec les modèles de gouvernance des différents ports européens lorsqu'il s'agit de définir les responsabilités des différentes parties prenantes.
La question du financement des investissements
L’Efip et l'Espo partagent une analyse similaire sur les besoins d’investissements très élevés et les financements nécessaires :
- « Les énormes investissements qui doivent être réalisés dans les ports pour répondre aux nouvelles exigences de l'AFIR ne peuvent être réalisés que s'ils s'accompagnent d'importants instruments de financement public adaptés à leur objectif ».
L’ESPO va plus loin en ajoutant :
- « L'installation et la fourniture d'infrastructures pour le branchement à quai restent un exercice complexe et coûteux, avec un retour sur investissement limité et lent pour l'organisme gestionnaire.
- Etant donné que le prix sera un élément important dans la décision des compagnies maritimes d'utiliser le branchement à quai, l'ESPO demande l'introduction d'une exonération fiscale permanente à l'échelle de l'UE pour l'électricité à quai dans l'article 15 de la proposition de révision de la taxation de l'énergie ».
Il ne suffit pas de mettre à disposition une infrastructure, encore faut-il qu’elle soit utilisée. Aussi, l’ESPO rappelle le pas avant accompli avec l'accord sur FuelEU Maritime conclu à la mi-mars 2023 et qui introduit une obligation pour les navires d'utiliser l'électricité à terre à quai dans les ports du RTE-T (ainsi que dans les autres qui auront installé cette infrastructure) à partir de 2030.
En conclusion, l’ESPO estime « que de nombreux ports en Europe disposeront d'électricité à terre avant 2030 » et « espère vivement que les compagnies maritimes s'engageront à utiliser l'électricité à terre lorsqu'elle sera disponible avant 2030 ».
Rappelons que permettre aux bateaux et aux navires de se brancher à quai permet une réduction des émissions de GES, améliore la qualité de l'air local, supprime une nuisance sonore.
En plus de faciliter la fourniture d'infrastructures de soutage pour les futurs carburants, le déploiement d'infrastructures d'alimentation électrique à terre est un pilier important pour réduire les émissions à quai dans les ports.