L’hydrogène attire de plus en plus l’attention, présenté comme une solution potentielle pour « décarboner » différentes filières économiques dont celles des transports et des industries, rappelle en introduction la Fédération européenne des ports intérieurs (Efip) au début du document intitulé « Making Hydrogen a Success for Inland Ports » qu'elle vient de publier.
Ce document est présenté comme une « position commune des ports intérieurs européens concernant leur rôle dans l'approvisionnement en hydrogène ». Il est le résultat de travaux sous forme d’ateliers (avec des membres de l’EFIP, des experts, un cabinet de conseil Vieanaa) conduit au premier trimestre 2023 et adopté lors de la dernière réunion le 27 avril.
Quel est le contexte ?
L’Union européenne pousse au développement de l’hydrogène comme vecteur énergétique, « élément clé de la stratégie pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050 ». La Commission européenne a notamment fixé un objectif de déploiement au moins 40 gigawatts d'électrolyseurs, qui produisent hydrogène « vert » à partir d'électricité renouvelable, d'ici 2030.
Plusieurs pays européens ont embrayé, annonçant « des plans ambitieux pour développer leurs propres stratégies hydrogène et investir dans la recherche, le développement et le déploiement des technologies », continue le document de l’EFIP.
L’hydrogène est considéré comme un moyen de renforcer l'indépendance énergétique du Vieux continent. Il peut constituer une solution alternative, qui peut être produit dans les Etats membres, en utilisant des sources d'énergie à faible émission de carbone et renouvelables. Et c’est ainsi que l'hydrogène pourrait « jouer un rôle important dans la transition vers un système énergétique durable à faible émission de carbone en Europe, avec d'autres sources d'énergie à faible émission de carbone », selon le texte de la position commune.
Quelle est la pertinence des ports intérieurs ?
Ce contexte rappelé, le document poursuit en listant les atouts des ports intérieurs par rapport à l’hydrogène :
- Ils relient l'arrière-pays aux ports maritime au sein du réseau transeuropéen de transport dont ils font partie.
- Ils sont des plaques tournantes multimodales « où convergent différents modes de transport, la route, le rail, la navigation intérieure » et leurs « véhicules » respectifs (camions, trains, bateaux) sans oublier les engins de manutention et autres équipements de service des ports.
- Ils sont des pôles industriels et logistiques « tant dans la zone portuaire que dans ses environs ».
Autrement dit, les ports intérieurs sont des points où affluent un grand nombre d’utilisateurs potentiels d’hydrogène des deux filières transports et industrielles ou encore « les entreprises de recyclage et de construction et bien plus encore ».
Le document ajoute :
- « Ces acteurs ont besoin de sources d'énergie fiables et durables, et l'hydrogène bas carbone peut offrir une alternative viable aux combustibles fossiles. En intégrant ces technologies hydrogène dans l'infrastructure portuaire, les utilisateurs peuvent réduire leur empreinte carbone ».
- « Le déploiement de l'hydrogène dans les ports intérieurs réduira les émissions de gaz à effet de serre et les polluants atmosphériques de plusieurs manières. L'hydrogène devrait servir de carburant pour les véhicules à émissions faibles ou nulles comme les bateaux de navigation intérieure, les camions, les trains et les engins de manutention. Des infrastructures de ravitaillement et d'échange adaptées y seront nécessaires ».
- « En intégrant l'infrastructure et la technologie de l'hydrogène dans les opérations, les ports peuvent devenir une partie essentielle du réseau d'approvisionnement en hydrogène. Les ports intérieurs peuvent devenir des fournisseurs locaux et de l'arrière-pays d'hydrogène provenant des ports maritimes ou d'autres nœuds de production primaire. Ils peuvent aussi être des lieux de stockage et de distribution d'hydrogène à travers l'Europe ».
Quels sont les défis à relever ?
Si les ports intérieurs, hubs industriels et logistiques, sont pertinents, il leur reste un long chemin à parcourir pour ne pas manquer l’opportunité de développement de l’hydrogène dans les années à venir.
- Une première difficulté à lever relève de l’infrastructure elle-même en commençant par les limites du foncier dont disposent les ports intérieurs. « Car les installations de stockage et de ravitaillement en hydrogène nécessitent de l'espace, ce qui est complexe au regard de port déjà largement saturé ».
Et c’est un souci encore plus prégnant pour les installations portuaires situés à proximité ou au cœur d’agglomérations urbaines densément peuplées. Cette situation se double ici de la problématique de la sécurité. « L'hydrogène est hautement inflammable et nécessite des précautions lors de sa manipulation, de son stockage, de son transport. Cela nécessitera des investissements importants dans la formation, l'équipement et l'infrastructure ».
- Un deuxième défi est l’habituel nerf de toute transformation ou tout projet : les coûts et leurs financements. « En particulier, il peut être compliqué de garantir le financement initial, car il n'existe actuellement aucun modèle d'affaires pour les ports afin de faciliter la production, le stockage et la distribution d'hydrogène », dit le document de l’EFIP. Le retour sur investissement n’est pas « clair ». Convaincre des investisseurs privés n’est donc pas évident. Il en va un peu de même pour l’obtention de financements publics ou de subventions.
La production, le stockage et la distribution d'hydrogène nécessitent d'importants investissements en équipements et infrastructure, qui constituent une barrière importante à l'entrée pour les ports notamment ceux avec des ressources limitées.
- Un troisième frein porte sur la règlementation encore balbutiante concernant l’hydrogène. « Les cadres législatifs demeurent mal définis sur la production, le stockage et la distribution d'hydrogène, alimentent l'incertitude, rendent difficile l’engagement de partenaires privés », estime le document.
Cette question de la réglementation concerne aussi l’absence d’harmonisation des normes dans les différents Etats membres de l’UE mais aussi dans les autres pays et régions du monde.