« Le moment est propice au développement de la logistique fluviale urbaine »

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Outre la situation et les perspectives pour plusieurs sites, Juan Manuel Suarez, PDG de Paris Terminal et de Terminaux de Seine, évoque de nombreux sujets d'actualités : logistique urbaine fluviale, Jeux Olympiques, "décarbonation" de la manutention...

Crédit photo Haropa Port

Entretien avec Juan Manuel Suarez qui est à la tête du terminal à conteneurs de Gennevilliers depuis novembre 2022 en tant que PDG de Paris Terminal. Il dirige également Terminaux de Seine, qui exploite les plateformes à conteneurs de Limay, Longueil-Sainte-Marie, Bonneuil-sur-Marne et Évry, ainsi que le terminal du quai de la Bourdonnais à Paris.

NPI : Quel est le potentiel du terminal de Gennevilliers, dont vous avez pris la direction il y a un an ?

Juan Manuel Suarez : Paris Terminal n’est pas une plateforme quelconque : nous sommes à 10 km de la Tour Eiffel et cet emplacement apporte une énorme capacité à fluidifier la logistique dans Paris.

Avec Terminaux de Seine, cela constitue un ensemble de six plateformes très différentes qui, combinées, deviennent un outil très puissant. Ce qui est fascinant sur la Seine, c’est le tapis roulant fluvial qui permet de livrer le consommateur final depuis Le Havre, où tous les flux sont concentrés.

Le fluvial présente un potentiel phénoménal, avec un univers de services à développer. Cela représente un défi plus intéressant que les terminaux maritimes, où tout est connu et déjà développé à part des systèmes très sophistiqués d’automatisation.

NPI : Pourtant, ces terminaux à conteneurs, Gennevilliers en tête, semblent avoir du mal à augmenter significativement le nombre de conteneurs fluviaux : est-ce aussi votre sentiment ?

Juan Manuel Suarez : Dans un contexte de baisse de la consommation et de chute du fret maritime et des importations de conteneurs, nous améliorons significativement nos résultats par rapport à l’année dernière, où nous avions déjà enregistré un record à Gennevilliers avec 129 000 EVP manutentionnés en fluvial.

De janvier à octobre 2023, nous sommes dans le positif par rapport à janvier-octobre 2022. Pour le seul mois d’octobre, nous en sommes à 33 000 boîtes tous modes confondus à Gennevilliers, contre 31 000 l’an dernier. Nous verrons comment l’année se finit, mais pour l’instant nous dépassons les perspectives de notre business plan pour 2023. Dans le contexte de quasi-récession que connaît l’Europe et de baisse du trafic maritime, il s’agit de bons résultats.

NPI : Quel est le but des nouveaux équipements que vous prévoyez pour cette plateforme de Gennevilliers ?

Juan Manuel Suarez : Le projet stratégique prévoit des investissements dans des portiques de parc qui serviront à la densification du stockage et permettront ainsi de doubler les volumes sans augmentation de la surface utilisée. Il ne s’agit pas d’automatisation, car pour cela il faut des trafics très réguliers alors que notre ADN c’est la flexibilité.

Nous avons une organisation artisanale qui fonctionne très bien, mais nous pouvons faire encore mieux. Aujourd’hui nos Reach-stackers permettent d’empiler les conteneurs sur deux hauteurs. Avec des portiques de parc nous pourrons aller jusqu’à quatre hauteurs et passer de 175 EVP au sol par hectare à 225 EVP au sol par hectare. Nous gagnerons ainsi sur les deux tableaux. Un de nos objectifs est aussi d’électrifier le parc pour avoir la manutention la plus décarbonée possible. Des essais d’utilisation de biocarburant dans nos outils de manutention sont aussi envisagés.

NPI : En ce qui concerne les autres terminaux d’Île-de-France : quelles sont les perspectives à Limay ?

Juan Manuel Suarez : A Limay nous continuons à faire progresser les chargements de céréales en conteneurs pour exportation, notamment de l’orge pour le groupe Invivo-Soufflet. Les discussions sont aussi en cours avec Ikea pour mettre en place une logistique fluviale, car la présence d’un quai fluvial, avec la surface disponible et la connexion ferroviaire, est une des raisons qui les amenés à choisir de s’implanter à Limay. Nous devrions réussir à mettre en place en 2025 une chaîne de livraison fluviale urbaine très attractive.

NPI : De nouveaux flux de logistique urbaine sont-ils envisageables quai de la Bourdonnais ?

Juan Manuel Suarez : Les volumes sont en hausse pour les conteneurs Franprix en provenance de Bonneuil-sur-Marne et à destination du quai de la Bourdonnais. Nous arrivons au maximum de la capacité du bateau, avec 45 boîtes par jour dans chaque sens. Mais il reste des plages horaires disponibles à La Bourdonnais, qui est un « petit » terminal sans aucun stockage sur place, avec uniquement des flux de logistique urbaine. Avec cet espace réduit, nous démontrons la puissance du fluvial au cœur de Paris.

L’activité pourrait d’ailleurs augmenter sur ce quai parisien, puisque nous envisageons pour la logistique urbaine d’un autre client des livraisons fluviales depuis Gennevilliers. Des tests ont été faits avec Blue Line Logistics, et d’autres essais sont prévus en décembre ou janvier avec, pour les livraisons dans Paris, de « petits » camions et des vélos-cargo. Cela montre que les clients pour qui le fleuve était inimaginable précédemment commencent à s’y intéresser sérieusement.

Le quai de la Bourdonnais au pied de la Tour Eiffel accueille le flux de logistique urbaine fluviale de Franprix. 
Crédit photo : Clotilde Martin

NPI : Pourtant, depuis Franprix qui a démarré ce schéma logistique il y a dix ans, personne n’a suivi cette voie.

Juan Manuel Suarez : Franprix a été pionnier, et les flux sont montés en puissance petit à petit. S’ils décidaient aujourd’hui de quitter La Bourdonnais, nous aurions un projet dès le lendemain. Mais la difficulté est de gérer une logistique multi-acteurs, avec peu de fenêtres d’accostage : cela peut nécessiter que les magasins changent leurs habitudes, qui consistent à être livrés à la première heure du jour.

Le moment est propice au développement de la logistique fluviale urbaine, car il y a maintenant des possibilités de livraisons très efficaces en vélo-cargo, et le fluvial offre beaucoup de confort à ses clients avec des flux réguliers, sûrs et sécuritaires.

NPI : Qu’en est-il de Longueil-Sainte-Marie, où Marfret a récemment mis en place une navette fluviale ?

Juan Manuel Suarez : A Longueil, l’arrivée de Marfret va s’accompagner de l’amélioration de l’outil de manutention : le terminal va être équipé d’un deuxième Reach-stacker. Sur cette plateforme nous avions jusqu’à présent des volumes liés aux Jeux olympiques, puisque 80 conteneurs y ont été stockés. Arrivés par la route, notamment depuis les ports du Nord, ils vont être livrés en décembre 2023 ou janvier 2024 sur le site olympique du Bourget. D’autres volumes s’ajouteront, puisque nous discutons actuellement avec Marfret pour la livraison de 350 conteneurs par le fleuve, avec les derniers kilomètres par la route.

NPI : Outre ces trafics qu’ils apportent, les JO peuvent-ils aussi être un frein ou une opportunité pour le fluvial ?

Juan Manuel Suarez : Le trafic fluvial peut être impacté. L’ingénierie multimodale est très difficile à monter, et on ne sait pas si les trafics reviendront à l’issue des Jeux s’il y a plusieurs semaines d’interruption de navigation.

Avec le contrôle du fleuve avant la cérémonie d’ouverture, et avec les épreuves de natation, on ne pourra pas éviter quelques jours d’interruption. Il faut que ce soit le plus court possible, et il faut surtout prévoir un plan de relance après les Jeux, qui doivent être pour le fluvial non pas une menace mais au contraire une opportunité de développement.

NPI : Le site d’Évry, sur la Seine amont, est le plus éloigné de vos plateformes et celle où il semble le plus difficile de développer des flux : quels sont vos projets pour ce terminal ?

Juan Manuel Suarez : La plateforme d’Évry est aujourd’hui utilisée par Titan Containers pour du stockage de longue durée, sans trafic fluvial. Il peut y avoir des opportunités pour ce terminal dans le domaine de la logistique reefer, en lien avec Rungis. Nous faisons déjà du reefer à Bonneuil-sur-Marne, et même depuis peu à Gennevilliers, où nous disposons de six prises reefer.

Gennervilliers a reçu en octobre son premier conteneur reefer, expédié par Ferrero depuis Rouen. Le nombre de prises reefer pourrait augmenter très rapidement à Gennevilliers, puisqu’un autre client s’est déclaré intéressé. Cette activité peut percoler sur de plus « petites » plateformes : en 2024 ou 2025, l’installation de prises à Évry permettrait la création d’un réseau de plateformes reefer. L’idéal serait d’avoir un petit bateau dédié aux transports de reefer, qui ferait une navette régulière.

NPI : Paris Terminal a aussi investi en dehors du bassin de la Seine, avec le terminal de Lauterbourg en Alsace : cette ouverture sur le Rhin est-elle concluante ?

Juan Manuel Suarez : Le lancement de l’activité sur Lauterbourg a été rendu difficile par la crise Covid. Cette année, nous serons à l’équilibre. S’établir à Lauterbourg était une opportunité intéressante car il s’agit d’un projet « greenfield » où nous disposons aujourd’hui de deux portiques à conteneurs, de 6 ha de plateforme et d’un embranchement ferroviaire. Un portique à colis lourds est attendu pour 2024. Hapag Lloyd a fait de Lauterbourg un dépôt de vide, et d’autres armateurs sont aussi intéressés.

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