Un outil de différentiation et d’influence
Lors d’un webinaire le 8 avril 2021, le président de l’UPF Jean-Pierre Chalus a rappelé que les ports sont au service de leurs clients et de leurs territoires. Ils sont des carrefours industriels, logistiques, énergétiques et numériques, des infrastructures et organisateurs de services maritimes, des nœuds multimodaux. Ils sont intégrés dans des espaces urbains et naturels, ce qui les rend des acteurs de la préservation de l’environnement, de la lutte contre le changement climatique et du développement d’une économie circulaire. Ils sont des moteurs de croissance économique et des accélérateurs des transitions écologique, énergétique et numérique. Pour accroître leur compétitivité, les ports français ont des défis à relever notamment environnementaux, numériques et de développement économique. {{IMG:1}} Au centre, ce qu’ont indiqué les ports comme priorités (écosystème, stratégie environnementale, transition numérique, transition énergétique) et, en périphérie, les sujets de normalisation qui peuvent se lier avec ces thèmes listés par les ports.Pour Olivier Peyrat, directeur général de l’AFNOR : « Le rapprochement entre les deux communautés est intéressant alors qu’on parle pour de nombreuses filières de souveraineté ainsi que de la compétitivité des ports français dans le commerce mondial. En tant que grand établissement public, autorité territoriale, il ne faut pas hésiter à appuyer son action d’intérêt général sur la normalisation volontaire d’essence européenne ou internationale. Cela permet des effets de leviers mais aussi en interne en termes d’amélioration de gouvernance, de performance. C’est aussi un outil de différentiation et d’influence. Les Chinois et les Allemands l’ont bien compris. Les trois défis environnementaux, numériques et de développement économique des ports peuvent être favorablement impactés par des normes influencées par les acteurs qui le souhaitent dans une direction qui est conforme à leur stratégie ». Autrement dit, selon lui, ne pas s’engager sur la voie de la normalisation reviendrait à laisser le champ libre à d’autres structures, acteurs ou pays, pour édicter les normes. Et les ports français pourraient alors évoluer dans un contexte de normes moins favorable car ils n’en seraient pas les auteurs.
Une démarche volontaire d’une filière, d’un marché
Odile Caillat, responsable développement transport-logistique à l’AFNOR, a rappelé que ce sont les acteurs privés et/ou publics d’une filière, d’un marché qui s’engagent eux-mêmes dans une démarche de normalisation en l’élaborant par consensus au sein d’un collectif de travail dédié et accompagné par un opérateur de normalisation. Ce sont les acteurs concernés qui la valident puis l’appliquent et la mettent en œuvre. L’AFNOR apporte son soutien à des acteurs de secteurs très variés dans leur démarche de normalisation volontaire.
Odile Caillat a poursuivi : « Les échanges ont montré des points communs entre les enjeux des ports français et l’actualité de la normalisation », comme le montre l’illustration de cet article avec, au centre, ce qu’ont indiqué les ports comme priorité (écosystème, stratégie environnementale, transition numérique, transition énergétique) et, en périphérie, les sujets de normalisation qui peuvent se lier avec ces thèmes listés par les ports. « Il faut retenir aussi que les ports sont engagés dans des démarches ou initiatives de progrès de dimension internationale ou européenne, ce qui montre leur capacité très forte à mobiliser de l’expertise et de l’influence au plan international. Cela leur ouvre la possibilité d’agir via une normalisation européenne ou internationale ».
Pour Florence Castel, inspectrice générale du contrôle près le port autonome de Strasbourg, présidente du comité stratégique (CoS) transport-logistique de l’AFNOR : « La stratégie nationale portuaire nous a fixé un cadre qui nous a semblé pertinent pour réfléchir à la normalisation car qui tient la plume maîtrise la norme, qui maîtrise la norme tient le marché ».
Des thèmes, des priorités, des recommandations
Florence Castel a indiqué que « les échanges du séminaire ont permis de bâtir une stratégie de normalisation portuaire » autour de trois thèmes : veille (utiliser des normes intéressant les activités portuaires et suivre leur actualité), influence (participer à l’élaboration de projets de normes touchant des enjeux stratégiques des ports français), leadership (prendre l’initiative de futures normes portuaires internationales ou européennes).
Des priorités ont été définies : l’enjeu réglementaire arrive en tête (« car les ports sont soumis à une foultitude de réglementations très diverses ») suivi de tout ce qui est en lien avec le plan de relance (report modal, électrification des quais, carburants alternatifs, environnement, biodiversité, performance énergétique) puis de l’action territoriale. Les autres priorités sont « compétition internationale, performance, attractivité », « existence de labels sectoriels », « Green Deal ».
Une liste de recommandations pour que les ports français soient force de proposition en normalisation volontaire a été réalisée :
- -transition énergétique : connexion à quai,
- -management de l’énergie : bâtiments portuaires,
- -numérique : maîtrise des données, 5G, blockchain,
- -polluants, qualité de l’eau,
- -plan de relance : associer aux projets prioritaires un volet normalisation,
- -flux logistiques portuaires : portage international du futur label français,
- -dimension territoriale, concertation, management et gouvernance de la place portuaire.
Un exemple concret dans le Sud de la France
La suite du webinaire a présenté une démarche concrète de normalisation volontaire conduite par des ports de plaisance dans le Sud de la France.
Véronique Tourrel, déléguée générale de l’union des ports de plaisance de PACA et de Monaco, a expliqué : « Nous rassemblons une grande variété de ports de plaisance avec des gestions et des délégations de toutes les sortes, très diverses, publiques, privées. Certains des ports comptent 30 places avec une personne sur place pendant l’été et d’autres jusqu’à 5000 places et 70 personnes.
Nous avons lancé et réussi la démarche de normalisation « Ports propres » en nous appuyant sur les gestionnaires de port, leur légitimité, sur le fait que nous avions la région prête à nous financer et à nous aider. Nous avons réussi à réunir tous les gestionnaires de ports de plaisance dans toute leur diversité ».
Cette union a décidé de créer la certification « Ports propres » car : « Nous voulions une norme faite par nous et pour nous. Nous somme partis du terrain, des enjeux, des besoins, des pratiques des ports ».
Dans un premier temps, une démarche a été lancée avec des diagnostics, des aspects formation, sensibilisation, techniques de gestion des déchets solides et liquides. « Nous avons réalisé, en termes de résultat et d’affichage, qu’il fallait aller plus loin que cette démarche et aller vers une normalisation et créer une certification, et non pas un label qui peut être sujet à caution. Nous avons donc travaillé avec l’AFNOR. En 2008 est né l’accord au niveau français (AC J81-030) puis en 2011 au niveau européen » (CWA16387).
La certification « Ports Propres » valorise l’engagement du gestionnaire du port en matière environnementale. Il y a 17 critères de normalisation à remplir par les ports pour être certifié. Il existe aussi un contrôle. Actuellement, un total de 90 ports de l’union est certifié, 56 autres sont engagés dans le processus.
Le CWA 16387 s’applique aux ports de plaisance en mer ou en eaux intérieures, aux ports de pêche, aux ports mixte (plaisance, pêche, commerce), aux ports secs. Il s’applique quels que soient l’autorité compétente et le mode de gestion. La définition de l’emprise concernée est le domaine portuaire bien que l’étude doive s’étendre au-delà.
En 2019, une certification complémentaire et optionnelle a été créée « Ports propres, actifs en biodiversité », 28 ports l’ont obtenu et 22 autres ports sont engagés dans le processus. .
Les deux certifications sont ouvertes à l’ensemble des autres ports de plaisance français.
Véronique Tourrel a indiqué qu’une expérimentation est en cours depuis février 2021 avec la participation de la région et de la CCI du Var pour décliner la certification « Ports Propres » au terminal passagers du port de Toulon.