La logistique fluviale urbaine version 2022 sera mutualisée

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Quais partagés, consolidation des flux à bord ou sur le port, bateaux multi-clients : la logistique fluviale urbaine se veut de plus en plus mutualisée. Son développement est favorisé par la mise en place de ZFE et s’appuie de plus en plus sur des livraisons en vélo-cargo.
À Paris, à Strasbourg et à Lyon, les schémas logistiques associant approche par bateau depuis le port industriel, puis livraison vers le cœur de ville depuis un quai urbain se multiplient. Avec une constante : la massification sur un même bateau de marchandises provenant de différents fournisseurs, à destination de différents clients. À Paris, la logistique fluviale urbaine n’a longtemps concerné que les granulats, avec l’utilisation de quais dédiés au pied des centrales à béton. La première utilisation du fluvial pour les biens de grande consommation s’est faite avec un terminal à conteneur mono-client, exploité par Paris Terminal au pied de la tour Eiffel pour approvisionner les magasins parisiens de Franprix avec des conteneurs en provenance de Bonneuil. Mais l’heure est désormais aux bateaux multi-clients et aux quais à usage partagé. Première diversification : la livraison de matériaux de construction en palettes par Point P et Raboni sur les quais parisiens recevant des granulats, en utilisant des bateaux auto-déchargeant qui embarquent au retour des déchets des artisans du bâtiment. Cemex, qui exploite des centrales à béton sur les quais parisiens, propose désormais ses installations, sur lesquels l’entreprise dispose de moyens de manutention, pour le déchargement de conteneurs ou de palettes. « Cela contribue à mutualiser et multiplier les points d’accès à la voie d’eau, tout en améliorant l’image de ces entreprises qui affichent ainsi les services qu’elles rendent à la ville. Les escales à passagers ne sont pas forcément utilisées toute la journée et pourraient être utilisées quelques heures pour décharger des palettes », constate Émilie Mallet, cheffe de projet logistique urbaine de Haropa (Port de Paris).

De nouvelles tendances

Qu’elles aient été menées sur les quais de Cemex pour le transport de meubles à recycler ou précédemment sur des quais publics par la Scat pour Speed Distribution (qui envisage aujourd’hui la construction d’un bateau spécifique) ou par Sogestran avec son bateau Zulu (qui en prépare pour cette année une version hydrogène), les expérimentations et démonstrations effectuées permettent de montrer que la technique fonctionne et que le modèle économique sera au rendez-vous s’il y a un certain volume, d’autant plus s’il y a un fret retour sous la forme de déchets que la ville a besoin d’évacuer. La logistique des déchets en elle-même peut aussi avoir recours au fluvial : ainsi, Suez a mis en place de manière pérenne une déchetterie flottante à Lyon, et a mené des expérimentation à Paris en 2019 et 2020. Les déchets des paquebots de croisières sont aussi collectés par bateau à Paris, l’entreprise Slop Normandie ayant exercé cette activité à Paris au cours des six premiers mois de 2021. Mais la tendance la plus visible de la logistique fluviale urbaine est celle associant approche par bateau et livraison finale par vélo-cargo. À Paris, Fludis avait pour projet de travailler pour Ikea, Lyreco et Paprec. L’entreprise effectue aujourd’hui ses livraisons sept jours sur sept pour le compte de Lyreco avec le Madeleine et grâce à ses triporteurs basés sous la cité de la mode, quai d’Austerlitz. Le bateau électrique Fludis, après de long mois de panne, devrait à nouveau naviguer dans Paris dans le courant du premier trimestre et l’entreprise a des projets avec la Poste pour la livraison de colis. Émilie Mallet espère : « 2022 devrait être l’année de la concrétisation pour plusieurs nouveaux projets. La difficulté, pour fluvialiser les flux, c’est qu’il n’y a pas de modèle reproductible car tout dépend de l’origine, de la destination, de la marchandise transportée, de l’horaire, des quais disponibles… Le projet Franprix a mis une dizaine d’années à aboutir, mais les projets actuellement en développement devraient aller plus vite ». Faire aboutir un projet de logistique urbaine demande à tous les acteurs concernés de s’adapter à une nouvelle donne. Il ne s’agit plus de transporter les marchandises d’un port à l’autre : les bateaux vont au-delà de leur périmètre habituel puisqu’il s’aventurent dans de nouveaux lieux au cœur des villes, avec de nouvelles habitudes de manutention sur les quais à usage partagé. Le transport fluvial est généralement organisé par filières ayant chacune ses chargeurs et ses quais distincts, bien que le même bateau puisse effectuer successivement des voyages pour transporter des marchandises différentes. « Un des enjeux de la logistique urbaine est de décloisonner les filières pour regrouper à bord du même bateaux des marchandises différentes en fonction de leur destination en ville et non en fonction du secteur d’activité du chargeur. Pour certains flux, une distinction demeure : on ne va pas mélanger sur le même bateaux des granulats et des colis. Mais pour la plupart des transports urbains, il s’agit uniquement d’accéder en bateau au plus près de la destination finale, quelle que soit la marchandise transportée. C’est comme cela que le fluvial capte de nouveaux flux », analyse Céline Ohresser, référente nationale de VNF pour la logistique urbaine.

Décloisonner et regrouper

L’exemple le plus parlant de cette évolution est la navette mise en place à Strasbourg par Urban Logistic Solutions (ULS) depuis l’été 2020, qui transporte des marchandises aussi diverses que des colis express, des boissons et de la farine palettisée, le tout acheminé en bateau depuis le port du Rhin jusqu’au centre urbain, puis livré en vélo-cargo à ses destinataires en centre-ville. En fret retour, le bateau transporte des déchets secs cartonnés, ce qui est favorable à l’équilibre économique du schéma logistique et réduit aussi le nombre de camions-bennes circulant pour collecter ces emballages auprès des commerces du centre-ville. « Les produits frais ne font pas encore partie des marchandises livrées ainsi en ville par bateau, mais les opérateurs sont toujours à la recherche de nouveaux marchés et les produits alimentaires font partie des biens abondamment consommés et transportés en ville. À Lyon, c’est aussi ULS qui a été sélectionné en octobre dernier sur un schéma similaire consistant à massifier les flux en décloisonnant les filières. Les produits transportés dépendront du choix de l’opérateur et des marchés qu’il obtiendra », constate Céline Ohresser. La réglementation environnementale limitant la circulation des camions au cœur des villes, avec la mise en place de zones à faible émission (ZFE) est un puissant levier pour accélérer le report modal vers le fleuve, précise aussi Céline Ohresser : « Les ZFE sont vraiment un facteur de succès, sans contrainte réglementaire, souvent, le chargeur ne pense pas au fluvial. Les ZFE n’ont pas pour seule conséquence le recours à des véhicules moins polluants, elles facilitent aussi le report modal vers le fluvial car un camion électrique dans un bouchon reste un camion qui ne circule pas. Il y a une vraie appétence pour la voie d’eau de la part des élus et des citoyens, qui plébiscitent aussi les livraisons à vélo même s’ils ne savent pas toujours que c’est le recours au bateau qui permet l’utilisation de ces vélos-cargo. »

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