« 2023 a été une année intense, marquée par des soubresauts géopolitiques et économiques. Dans un tel contexte, la baisse de trafics de -4,5% pour Haropa Port apparaît contenue, selon Stéphane Raison, directeur général de l’établissement unifié rassemblant les ports du Havre, de Rouen et de Paris, s’exprimant lors de la conférence de presse annuelle de présentation des résultats le 29 janvier 2024. Nous avons construit un nouveau modèle économique qui assemble les forces des uns et des autres et non pas uniquement un ou deux secteurs par place portuaire qui viendraient équilibrer la totalité du modèle. Nous cherchons à faire un modèle décarboné, à modifier l’impact des activités sur l’environnement. Nous cherchons également à réindustrialiser. Nos fondamentaux économiques sont bons avec une progression de +9,8% du chiffre d’affaires à 416 millions d’euros ». Celui-ci repose majoritairement sur les revenus domaniaux (225 millions d’euros, part de 55%) et sur les droits de port dans un moindre mesure (165 millions d’euros).
PSMO et chatière. En 2023, les investissements publics ont atteint 126 millions d’euros, ceux des opérateurs économiques privés 462 millions, soit un montant total de 588 millions, en essor de +5,5% par rapport à 2022. La somme prévue, côté public, pour 2024 est de 201 millions d’euros dont, entre autres, 40 millions sont dédiés au démarrage des premiers travaux de PSMO (Port Seine Métropole Ouest) ce mois de janvier 2024.
Les 100 hectares d’emprise de PSMO se situent sur les communes d’Achères, d'Andrésy et de Conflans-Sainte-Honorine, à la confluence de la Seine et de l’Oise dans les Yvelines. Cette future plateforme trimodale (fleuve, rail, route) va accueillir des activités de transport et de distribution de matériaux pour les secteurs de la construction et des travaux publics. Sa réalisation compte plusieurs phases de travaux, dont la première a démarré le 22 janvier 2024 pour une livraison en 2027. Les autres phases de construction s’étalent jusqu’en 2040 et commenceront au fur et à mesure de la libération progressive des terrains (carrières) actuellement exploités par le carrier GSM.
Pour le chantier de l’accès fluvial direct à Port 2000 (« chatière »), dont le lancement est également prévu au premier trimestre 2024, ce sont 70 millions d’euros que le port va investir, en échelonnant le montant sur cette année et en 2025 avec une mise en service annoncée pour 2026.
Report modal. Des données provisoires pour le trafic fluvial en Ile-de-France montrent une baisse de -5% avec 20,9 millions de tonnes, largement liée une moindre activité pour la filière des matériaux pour le BTP qui connaît une pause dans cette région (moins de chantiers liés aux Jeux Olympiques et au Grand Paris Express) tandis que les céréales affichent une stabilité (2,6 millions de tonnes).
Les conteneurs manutentionnés apparaissent en hausse avec 190 247 EVP sur l’axe Seine. A Gennevilliers, Paris Terminal SA présente un record « historique » avec 130 895 EVP (+1%) à la fin décembre 2023, poursuivant sur la tendance positive de 2022. Le report modal progresse de +1% pour le fluvial et de +0,2% pour le ferroviaire pour atteindre une part de 15%. L’objectif est toujours de faire parvenir à 20% la part des deux modes massifiés d’ici la fin du projet stratégique en cours. « On est encore loin des niveaux des ports du Range Nord européen », a relevé Stéphane Raison.
Le fluvial pour une logistique différente. Pour ce responsable, le fluvial « dont on ne parle pas assez » présente l’intérêt de permettre un fonctionnement « zéro émission » dans le cadre de l’ambition de transformation du modèle portuaire de Haropa avec le défi de la transition énergétique qui repose sur deux piliers : un corridor « vert » et la réindustrialisation. « On est au départ d’opérations de transformation vers une logistique durable. On progresse sur une chaine logistique décarbonée pour le dernier kilomètre. La livraison du dernier kilomètre est au cœur de ce que nous voulons faire ». La chaîne logistique s'entendant depuis l’arrivée au port maritime jusqu’en région parisienne avec un maillon fluvial et un dernier kilomètre « cyclable » (comprendre vélo-cargo). « La décarbonation sur l’axe Seine passe par le fluvial, la Seine pouvant accueillir 5 à 6 fois plus de trafic qu’actuellement ».
Pour Antoine Berbain, directeur général délégué en charge du projet multimodalité, « c’est l’utilisation du fleuve comme un élément pour une logistique urbaine durable » pour laquelle davantage de solutions existent, des chargeurs s’engagent (Ikea depuis décembre 2022), des expérimentations se multiplient (OBD Grand Paris, charpentes pour Notre Dame de Paris, Tour Wood Up). Le choix d’ULS, à l’issue d'appels à projets, a été rappelé avec des installations à Charenton le Pont (près de Paris) et à Rouen.
Autre fait marquant de l’année 2023, positif pour le fluvial à l’avenir, l’implantation de MSC à Bruyères-sur-Oise avec un investissement de l’opérateur de 18 millions d’euros et des travaux qui devraient démarrer bientôt avec la pose symbolique d’une première pierre dans les semaines à venir. Le terminal va permettre de connecter Le Havre au nord de la région parisienne.
Tourisme fluvial et Jeux Olympiques. La performance de l’activité de tourisme fluvial en 2023 est sans précédent avec 9,5 millions de passagers à Paris, selon des données provisoires, et dépassant ainsi les niveaux d’avant la pandémie.
Pour Stéphane Raison, « les Jeux Olympiques vont être un marqueur de l’année 2024, un booster de la filière fluviale avec la cérémonie d’ouverture sur la Seine. C’est un élément fort de la décarbonation de la flotte fluviale ». Il a également rappelé que Haropa est «« attributaire de la majorité des quais concernés par les Jeux dans Paris » et réalise à ce titre des aménagements d'assainissements et est engagé dans la préparation de la cérémonie d'ouverture des Jeux le 26 juillet 2024.
A un peu moins de 6 mois de celle-ci (donc hors d’un stade pour la première fois), les Jeux Olympiques de Paris 2024 ont été longuement abordés lors de la conférence de presse annuelle de présentation des résultats de Haropa, avec comme point d’orgue la signature d’une « convention » entre cet établissement et le COJO marquant la coopération passée, actuelle et à venir entre ces deux partenaires pour la réussite de cet événement mondial sportif et festif.
Les résultats maritimes. Le bilan du trafic maritime de Haropa affiche un total de 81,3 millions de tonnes, en régression de -4,5% et la répartition par filières est la suivante :
- Les vracs liquides avec 42,1 millions de tonnes progressent (+5%) suite à la fin des perturbations créées les années passées par des incidents techniques dans les deux raffineries, celle de TotalEnergies à Gonfreville L'Orcher près du Havre, et celle d'Esso-ExxonMobil à Port-Jérôme-sur-Seine. Le GNL, avec la mise en service en septembre 2023 du FSRU Cape Ann, représente 357 000 tonnes.
- Les vracs solides avec 12,7 millions de tonnes se replient (-11%) comprenant 7,3 millions de tonnes de céréales (-14%).
- Les conteneurs avec 2,6 millions d’EVP sont en baisse (-15%). « Ce recul s’inscrit dans une baisse globale des volumes conteneurisés manutentionnés par les ports du range Nord. Nous avons perdu des transbordements, toujours plus volatils dans des périodes d’irrégularité du trafic. En outre, les grèves du début d’année ont coûté 200 000 EVP et une centaine d’escales », selon Stéphane Raison. Le trafic inland se replie de 10%.
- Le trafic roulier avec un peu plus de 249000 véhicules se contracte (-9%), « un segment qui reste très volatil ».
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