« Non, la Commission européenne n’organise pas le démantèlement du fret ferroviaire » : tel est le titre de la publication qu’a fait paraître la représentation en France de la Commission européenne en juin... Comme une réponse au plan de réorganisation de Fret SNCF annoncé en mai par le gouvernement.
La publication est une justification de la lutte de la Commission européenne contre les aides de l’État, autant qu’une réponse aux critiques qui jugent que l’action de Bruxelles aboutit à affaiblir le fret ferroviaire en France.
« Les règles de l'UE en matière d'aides d'Etat visent à garantir la présence d'acteurs viables sur le marché, tout en préservant la continuité du service et, en définitive, la protection des transports à faible empreinte carbone », déclare la représentation en France de la Commission européenne, dans le document publié le 5 juin.
En janvier 2023, la Commission européenne avait ouvert une enquête sur les aides dont a bénéficié Fret SNCF de la part de l’Etat français entre 2007 et 2019. Sont particulièrement visées par Bruxelles :
- « les avances de trésorerie effectuées par la SNCF au profit de Fret SNCF depuis début 2007 jusqu'à la transformation de cette dernière en société commerciale le 1er janvier 2020, dont le montant est estimé entre 4 et 4,3 milliards d'euros,
- l'annulation de la dette financière d'un montant total de 5,3 milliards d'euros, incluant les avances de trésorerie précitées de Fret SNCF par voie législative en 2019 au moment de la transformation de celle-ci en société commerciale,
- l'injection de capital de 170 millions d'euros effectuée à l'occasion de la transformation de Fret SNCF en société commerciale ».
« Le but de l’enquête », précise la représentation de la Commission européenne, est bien de « vérifier si ces règles sont conformes aux règles de la concurrence et ne conduisent pas à favoriser l’opérateur historique au détriment des nouveaux entrants sur le marché du fret ferroviaire ».
La réaction du gouvernement à cette enquête, qui pourrait aboutir à la rétrocession des aides versées, a consisté à proposer de créer une nouvelle société publique du fret ferroviaire, qui s’allégerait d’une partie de ses activités. Donc, de fait, le démantèlement de Fret SNCF, sinon du fret ferroviaire français dans son ensemble.
« Certains en déduisent que la Commission organise le démantèlement du fret ferroviaire en France. Pourtant, c’est totalement faux ! » déclare la représentation de la Commission, qui estime que c’est « la concurrence entre opérateurs [ferroviaires qui] a permis de rendre ces derniers plus efficaces, y compris vis-à-vis des transporteurs routiers ».
Les chiffres cités tendent à confirmer cette analyse favorable à l’ouverture du secteur à la concurrence : en France, où 24 opérateurs se partagent le marché, la part modale du fer n’est que de 10 %, contre 19 % à l’échelle de l’Europe. On trouve par exemple 28 opérateurs de fret aux Pays-Bas, 44 en Autriche et 240 en Allemagne.
« Les opérateurs alternatifs à Fret SNCF ont été les principaux relais de croissance du fret ferroviaire en France ces dernières années. Ainsi, le chiffre d’affaires de l’ensemble du secteur du fret ferroviaire en France a augmenté de 460 millions d’euros de 2015 à 2018, alors que celui de Fret SNCF régressait de 400 millions d’euros », rappelle la représentation de la Commission.
Certes, le chiffre d’affaires des transporteurs ferroviaires privées a augmenté au détriment de l’activité de Fret SNCF. Mais cette ouverture à la concurrence sur les marchés les plus rentables n’a pas fait progresser d’un pouce la part modale du fer.