Alors que la date de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne se rapproche, certains ports britanniques compte obtenir des gains inattendus grâce au transport maritime à courte distance avec des opérateurs de lignes et des chargeurs cherchant à éviter un encombrement potentiellement important de Douvres, principal port Ro-Ro du pays, plus particulièrement en cas de « Brexit dur » ou sans accord.
En décembre 2018, le Department for Transport (DfT) du gouvernement britannique a annoncé des contrats d’urgence totalisant 107,7 millions de livres sterling (près de 123M€) pour trois opérateurs - DFDS, Brittany Ferries et la start-up britannique Seaborne Freight - afin de fournir des services supplémentaires en cas de Brexit sans accord.
Brittany Ferries fournirait des services supplémentaires dans les trois ports de la côte sud actuellement utilisés, soit Portsmouth, Poole et Plymouth, offrant des liaisons avec Le Havre, Caen, Cherbourg et Saint Malo. Seaborne Express prévoyait de relancer la route en sommeil entre Ramsgate et Ostende, un lien exploité par la compagnie Sally Line entre 1993 et1998.
DFDS a obtenu la plus importante part du contrat de DfT, d’une valeur de 47,3 M£ (près de 54M€). L’opérateur basé au Danemark exploite actuellement un réseau de services dans l’Europe du Nord, qui comprend les routes par la Manche Douvres-Calais, Douvres-Dunkerque et Newhaven-Dieppe.
Dans l’éventualité où le Brexit entraînerait des inspections supplémentaires à la frontière et des retards à Douvres, DFDS devrait déployer sa capacité supplémentaire non pas sur les traversées de la Manche mais sur des liaisons desservant le principal port à conteneurs du Royaume-Uni, Felixstowe, juste au Nord de Londres, et le complexe de ports de Humber River, soit Immingham, Hull, Grimsby et Goole, situés plus haut sur la côte de la mer du Nord.
À la mi-janvier 2019, DFDS a annoncé un accord renouvelé avec le port de Felixstowe pour y maintenir ses services pendant les 15 prochaines années. Dans le cadre de cet accord, le propriétaire de Felixstowe, Hutchison Ports, s'est engagé à « investir de manière significative » dans un nouveau pont-à-pont flottant capable de charger/décharger des véhicules et des tracteurs sur des navires rouliers de dernière génération ainsi que dans plus de 300 places de parking supplémentaires pour les remorques non accompagnées, augmentant ainsi la capacité Ro-Ro du port de plus de 40%.
Le Pdg et président de DFDS, Niels Smedegarrd, a déclaré que cette décision était motivée par l’intensification des échanges commerciaux Ro-Ro sur la ligne existante Rotterdam-Felixstowe, ainsi que par la nécessité « de fournir la capacité nécessaire pour continuer à soutenir les activités de nos clients, quelle que soit l’éventualité d’une évolution future du monde après le Brexit ».
Les échanges ont déjà augmenté dans les autres ports que Douvres
Mais ce sont les 4 ports de Humber River - qui forment le plus grand complexe portuaire britannique, tous détenus par AB Ports (ABP) - qui pourraient sans doute tirer le meilleur parti de toute perturbation du commerce par le transport maritime à courte distance à cause du Brexit.
DFDS devrait ouvrir de nouveaux services dans le port d’Immingham, où il exploite déjà deux terminaux multifonctions recevant ses ferries sur des liaisons en provenance de Norvège (Brevik), Suède (Göteborg), Danemark (Esbjerg) et Allemagne (Cuxhaven).
Le port voisin de Hull a déjà connu une reprise du transport maritime à courte distance après qu’ABP ait investi 14 M£ (près de 16M€) dans l'agrandissement du terminal à conteneurs en 2017. En mai 2018, I-Motion a lancé un service depuis Gand. Samskip vient d’annoncer son intention de se développer sur ce service et a déjà ajouté ses propres départs depuis Amsterdam pour compléter ses services existants depuis Rotterdam. De plus, Hull a ajouté des appels réguliers de Maersk Line, se connectant pour la première fois à un service de navigation hauturière. « Avec les incertitudes actuelles liées au Brexit, nous pensons que notre offre de services dédiés au transport maritime à courte distance peut offrir de solides options aux entreprises qui souhaitent réduire les risques liés à leur chaîne d’approvisionnement en prévision de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne », a déclaré Richard Beales, directeur régional de Samskip UK & Ireland.
Les échanges dans les deux terminaux à conteneurs de Hull et d’Immingham ont progressé de 9% entre 2017 et 2018, indique ABP, grâce au nombre important de centres de distribution régionaux installés le long du corridor autoroutier M1/M62 « qui considèrent les ports de Humber comme leur porte d’entrée naturelle ».
« Nous avons déjà vu des volumes commencer à augmenter dans nos ports de Humber car les clients recherchent des alternatives à Douvres », a commenté Henrik Pedersen, Pdg de ABP. Nos ports fonctionnent depuis des années selon des normes de classe mondiale, nous avons prouvé que nous étions prêts à répondre aux besoins de nouveaux clients ».
Une de ces nouvelles exigences est le résultat de la stratégie de Hull visant à devenir un « port vert » (Green Port) ciblant le secteur des énergies renouvelables. Siemens a installé une importante usine dans ce port pour la fabrication des pales géantes nécessaires aux parcs éoliens. Hull a obtenu des contrats lucratifs pour le stockage et la construction de ces pales lors de la réalisation de deux des plus grands parcs éoliens offshore du monde dans les mers du Nord et d’Irlande.
« Nous voulons envoyer un message fort : ABP est prêt à faire en sorte que la Grande Bretagne continue à échanger avec le monde après le Brexit, a ajouté Henrik Pedersen, évoquant l’ensemble du réseau de 23 ports d’ABP en Angleterre, en Écosse et au Pays de Galles. Nous continuerons d’investir et de stimuler les échanges et de créer des emplois à long terme ».
