Une logistique urbaine « pensée pour le mode routier », comment changer la donne ?

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Un rapport du Sénat dresse un état des lieux d’une logistique urbaine, « à ce jour, principalement pensée pour le mode routier » et qui va le rester encore un bon moment. Les mesures proposées veulent tracer un chemin vers un modèle plus « durable » en accélérant la « décarbonation » des véhicules routiers et en levant les obstacles « au développement des modes peu polluants », que sont le fluvial et la cyclo-logistique.
Un rapport d’information de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat sur une logistique urbaine durable a été publié le 24 mai 2022. Les deux sénatrices qui l’ont réalisé, Martine Filleul (Nord) et Christine Herzog (Moselle), dressent un bref état des lieux se concluant par une phrase lapidaire : « En définitive, la logistique urbaine semble à ce jour principalement pensée pour le mode routier » et elle va le rester encore un bon moment. La série de propositions (14 au total autour de 4 axes) a donc l’ambition de mettre en place des mesures pour accélérer une « décarbonation » des poids lourds et véhicules utilitaires légers (VUL) pénétrant dans les agglomérations, mais aussi développer des infrastructures de recharge (bornes électriques notamment privatives). D’autres mesures visent à mieux intégrer et organiser la logistique ainsi qu’« à améliorer les règles de circulation et de stationnement afin d’optimiser le partage de la voirie ». Ne sont pas oubliées des actions de sensibilisation des consommateurs « sur l’impact environnemental de leurs livraisons » en luttant notamment contre l’illusion entretenue par de nombreux acteurs du e-commerce sur la gratuité des livraisons. Les deux auteurs abordent également la nécessité de travailler « en parallèle », au « développement des modes peu polluants, et plus particulièrement du transport fluvial et de la cyclo-logistique ». C’est la proposition 11 qui détaille les mesures suivantes : -Rendre le schéma de desserte fluviale obligatoire pour les agglomérations desservies par la voie d’eau, -Donner à Voies navigables de France (VNF) les moyens d’acquérir du foncier et d’aménager des terrains en bord à voie d’eau, notamment afin de développer les expérimentations de quais à usage partagé, -Lisser l’effort d’investissement de VNF jusqu’en 2027, -Développer la cyclo-logistique, notamment en clarifiant la doctrine fiscale en matière de déductibilité de la TVA pour faciliter l’achat de vélos-cargo affectés au transport de marchandises.

Pour un schéma de desserte fluviale obligatoire

Les trois mesures pour le développement du fluvial font l’objet de précisions dans le rapport. Le schéma de desserte fluviale est l’une des mesures inscrites (article 16) dans le marbre de la loi d’orientation des mobilités (LOM). Les sénateurs l’avaient proposé comme obligatoire puis un amendement des députés l’a transformé « en simple possibilité pour les collectivités », dit le rapport. Les deux auteurs de ce document (des sénatrices) demandent donc un retour à la version obligatoire, constatant : « Il semble qu’aucune agglomération n’ait à ce jour intégré ce schéma à son plan de mobilité. Cette disposition est certes entrée en vigueur récemment (le 1 janvier 2021), mais il est à craindre que certaines agglomérations ne se saisissent pas de cet outil pourtant stratégique pour définir une feuille de route à long terme en matière de desserte fluviale. C’est pourquoi les rapporteures proposent de rendre ce schéma obligatoire, conformément à ce qu’avait initialement proposé le Sénat. Cette obligation s’appliquerait aux futurs plans de mobilité ou alors ce schéma pourrait être intégré à l’occasion de la révision des plans de mobilité déjà entrés en vigueur ». Pour les deux auteurs, malgré des atouts (capacité d’emport élevé, desserte ancienne des cœurs des villes, fiabilité avec un réseau non saturé, vertueux sur le plan environnemental, faiblement énergivore), « le mode fluvial peine encore à se développer (…), notamment en raison de l’éclatement des flux qui génèrent des ruptures de charge. (…) En outre, la logistique urbaine ne s’organise que très peu à partir des plateformes portuaires urbaines (…). Enfin, un des obstacles au développement du transport fluvial au cœur de nos agglomérations réside dans la difficulté à sanctuariser des quais pour la logistique urbaine. Les opérations de chargement et de 
déchargement nécessitent en effet d’utiliser des espaces en bord à voie d’eau. Or, les quais sont, en ville, souvent destinés à des activités de loisirs ».

La problématique de l’usage des quais en zone urbaine

« Pour ce qui concerne la problématique de l’usage des quais en zone urbaine », les deux auteurs rappellent que l’article 2 de l’ordonnance n°2021-407 du 8 avril 2021 « a élargi les compétences de VNF en lui permettant de se voir déléguer le droit de préemption urbain et le droit de préemption institué dans les zones d’aménagement différé. Néanmoins, VNF a indiqué à la mission d’information que « l’achat de foncier pertinent, l’installation des plateformes logistiques à proximité des villes, les investissements nécessaires à l’équipement de ces plateformes, n’ont pas été pris en compte » dans le contrat d’objectifs et de performance (COP) conclu entre l’État et VNF pour la période 2020-2029 ». Le rapport poursuit : « Dans ce contexte, le développement de la logistique urbaine fluviale repose donc sur un domaine public fluvial à périmètre constant ; des concessions ou conventions d’occupation temporaire, qui induisent des investissements portés par le concessionnaire ou partenaire privé ce qui peut constituer une barrière à l’entrée pour les logisticiens potentiellement intéressés, réduisant de fait le nombre de nouveaux entrants ». Pour les deux sénatrices, « la maîtrise du foncier en bord à voie d’eau est une condition sine qua non pour inciter les acteurs privés à recourir au transport fluvial (…). C’est pourquoi elles estiment indispensable de doter VNF de moyens dédiés à l’acquisition de foncier en bord à voie d’eau. Dans ce cadre, elles sont favorables au développement des expérimentations de quais à usage partagé (entre la logistique fluviale et les loisirs), ce qui suppose des investissements spécifiques (manutention, aménagements cyclables, etc.) ». Le rapport conclut : « Plus globalement, un lissage de l’effort d’investissement sur l’infrastructure fluviale semble nécessaire. Comme le relève VNF, le COP prévoit 3 phases : de forts investissements sur la période 2020-2022 (856 M€), une baisse sensible sur la période 2023-2027, puis une nouvelle hausse à compter de 2027. Or, « l’efficacité d’un programme d’investissement touche à la continuité de l’effort pour éviter des stop & go démobilisateurs et coûteux ». Faute de lissage de cet effort, VNF estime qu’il faudra arbitrer, sur la période 2023-2027, entre la sécurisation des grands chantiers et les besoins de financement des chantiers de logistique urbaine. Pour éviter cette situation, les auteurs souscrivent à la proposition de VNF consistant à lisser l’effort d’investissements ».

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